La chanson de la semaine

vendredi 24 décembre 2010

Retour sur le top des blogueurs (1)

L'accueil réservé, cette année, au top des blogueurs a été en tout point conforme à ce que j'en attendais. Le résultat lui-même ne m'a pas trop surpris: certains noms se répétaient au fil des mois. Je m'étais donc fait à l'idée que Gonjasufi, célèbre inconnu dont le nom improbable semble devoir être la création des blogueurs, figurerait en pôle position. Cela ne laissait pas de me déplaire, car ce top, dans l'ensemble, me semblait trop pointu, trop déviant pour être représentatif du mouvement général de la pop-music. Je savais pourtant qu'au contraire, certains le jugeraient consensuel et d'obédience médiatique: ne trouve-t-on pas, chez les Inrocks, chez Magic!, ou dans la presse anglaise, une bonne partie des groupes cités dans le top des blogueurs?

l'obsession de la différence

Ce qu'il faut se dire, c'est qu'en faisant la moyenne de ces votes, on obtient toujours un résultat moyen. Beaucoup estiment donc que le top est fondé sur le consensus qu'ont passé entre eux des internautes dotés de peu de personnalité. On trouve dommage, même, que des prétendus passionnés de musique fassent preuve d'un tel manque d'initiative et se contentent de suivre religieusement les recommandations de la presse.

Il va de soi que je ne partage pas cet avis. Je ne dis pas cela parce que j'ai participé au classement mais parce que, dans la liste, je ne retrouve que trois de mes groupes de l'année: Mgmt, Beach House, les Black Keys, et que ce sont quelques uns des plus connus, des plus médiatiques, des plus "hype" que la presse s'arrache. Autrement dit, mon top personnel, d'ailleurs lisible dans le message précédent, sort beaucoup moins des sentiers battus que celui qui résulte d'un consensus soi-disant mou. Il faut en conclure que mes goûts sont d'autant plus calqués sur ceux de la presse que le top censé la concurrencer, ou lui proposer une alternative, me fait l'effet d'un ovni, d'une hydre à 20 têtes, difforme et alambiquée.
Dans ces conditions, je ne peux pas être tout à fait d'accord avec ceux qui prétendent avoir lu le classement de la vulgate. La vulgate, si on la définit par rapport à eux, j'en fais partie et je puis bien assurer que ce classement ne lui correspond pas vraiment. Il faut dire que pour ceux qui passent leurs soirées à farfouiller sur le net, à buzzer comme des cons sur twitter, une vidéo regardée par 4000 personnes est déjà tarte à la crème; c'est le Bienvenue chez les ch'tis de la musique. Se voir reprocher, par des ahuris comme eux, des compulsifs de la distinction, de s'aligner sur la presse par manque de caractère, c'est comme de suivre le combat de coqs entre un snob et un populiste. Par ailleurs, leur critique est triplement infondée: d'une part parce qu'objectivement beaucoup de ces disques sont méconnus, de l'autre parce que la valeur d'un album ne dépend pas de son degré de médiatisation et enfin parce que l'objectif du top était de favoriser les coups de cœur personnels au détriment du consensus, ce que le système de notation permettait effectivement.


J'ai déjà dit que je m'attendais à cet accueil mitigé: les concepteurs du top ont beau avoir cherché une lisibilité grand public, les premiers venus restent les gens avisés, les connaisseurs, ceux pour qui un authentique passionné de musique est forcément une personne qui se place à bonne distance de la presse spécialisée. Or, par une coïncidence dont je me réjouis, certains albums se confondent avec les tendances médiatiques dominantes. Il y a alors deux explications possibles: soit la presse fait bien son boulot et met en valeur les disques vraiment fédérateurs, faisant de l'existence d'un top alternatif une simple redondance ; soit le formatage des esprits est tel qu'il inhibe toute indépendance de jugement. C'est à ce stade de la réflexion qu'il ne faut pas se laisser aller, par facilité, à l'analyse la plus couramment répandue sur l'influence des médias. La honte qu'inspirent certains d'entre eux, avec leur rhétorique de supermarché, ne doit pas non plus nous inciter à la mauvaise foi: on ne peut pas les accabler de tous les griefs.
L'argumentaire qui tend à faire passer la presse pour une tyrannie de l'opinion m'a toujours fortement déplu: non seulement il ravale l'être humain au rang d'animal sans cervelle, méprise le libre-arbitre dont chaque personne dispose en son for intérieur et sous-estime la capacité que nous avons de réagir, mais de plus il dénie à ceux qui affichent les mêmes tendances que les médias la reconnaissance de leur liberté, comme si être libre ou être authentique impliquait forcément de marquer sa différence. Un tel mépris de la liberté, au nom de la liberté, a quelque chose de révoltant. En ce qui me concerne, j'écoute des disques que la presse a médiatisé parce que j'estime qu'elle a eu raison de le faire et si jamais les journalistes ont été payés pour dire du bien de tel ou tel groupe, c'est parce qu'il le vaut bien. Ce n'est pas pour aider un manchot incompétent qu'un promoteur va débourser une fortune. Qu'on critique, c'est une chose; mais qu'on se garde bien de croire que ceux qu'on attaque sont plus bêtes que nous. L'une des erreurs les plus répandues consiste à prêter à notre opposant toutes les tares imaginables, jusqu'à ce point où il cesse d'être un de nos semblables: il n'est plus alors qu'un simple fantoche dénué d'identité, qu'on peut balayer d'un revers de manche. Ne pas considérer l'adversaire comme un alter ego est une faiblesse de jugement. Or, trop souvent les aficionados de rock indé croient, à tort, se distinguer des journalistes, des producteurs ou des publicistes, alors qu'ils baignent culturellement dans le même moule et qu'ils participent à sa reproduction.

