On peut aimer Beach House puis, un jour, se raviser. Presque pas de la faute du groupe. Il suffit d'avoir un auto-radio. Mauvaise bête qui assassine les disques qu'on croyait aimer. Certains critiques, pour ne pas se gourer, jugent les disques en voiture. Nick Cave lui-même pense que c'est la solution. Pour paraphraser un élu de gauche reprochant aux umpistes d'être capables d'élire une chèvre, je dirais que les critiques seraient capables de laisser un levier de vitesse évaluer un disque. Avec Beach House, c'est très simple, la note sera diamétralement opposée à la vitesse choisie: 5/5 si vous êtes à l'arrêt, 0 si vous poussez au rouge. Je parle en tout cas de leur premier album.
Oui, j'avoue, il était terne. J'ai eu la malchance de l'écouter dans l'auto-radio, qui pire est avec des passagers à bord. D'un coup c'était comme s'il pleuvait sous le capot, le monde semblait tirer la gueule. Je me sentais nu sous le regard de tous, presque pris en flagrant délit de quelque chose. Ce genre de situation fausse nous met en contradiction avec nous-mêmes. C'est très désagréable. Bien sûr, on essaie, par fierté, de ne pas reculer ("la nuit, dans le lit, c'est bien"), mais qui y croit? Nous-mêmes, on dégrise.
Et les Arctic Monkeys de ramener la joie et la bonne humeur entre les quatre portes. On oublie tout. Beach House n'a jamais existé. Putain de monde moderne, nos goûts sont ravalés par des jantes et une boîte de vitesses. On ne peut rêver et croire à nos propres rêves plus de quelques jours. Dès qu'on sort du commun, on se sent ridicule.
Heureusement, Teen Dreams est là. Et celui-là, qu'on l'écoute dans l'auto ou dans son lit, il met le monde à plat ventre. Il devrait en tout cas. Prenez deux chansons: Silver Soul et Real Love; je n'ai rien entendu d'aussi beau et intense, vraiment intense, dans la musique pop depuis peut-être 5 ans. C'est presque de la white soul, comme Portishead ou Cat Power à leur meilleur niveau. Silver Soul, moment charnel, implicitement érotique, renvoie les Kills et les Raveonettes à leurs études sans jamais pousser le son au rouge.
Verdict: le fantôme a pris chair, il ne s'adresse plus seulement aux incurables rêveurs au teint pale, mais invite tout le monde à sa table. Cela valait la peine de défendre Beach House. Rien n'était parfait - même si de mon point de vue, Gila passait très bien sur l'autoroute la nuit - mais ils avaient quelque chose, un sens de l'étrange, du décalage, un esprit mutin et capricieux, délicieusement infantile, capable de vous faire passer des perles en toc pour des vrais bijoux avec la naïveté d'un gosse. Ils semblaient vivre dans un ailleurs où les algues font office de verts pâturages, ou la mer offre un abris improbable aux égarés. On aurait dit la fanfare des Beach Boys sur une barque flottant à l'horizon. Bizarre, mais charmeur. Aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait cela. C'est devenu sérieux, mais on ne s'en offusque pas, car c'est sérieux dans le bon sens du terme: ils imposent leur talent et donnent raison à nos rêves par la même occasion. C'est pour cela qu'il nous fallait ce disque presque mainstream: il est hors du commun sans jamais se mettre à l'écart.
Chronique plus que géniale.
RépondreSupprimerMerci ;)
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