La chanson de la semaine

lundi 26 avril 2010

Best Coast

Etant parfait, ce clip mérite bien sûr sa place ici. Best Coast - j'en avais déjà glissé un mot - est à la cote californienne (la meilleure) ce que sont les Vivian Girls à l'est. Mais pas seulement. A l'écoute de When I'm with you on comprend mieux en quoi Bethany Cosentino surclasse toutes les autres, Dum Dum Girls comprises, et pourquoi elle plait aussi à ceux à qui les autres ne plaisent pas. Pas franchement différente, elle utilise exactement les mêmes procédés (saturation et réverbération, ce qui procure aux chansons un étrange et suave mélange de braillardise et de profondeur) mais elle ajoute une touche surf, bien californienne et habilement fondue dans le reste. Dès le départ, vers 2008, ces rriot girls ont surpris par un son garage rétro mais teinté de shoegazing, presque mélancolique dans le fun, vaporeux à force de bruit indistinct, mais l'originalité de Best Coast, son audace, c'est d'accentuer encore un peu plus cet aspect, de le tendre jusqu'à l'extrême, en fait d'incarner radicalement l'esthétique qui se dessine, même si c'est par le truchement d'esquisses maladroites (car Best Coast sonne souvent moins pro que les Vivian Girls, c'est dire!). Du coup, le rejet peut être total; on pense notamment à ceux qu'indisposerait le courant shitgaze avec ses enregistrements volontairement (ou pas) approximatifs et violemment saturés. Mais le refrain pop de When I'm with you a la force fédératrice qui manque parfois au groupe. Ce qui le rend si enivrant, c'est d'abord la structure du morceau avec son introduction qui monte progressivement en puissance, preuve que Best Coast connait ses fondamentaux, puis ce son de guitare massif qui devrait plaire aux fans des années 90, enfin les chœurs, très en retrait, mais indispensables à l'esprit surf californien qui règne sur ces 3 petites minutes d'indécision des sentiments, où l'on ne sait plus bien ce qu'on éprouve entre espoir, gaieté, bien-être et un émoi indescriptible, une sorte de tristesse masquée qui est propre aux jours de soleil.

mercredi 21 avril 2010

Chanson de la semaine - Don't Lie (the Mantles)


Cette semaine, le choix est banal mais imparable. Je prends tout simplement la meilleure chanson de 2009, que j'ai déjà dû passer cent fois, et je la remets en en-tête pour les nouveaux. Il est dit que les Mantles ne finiront pas inconnus. Choix banal car je recycle mais ne vous y trompez pas, les Mantles, bien que j'en parle souvent (mais peut-être pas sur ce blog), sont fichtrement ignorés par les médias français - et pour cause! leur disque n'a pas encore traversé l'Atlantique. En attendant que l'un des plus beaux albums de garage-rock parvienne jusqu'à vos oreilles, écoutez donc ce Don't Lie, idéal pour un road-movie imaginaire, byrdsien comme les Byrds n'étaient finalement pas capables de l'être (car oui, les Byrds sont influents et même irremplaçables pour l'imaginaire collectif - le mien compris - mais tout compte fait, rares furent leurs grands morceaux - ce qui est grand ce sont les morceaux qu'ils n'ont pas écrits mais dont on les pense capables).
Mais pourquoi Don't Lie, ce morceau précisément et pas un autre, attendu que leur disque est si bon? Parce que Don't Lie est idéal en présentation: il donne le ton et ne fait pas attendre. Il a cette vertu précieuse d'entraîner tout de suite l'auditeur dans le vif du sujet, condensant l'ambiance qu'il décline sur le reste du disque. Il introduit le nouveau venu et résume en même temps l'esprit du groupe san franciscain. Don't Lie repose sur un duo de guitares saturées et mélodieuses comprenant des accords plaqués d'un coté et un arpège de l'autre, formule simple et redoutable lorsqu'il s'agit d'écrire un morceau entraînant à la manière de The House of the rising sun (mais Don't Lie, du fait de la saturation et de la deuxième guitare, est plus sale et plus dense). Les Mantles ressemblent à des Black Lips attendris, à un Brian Jonestown Massacre fleuri, c'est un grand bain de soleil et de liberté car en plus d'être touchante leur musique respire l'aisance. Mélangeant allègrement l'esprit garage et le flower power, les Mantles sont, comme les Black Lips, "trop punk pour être hippies, trop hippies pour être punk".

