La chanson de la semaine

lundi 26 octobre 2009

des chansons en or (5)


Il fallait bien que ça tombe sur eux tantôt. Après avoir posté mon billet sur Spacemen 3, ni une ni deux, je me suis plongé dans l'œuvre de Jason Pierce. On peut employer le mot "œuvre" car c'est, de toute évidence, le fruit d'un long travail de studio, d'une gestation obsessionnelle et interminable qui devait idéalement mener au Graal psychédélique. Nul doute que Spaceman soit aussi hypnotisé que son public par le matériau sonore qu'il a travaillé et retravaillé à l'extrême pendant toute sa carrière. Patiemment, il a tissé sa toile autour du même thème qui pourrait se résumer ainsi: "I want to take the pain away".
Sa musique y parvient à merveille. Plus conceptuelle que spontanée, elle tient dans un assemblage de sons et d'instruments, stratifiés au maximum pour rendre une impression puissante et compacte de densité. Anyway That You Want Me est à ce titre une pièce d'architecture, alambiquée et titanesque. Le refrain prend l'auditeur au dépourvu. On croyait écouter de la musique planante et on se retrouve au résultat avec un hymne pop comme les Stone Roses en faisaient à la même époque, pédale wah-wah à l'appui. Mais c'est la fin du morceau, dans la version album, qui estomaque définitivement le fan de musique psyché. Anyway That You Want Me se conclut en effet par une mosaïque sonore chatoyante, où l'oreille s'amuse à entendre danser tous les instruments. Le fiddle qui valse d'un côté, la pédale wah-wah qui pointe, comme une fouine, de l'autre. Cela dure deux minutes et c'est encore trop peu. Le doigt reste à mi-distance de la touche repeat, prêt à repasser les quelques secondes dont on n'a pas assez profité. Alors que des progressifs essayaient de mêler l'orchestre au rock, Jason Pierce a réussi à créer sa propre symphonie sans recours aux méthodes classiques, avec des moyens uniquement modernes. Certains diront que le Velvet Underground faisait plus ou moins la même chose lorsque John Cale délirait sur les fins de morceaux, comme European Son. Mais non, chez Jason Pierce tout est bien ordonné. On imagine plutôt un monstre du studio, un peu à l'image de Brian Wilson ou du leader de My Bloody Valentine. Un type qui a dosé chaque son, qui a assemblé lui-même un puzzle de 1500 pièces, sans rien laisser au hasard, mais tout en donnant l'impression que les instruments jouent pour eux même, en roue libre. Magistral!

ANYWAY THAT YOU WANT ME, 1990
Spiritualized, in Complete Works vol.1, 2003

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