Cults me paraissait très agréable hier - et le reste d'ailleurs -, mais  après une journée passée aux cotés d'Anna Calvi c'est peu de dire qu'on  dirait un produit marketing. Il suffit de reluquer la pochette pour  sentir l'hédonisme très conformiste et, ai-je envie de dire, très  libéral, de ce groupe pour étudiantes. Ainsi, l'image de la chanteuse se  trémoussant provoque en moi deux réactions: la première est la honte,  car j'ai l'impression d'être pris pour un c.. et de me laisser faire, la  seconde est la reconnaissance immédiate de tout le symbolisme qu'attend  notre époque: la joie dansante, un coté "tendance" et sexy, l'image du  bonheur selon Grazzia. A ce niveau de signalétique, la boite de  production a supposé que l'acheteur était très bête et qu'une voix  sucrée ne suffirait pas à lui faire comprendre qu'il a affaire à une  sucrerie. Bref, je suis un peu agacé et ma préférence va à une femme  plus mure, comme Anna Calvi, plutôt qu'à ces petites chatteries de  brunette frivole.
Mais voilà, si je prends la peine d'écrire sur ce groupe, c'est parce  que primo les trois premières chansons de l'album (Abducted, Go Outside  et You Know What I Mean) sont franchement irrésistibles; deuxio, il y a  quelque chose de dérangeant sous son aspect très lisse. Un os un peu dur  qui se trouve être trop saillant. Cults, déjà, tire son nom d'une  fascination revendiquée pour les sectes. Ensuite, le clip de Go Outside,  conçu à partir d'images d'archives, évoque la secte de Jim Jones, qu'on  entend d'ailleurs en début de chanson ("for me, death is not a fearful  thing. It's life that is treacherous"). Brillamment réalisé, il intègre  l'image de la chanteuse à une foule de fidèles en liesse puis au village  de Guyane où s'est produit la catastrophe. Madeline Follin* y apparaît  en grande admiration devant le gourou et très heureuse de sa vie en  communauté fantasmatique.

J'ignore les motivations qui ont conduit le  groupe à accepter la réalisation de cette vidéo superbe mais très  dérangeante, ce qui suscite d'ailleurs une certaine désapprobation des  internautes. Peut-être la chanteuse a-t-elle voulu montrer la facilité  avec laquelle le besoin d'évasion tend à abuser les hommes. La vidéo  d'Abducted, reprenant les images d'un film du même nom, va dans ce sens.  Madeline Follin s'imagine enlevée par un homme dont elle tombe  amoureuse mais qui, lui, ne l'aime aucunement. Cette façon de rêver sa  vie à travers des vidéos me fait songer irrémédiablement au bovarysme,  trait dont semble sévèrement accablée la chanteuse - bien qu'elle semble  en avoir une conscience aiguë, et c'est là ce qui rend le disque  finalement troublant. Comme les chansons ont toutes un petit air  candide, on donnerait le bon dieu sans confession au groupe, comme  d'autres ont succombé au charme physique et rhétorique de Jim Jones,  dont les propos étaient brillants - "on pourrait croire qu'il a raison"  remarque le guitariste. Et pourtant, la pomme est rongée... 
*Pour l'anecdote, Madeline Follin, la chanteuse, est la sœur du créateur de Guards, groupe dont j'ai vanté les mérites il y a quelques mois.