Par ailleurs, si un morceau ne suffit pas à vous tenter ou si vous avez le cœur lourd (les deux sont possibles conjointement), écoutez aussi Look Away, la ballade triste de l'album. Après, si vous n'êtes pas convaincus, c'est que vous êtes bien difficiles.

mercredi 14 avril 2010

La 2ème chanson de la semaine: When You Leave My Arms


Puisque la première (the House on Highland Ave.) n'était pas disponible sur Grooveshark, il était logique d'en sélectionner une autre. Oh, elle pouvait se suffire à elle-même, car the Dutchess and the Duke, sur le plan émotionnel, c'est tout simplement de la même trempe que le Gun Club. A Seattle, on a trois groupes folk intéressants, et Fleet Foxes ne compte même pas parmi eux. Loin du folk assagi et sophistiqué qui déçoit tant les amoureux de l'expression directe, the Dutchess and the Duke est plus qu'un antidote, c'est l'incarnation intemporelle du folk, à base de guitare acoustique et d'un duo de voix (un homme, une femme, qui dit mieux?), sans surplus, sans fausse austérité non plus puisque les chansons les plus progressives, les plus compliquées, sont dans 80% des cas issues d'une grille d'accord à l'acoustique, ce qui revient donc au même. The Dutchess and the Duke, c'est la musique qui a la peau sur les os, mais au moins elle a un squelette, ce qui manque à tant de groupes invertébrés!

L'album Sunset/Sunrise est un immense coup de coeur, qui date de l'an passé mais sur lequel il faut revenir parce que, primo, on n'en a pas dit assez de bien et deuxio, il sort enfin en Europe. Sunset/Sunrise, ce sont des ritournelles rudimentaires tressées comme de l'osier, mais elles ont la couleur du couchant, l'épaisseur du bois et la saveur propre à l'Amérique du Nord, à l'espace sans bornes où s'est rêvé la liberté, illusoire ou pas, qu'importe, cette liberté un peu triste parce qu'elle coupe tous les ponts derrière elle. Aussi l'album respire la solitude, comme malgré lui. Ce n'est pas que le duo se complaise dans cette image, au contraire on l'imagine plutôt versé dans le punk-rock, un peu trash, un peu foufou, bordélique et mal élevé. Mais de façon inexplicable, un groupe garage s'est mué en duo folk doux amer qui fait lever les yeux au ciel.

Il y aurait beaucoup à dire encore, mais je ne peux pas. Les groupes médiocres sont plus aisés à décrire: on les connait dès l'abord. On sait comment les étiqueter, leur démarche ne nous est pas inconnue, on la reconnait en filigrane à travers toutes leurs maladresses parce qu'on identifie nos propres travers dans les leurs, alors que les grands groupes en devenir sont surprenants (même dans la simplicité) et difficiles à cerner. The Dutchess and the Duke sont presque simplistes, y compris dans leurs intentions: quoi de plus élémentaire qu'une chansonnette pour feu de camp? Mais ce qu'on ne parvient pas à saisir, c'est la raison pour laquelle cela nous affecte tant, pourquoi ils surclassent la concurrence. Il n'y a sans doute rien à comprendre: certains sont juste plus doués que d'autres.

Sunset/Sunrise
Hardly Art, 2009

lundi 12 avril 2010

1ère chanson de la semaine: The House On Highland Ave.


Cette semaine, on passe aux choses sérieuses, mais vous ne l'entendrez pas, car le morceau en question ne se trouve pas au coin du net (sur lequel on trouve pourtant tout et même n'importe quoi comme des live enregistrés par un téléphone portable).

Les critiques ont une formule toute faite pour qualifier ce genre d'envolée passionnée: ils parlent de lyrisme adolescent. L'expression chanter comme si sa vie en dépendait ou encore comme si on allait mourir demain trouvent parfois leur faveur et celle d'un public en mal de sensations fortes et d'authenticité (une valeur bonne à tout faire de la critique, souvent "paresseuse" - stéréotype qu'on doit au lecteur cette fois). Enfin, un mot résume souvent ce sentiment: urgence.

Ces clichés, comme tant d'autres, à commencer par l'infinie délicatesse des violons ou le dictionnaire des adjectifs courants et récurrents de la critique sont des écueils à éviter soigneusement si on veut toucher un public lucide. Quand un article insiste lourdement sur l'un d'eux ou les multiplie, il est d'usage de fuir le disque. Pourtant, écrivait Flaubert, ce n'est pas parce qu'on parle mal d'amour qu'on n'aime pas; l'homme moyen manque souvent de vocabulaire et d'idées. De la même façon, un critique peut déballer des clichés éculés à propos d'un disque qu'il trouve magnifique sans qu'on doive conclure à sa banalité. Ces mots tant de fois galvaudés que le mésusage a rendus insignifiants sont malheureusement les seuls à rendre compte exactement de mon sentiment. Pour peu qu'on veuille bien leur rendre tout leur sens, ils sont nécessaires à l'écriture d'un article sur le Gun Club.