La presse, c'est nous

Suivre la presse n'est peut-être pas si aveugle qu'on le pense, mais s'aveugler à ne pas vouloir la suivre ne mène à rien. Le vrai discernement consiste à savoir naviguer en eaux troubles. Car la presse, par son fonctionnement, est une chose trouble, instable et incertaine. Selon toute vraisemblance, l'offre et la demande continuent de régir son existence: loin de gouverner l'opinion de façon souveraine, il lui arrive de prendre le train en marche et de s'adapter aux goûts du public. L'arrivée sur le marché d'un nouveau journal, par exemple, n'est pas le fruit d'un caprice mais le résultat d'une enquête, d'une réflexion menée sur l'existence d'une frange de la population susceptible d'y adhérer. Si les médias sont à l'origine de nos jugements, nous sommes à l'origine des médias. Le serpent se mort la queue: les jugements qu'ils inoculent au public sont ceux que le public leur a insufflé en leur donnant la vie. La question qu'on devrait se poser, si on osait, serait la suivante: les médias existent-ils vraiment en tant que tels? Ne sont-ils pas une projection de notre inconscient collectif, que certains mettent à distance par refoulement? Et si les médias, tant qu'à faire d'être dans une veine paranormale, c'était NOUS? Plutôt que de voir dans les journalistes les bergers qui guident les moutons, ne devrions-nous pas accepter l'idée que les moutons se gardent eux-mêmes, sans bergers?
Du conformisme, ce n'est pas ce qui manque. Là n'est pas le problème. Chaque être, sur plusieurs milliards, ne peut pas se distinguer absolument de son voisin. Il est même bon qu'il n'en soit pas ainsi. La médiocrité est garante d'une certaine normalité. Mais est-il nécessaire de suivre un guide pour se conformer au grand nombre quand dans nos vies il y a assez de points communs pour que nos goûts convergent parfois dans la même direction? Et pourquoi les journalistes, dans ce grand brassage identitaire, précisément eux, seraient-ils laissés sur le carreau ? N'ont-ils pas grandi en écoutant approximativement les mêmes disques, ne partagent-ils pas nos références culturelles? Les journalistes étant comme nous, lorsqu'ils nous enjoignent d'admirer tel ou tel groupe, nous le faisons, comme nous l'aurions fait sans eux. Car nous n'avons pas besoin de leurs conseils. Nous avons juste besoin de leur reflet.
Pourquoi s'étonner, alors, si les goûts du public correspondent à ceux des journaux? La presse est un miroir déformant: on s'y reconnait partiellement et on s'attache au fragment reconnu. Un suiveur est quelqu'un qui a reconnu son ombre. Il lui emboîte le pas. Il arrive un moment où, observant l'ombre et l'homme qui marche, on ne sait plus qui des deux dirige l'autre. Presse et public? "C'est tout dit le même!" Oui, cul et chemise.

Dans ces conditions, on peut questionner l'utilité d'un top des blogueurs s'il reproduit à l'identique celui des médias. Tout d'abord, il faut que l'exactitude des faits soit avérée: dans notre cas, il se trouve que le top est bien plus original que ceux de la presse. Ce n'est pas forcément une qualité. Nous avions discuté par mail des modalités du vote: certains suggéraient qu'on revoit nos notations afin de privilégier la curiosité. Mais, comme l'a rappelé le webmaster d'un site, la découverte ne doit pas se faire au détriment de la qualité, ni de nos goûts véritables. C'est pourquoi Mgmt se retrouve malgré tout dans le classement. A quoi bon un top qui prendrait le contrepieds des médias quand les groupes qu'on aime sont médiatiques? L'intérêt du top, selon moi, n'est pas de faire différemment des autres, mais de confirmer ou d'infirmer certaines intuitions des médias. Dans le même temps, les déçus des tops officiels, les marginaux, voire les têtes chercheuses, peuvent s'engouffrer dans la brèche et laisser leurs propositions pour un monde musical nouveau. L'étrangeté de certains choix (Caribou, Mount Kimbie...) laisse penser que ce principe a été adopté. Dès lors, si une critique peut être pertinente, c'est que ce top ne représente pas les goûts réels de la population et fonctionne en vase clos, entre minorités adeptes du net. C'est en fait la critique inverse de celle qui vient d'être traitée: le top, à force d'être indépendant, finit par porter préjudice à l'universalité de l'indie-rock. Elle mérite d'être abordée, et le sera, dans le prochain article (s'il voit le jour).

