La chanson de la semaine

mercredi 17 août 2011

I really want to Go Outside... mais si possible, sans Jim Jones.

Cults me paraissait très agréable hier - et le reste d'ailleurs -, mais après une journée passée aux cotés d'Anna Calvi c'est peu de dire qu'on dirait un produit marketing. Il suffit de reluquer la pochette pour sentir l'hédonisme très conformiste et, ai-je envie de dire, très libéral, de ce groupe pour étudiantes. Ainsi, l'image de la chanteuse se trémoussant provoque en moi deux réactions: la première est la honte, car j'ai l'impression d'être pris pour un c.. et de me laisser faire, la seconde est la reconnaissance immédiate de tout le symbolisme qu'attend notre époque: la joie dansante, un coté "tendance" et sexy, l'image du bonheur selon Grazzia. A ce niveau de signalétique, la boite de production a supposé que l'acheteur était très bête et qu'une voix sucrée ne suffirait pas à lui faire comprendre qu'il a affaire à une sucrerie. Bref, je suis un peu agacé et ma préférence va à une femme plus mure, comme Anna Calvi, plutôt qu'à ces petites chatteries de brunette frivole.
Mais voilà, si je prends la peine d'écrire sur ce groupe, c'est parce que primo les trois premières chansons de l'album (Abducted, Go Outside et You Know What I Mean) sont franchement irrésistibles; deuxio, il y a quelque chose de dérangeant sous son aspect très lisse. Un os un peu dur qui se trouve être trop saillant. Cults, déjà, tire son nom d'une fascination revendiquée pour les sectes. Ensuite, le clip de Go Outside, conçu à partir d'images d'archives, évoque la secte de Jim Jones, qu'on entend d'ailleurs en début de chanson ("for me, death is not a fearful thing. It's life that is treacherous"). Brillamment réalisé, il intègre l'image de la chanteuse à une foule de fidèles en liesse puis au village de Guyane où s'est produit la catastrophe. Madeline Follin* y apparaît en grande admiration devant le gourou et très heureuse de sa vie en communauté fantasmatique.
J'ignore les motivations qui ont conduit le groupe à accepter la réalisation de cette vidéo superbe mais très dérangeante, ce qui suscite d'ailleurs une certaine désapprobation des internautes. Peut-être la chanteuse a-t-elle voulu montrer la facilité avec laquelle le besoin d'évasion tend à abuser les hommes. La vidéo d'Abducted, reprenant les images d'un film du même nom, va dans ce sens. Madeline Follin s'imagine enlevée par un homme dont elle tombe amoureuse mais qui, lui, ne l'aime aucunement. Cette façon de rêver sa vie à travers des vidéos me fait songer irrémédiablement au bovarysme, trait dont semble sévèrement accablée la chanteuse - bien qu'elle semble en avoir une conscience aiguë, et c'est là ce qui rend le disque finalement troublant. Comme les chansons ont toutes un petit air candide, on donnerait le bon dieu sans confession au groupe, comme d'autres ont succombé au charme physique et rhétorique de Jim Jones, dont les propos étaient brillants - "on pourrait croire qu'il a raison" remarque le guitariste. Et pourtant, la pomme est rongée...



*Pour l'anecdote, Madeline Follin, la chanteuse, est la sœur du créateur de Guards, groupe dont j'ai vanté les mérites il y a quelques mois.