Urgence et lyrisme adolescent, donc. Les deux pierres de touche d'une discographie dans laquelle j'entre tout juste, où j'aperçois un peu de terre sèche, bien sûr, mais aussi de véritables flammes. Qu'elles soient isolées n'a aucune importance. Quand on aime la musique, a-t-on besoin d'albums? Des chansons, au coup par coup, valent dix fois plus qu'un album réussi mais tiède du moment qu'elles parviennent, ne serait-ce que sur deux minutes, à transfigurer nos vies. The House On Highland Avenue est l'un de ces quelques titres flamboyants, tous artistes confondus. Il est hélas méconnu, parce que c'est le premier titre d'un ep et que personne n'achète ni ne connait les ep. Le fait est remarquable, car le Gun Club jouit pourtant d'une réputation de groupe culte, au même titre que les Cramps ou Big Star, mais avec peut-être une dimension mythique supplémentaire imputable à la personnalité de Jeffrey Lee Pierce.

Récemment, un magazine anglais assez populaire accueillait tièdement la réédition de Miami et de Fire Of Love, les deux brûlots blues de Jeffrey Lee Pierce et cie. Ils semblaient sauvages en 83, écrit le journaliste, ils ternissent en 2009. Si on le suit, l'histoire de Jeffrey Lee Pierce serait désormais le véritable intérêt du groupe. Or, au cas où vous penseriez, comme un de mes amis myspace, que Gun Club n'intéresse plus que par le charisme de son leader, vous trouverez un premier démenti dans cette curieuse mais véridique confession: je ne le connais tout simplement pas et ne me suis pas renseigné pour écrire ce billet. Exception faite de Ian Curtis*, jamais je ne suis tombé sous le coup d'une fascination pour un artiste. Même Kurt Cobain, alors que j'ai découvert le rock avec Nirvana, n'a pas sollicité ma curiosité. Quelques coupures de presse, vite lues et mal digérées, m'auront suffi à comprendre, du temps où Unplugged in NY squattait mon lecteur, qu'il n'y avait rien de mémorable qu'un suicide et une pouffiasse affreuse en guise de femme. Il y a des auditeurs moins tournés que d'autres vers ce qui cimente la collectivité, l'adhésion à une figure culte, le partage d'une dévotion; des auditeurs moins accessibles à l'admiration, moins avides d'un modèle, plus profondément asociaux peut-être.

Toujours est-il que je me fiche pas mal de savoir le pourquoi du comment. Jeffrey Lee Pierce a simplement sorti une des plus belles chansons au monde. Ce qui place the House on Highland Avenue au dessus du lot (y compris du sien), c'est peut-être, en premier lieu, le coté délié et enlevé de la musique, avec ses trois accords de guitare électrique et les notes de piano qui s'affirment aux moments forts. Le groupe ne se contente pas de réciter son rock sur le bout des doigts, il a aussi l'art de créer un accompagnement entraînant et sensible, une cavale lyrique qui ressemble presque à une ballade. Et puis, la voix, bien sûr, doublée pour le refrain: "there is no fire in your glass eye" - mais il y en a dans le chant, croyez-moi.

* Pour le cas Curtis, je suis revenu de ma période de fascination délétère (j'allais jusqu'à écouter régulièrement Joy Division - une improbable perversion de mon oreille dont je suis guéri). Cette unique exception n'a jamais résisté aux faits. Le film Control, notamment, m'a une fois de plus convaincu qu'il n'y a rien de plus insupportable que ces espèce d'hagiographie qu'on appelle biopic. Et je ne parle même pas de celle de J.Cash. Cela dit, je n'ai jamais été fan de Cash.

mercredi 7 avril 2010

Flash Delirium


Si l'album, à première écoute, a de quoi décontenancer, vous allez maintenant halluciner devant le clip. Je n'ai pas cherché à le comprendre, je ne suis pas drogué et de toute façon mon intelligence cinématographique est quasiment nulle. Comme un gamin de cinq ans, je regarde les images pour ce qu'elles sont, sans percevoir les enchaînements logiques. Mais c'est intéressant de voir qu'ils n'ont pas rejeté les grosses productions, malgré leur complexe vis-à-vis du succès. A voir cette vidéo loufoque, on se prend à imaginer Mgmt en Smashing Pumkins des temps modernes. Mieux, Mgmt est l'équivalent actuel des Strokes, du moins en tant qu'indice culturel de la jeune génération. Des albums comme Is This It ou Oracular Spectacular ne sont pas forcément les meilleurs de leur temps mais par leur popularité ils renseignent sur l'état général de la musique à un moment donné. Médiatiquement, tout groupe ressemblant de près ou de loin à Mgmt sera désormais une bonne chose à prendre et à monter en aiguille pour la presse, tandis que Julian Casablancas lui-même s'adonne à une lubie eighties fort à la mode mais à rebours de NY City Cops. Ce genre de passation de pouvoir est passionnant à suivre, d'autant que les contempteurs de Mgmt sont souvent des fans de rock binaire. Les contents d'hier seraient donc les déçus d'aujourd'hui? C'est bien sûr plus compliqué. En sous-main, la même variété musicale continue de grouiller dans les marges, mais sur le devant de la scène le paysage n'est plus le même et deux époques pourtant pas très éloignées dans le temps se confrontent. Congratulations, c'est presque un renversement de l'histoire, comme si Queen venait après les Ramones. On peinerait à énumérer toutes les influences du groupe. C'est l'histoire du rock dans un mikshake, tellement compressée qu'on ne différencie plus rien. A ce rythme, Mgmt peut faire passer les torchons pour des serviettes. "C'est quoi ce bordel?" a envie de dire, impatienté, l'homme de bon sens. Une moitié du groupe qui déteste la comédie musicale et cite Spacemen 3 (le groupe a été assisté par Sonic Boom) pour un résultat qui ressemble néanmoins à une comédie musicale pour drogué et en aucun cas à Spacemen 3! Logique. Dans le monde de Mgmt, quelque chose ne tourne pas rond. Il ne faudrait pourtant pas croire que ce disque, événement socio-musical, est une poubelle. Dans la benne on croise des objets de luxe. Simplement, une écoute ne suffit pas. Dix n'y changeront peut-être rien non plus. Il est trop tôt pour juger, on ne peut que constater, à moitié ébahi et un peu dubitatif, la sortie d'un ovni. La question cruciale est maintenant: veut-il notre bien?

http://www.youtube.com/watch?v=z_5Gm8MWwlw

mardi 6 avril 2010

El Goodo


La chanson de la semaine est extraite d'un album très méconnu, et sorti plusieurs fois, d'abord sous forme digitale en 2008, puis sous forme plastique en 2009, voire 2010, on ne sait plus bien. Ma pochette indique l'année nouvelle mais quelle que soit sa date de sortie, Coyote a sa place ici puisque, vous l'avez compris, je ne chronique pas vraiment les nouveautés mais les coups de cœur. El Goodo mérite une petite présentation car ses origines et sa pochette sont trompeuses. Non, ce ne sont pas des américains adeptes de country-rock, mais des musiciens des Pays de Galle fans de Big Star. Et tant qu'on y est, ça tombe bien d'en parler puisque je n'ai pas consacré un mot au décès d'Alex Chilton (je n'ai pas encore décidé d'ouvrir une rubrique nécrologique, bien que l'actualité m'y presse).

El Goodo est une bonne chanson, une des meilleures ballades de Big Star mais ce n'est pas sûr qu'elle fasse un bon nom de groupe. S'appeler Radiohead d'après une chanson des Talking Heads, par exemple, est une idée solide mais Choisir El Goodo pour patronyme, c'est déjà se fermer une des portes de la gloire (remarquez, Toto et Poco ont su faire oublier leur affreux nom). Pour l'instant, El Goodo semble vivoter dans l'ombre des grands Coral, leurs prédécesseurs. Car c'est bien dans la lignée de cette pop anglaise distinguée, prolifique et complexe, qui s'origine dans les Kinks et poursuit sa route avec les délicats Pale Fountains ou les La's, que se place d'emblée El Goodo.
Comparés aux Coral, ils arrivent néanmoins au mauvais moment, celui où la vague rétro semble se ramasser sur elle-même, d'autant qu'ils sont à certains égards encore plus classiques que le groupe de James Skelly et devraient peiner, dans l'Angleterre des Xx et de Big Pink, à trouver un large public. Mais ce genre d'ouvrage légèrement psychédélique, subtilement teinté de folk-rock à l'américaine (Byrds) et plutôt délicat (malgré le gros riff de Feel So Fine, très proche de BRMC), a de toute façon toujours rencontré un public limité, notamment des gens qui rêvent d'une chanson traditionnelle (couplets et refrains) finement ouvragée, trouvant l'équilibre apollinien parfait entre la douceur des mélodies et l'aplomb des rythmiques rock, en somme ceux qui rêvent d'un artisanat de la chanson.
El Goodo s'approche souvent de cet idéal et notamment sur Aren't You Grand, leur meilleur titre, qui a un coté western ou road-movie qui le rend particulièrement captivant. Mais il faut aussi recommander aux amateurs des Kinks l'écoute de Pete, chanson vieillotte mais très amusante, un peu comme l'était Harry Rag ou les morceaux psyché des Coral.

Coyote pêche peut-être par excès de classicisme (c'est ce qu'on concèdera, s'il le faut, aux modernistes obtus) mais c'est un second album et le groupe qui, tout en assurant la transmission d'un héritage, se cherche encore, a certainement une belle marge de progression devant lui. En tout cas, c'est tout simplement l'un des seuls disques du Royaume Uni qui, ces dernières années, ait pu apporter aux fans de cette pop anglaise sophistiquée et mélodique, une preuve qu'elle existe toujours (avec Camera Obscura dans un registre plus pop, les Coral en "vétérans" et The Last Shadow Puppets pour ceux qui apprécient aussi le coté Scott Walker). Je n'ai plus qu'une chose à dire: faîtes-moi confiance et essayez de dégoter ce disque rare, quoi qu'il vous en coûte.

COYOTE
El Goodo
Phantom Sound & Vision, 2010

jeudi 1 avril 2010

Wagonwheel Blues, la chronique


Vous en avez déjà entendu parler ici même. Comme je recycle mes vieilles marottes, hop, j'enfonce le clou. The War On Drugs donc. Qui sont-ils? Qu'ont-ils fait? Wagonwheel Blues, l'album d'Adam Granduciel, avec Kurt Vile en seconde moitié du groupe, qui n'en était alors pas vraiment un mais plutôt une sorte de projet solo où Granduciel jouait lui-même un peu de batterie, épaulé par des musiciens d'appoint qui ont fini par faire partie intégrante d'une véritable formation, est un premier LP inégal - soyons honnête - mais néanmoins merveilleux, pour toutes les raisons imaginables, pour tout ce qu'il contient et peut-être même ses légers égarements soniques. Car on ne conçoit pas The War On Drugs sans déviances, débarrassé de son style brimbalant et tarabiscoté (qu'on entend à l'identique dans les albums solos de Kurt Vile). Après tout, on n'aime pas Brian Eno pour accoucher d'un album pop classique. Alors voilà, Wagonwheel Blues s'aventure partout et ne lésine ni sur les mélodies ni sur les sons atmosphériques. Ce n'est pourtant pas de Spiritualized que les membres de War On Drugs se revendiquent, mais de... Tom Petty! N'importe, ils n'en sont que plus intéressants, pour leur largesse de vue et l'imprévisibilité à laquelle elle peut conduire.
Adam Granduciel n'a pas un nom de star, mais on a envie de le prononcer. C'est tellement sidérant, tellement étrange de dire "j'écoute Adam Granduciel" qu'on croit le voir grandir sous nos yeux. Ce type qu'on imagine un géant ne peut pas être banal. Ou plutôt, il peut l'être, mais alors sa banalité sera cause de curiosité, elle passera pour un phénomène hors du commun et, vue sous cet angle, ne sera plus banale. Le plus surprenant, c'est qu'en dehors des pièces maîtresses que sont A Needle In Your Eye #16, Arms Like Boulders et Taking the Farm, dont j'avais déjà vanté les mérites psychédéliques, le reste de l'album tient bien la route. Par comparaison, il aurait pu pâlir sévèrement, mais non. Moins fulgurants, mais toujours pertinents, les autres titres font voyager l'auditeur dans un monde à peine défriché, plus sauvage, plus héroïque qu'Animal Collective (avec qui ils partagent certaines textures sonores) et surtout plus captivant. Même impression qu'avec Kurt Vile: on est embarqué dans un train à vapeur et on sillonne les USA. Si certains, légitimement, trouveront le périple un peu longuet, qu'ils se concentrent alors sur les trois morceaux de bravoure de l'album et attendent la suite: avec de telles pépites dans le ballot, ce serait étonnant que the War On Drugs saborde son avenir. 2008, année de sortie de Wagonwheel Blues. ça n'a l'air de rien, mais pour moi c'est une date qui compte.