mercredi 22 décembre 2010

2010, en un clin d'oeil


Vous avez vu, lu, et peut-être approuvé le top des blogueurs 2010. Un classement dont la réalisation a été un plaisir, puisqu'elle a permis de satisfaire un de ces vices inoffensifs - plutôt devrais-je dire une fantaisie - qui frappe unanimement les blogueurs: le goût des listes, des notations et des comparaisons. Pour autant, il n'y a sur mon blog aucun barème, aucune note, rien qui permette de poser une échelle de valeurs. Ici règne la confusion. Voici donc la rétrospective de l'année, en vrac, sans classement. Avec néanmoins deux héros.

L'hiver de Beach House
Je n'ai, au sujet de l'année écoulée, qu'une seule opinion claire: c'est que Teen Dream en reste mon sommet personnel. L'enchantement est identique une dizaine de mois après. Il faut dire que j'ai bénéficié de conditions d'écoute exceptionnelles et optimales. A qui voulait bien l'entendre, j'expliquais qu'à l'époque où sortait le disque était (re)diffusée la saga de La Guerre des étoiles. Comprenne qui pourra: alors que ses détracteurs n'entendent autre chose qu'un long et vague ennui, j'ai perçu dans Teen Dream comme une épopée miniature, une épopée de chambre, certes, mais une épopée quand même, avec sa verve intarissable, son sens des grandeurs, son emphase, son accomplissement héroïque et galvanisant. Une musique de Jedi. Rien de comparable à l'album précédent, Devotion, lui-même excellent, mais plus fantaisiste, plus capricieux. Teen Dream, à la longue, révèle un certain classicisme, c'est une couche de neige froide, mais comme dans le conte de Grimm, l'enfant frigorifié y trouve un petit coffret et dans ce coffret une clé en or. Maintenant, attendons qu'il la porte à la serrure et nous verrons ce qui sortira de la boîte... Pour moi, c'est tout vu: un trésor!

Les rigolos de Mgmt

L'année commençait donc bien. Il n'y avait guère que Beach House, mais c'était énorme. Peu de temps après, c'était au tour de Mgmt. L'affaire était pourtant mal engagée: le duo, déjà vilipendé pour sa disco clinquante de 2008, fut cette fois cloué au pilori. Avec une suite rococo vite jugée décadente par les puristes du rock, Mgmt devint la bête à abattre, l'incarnation de tout ce que la pop, en 2010, pouvait avoir d'irritant pour un partisan de la ligne dure. Dans la lignée des Klaxons et de leur breloques fluorescentes, le duo de Brooklyn mélangeait tous les styles sans se soucier aucunement du bon goût ni même de la clarté de ses intentions. Tout un chacun d'être embrouillé et, sans réfléchir, de crier haro sur le baudet. Force est de constater, quelques mois plus tard, que le disque de Mgmt n'était pas si brouillon qu'on a bien voulu le dire. Baroque, excessif, libre - oui! Mais sans queue ni tête, non. Avec le temps il ne révèle qu'une faille: il est trop court. Les ficelles mises à nues, le disque est digéré. Mais pour en arriver là, il aura fallu l'écouter des dizaines de fois. Ce qui justifie une telle insistance c'est qu'on l'a absous, aimé puis adoré. La chanson éponyme de l'album (Congratulations) n'y est pas pour rien...


Les meilleurs clips

Forever and ever amen, the Drums
Avant qu'on me jette aux oubliettes, je tiens à préciser, pour les avoir vus sur scène, que les Drums c'est avant tout une esthétique, une mode - et bientôt, quand Slimane l'aura déclaré, la mode.
En live, c'est (jusqu'à présent) inaudible et le chant n'est pas en rythme. Il faut dire que Jonathan Pierce est très occupé à danser et qu'on ne peut pas tout faire en même temps. L'hystérie collective s'explique donc plutôt par le visuel et l'art de bouger, qui est un art de vivre, que par la musique. Quiconque veut associer l'image au son doit regarder les clips. C'est là que brille le groupe dans toute sa splendeur. Cette vidéo, je la trouve excellente, pour les couleurs, les vêtements, la danse (d'automates), les images qu'on dirait capturées à Manchester dans les années 80-90 et pour la lumière (notamment sur les toits). Il y a un langage fort, concentré, précis, vif - et néanmoins une incurable nostalgie. Mais je vais vous surprendre, peut-être, en vous disant que la musique me plait également. Les Drums, ne vous déplaise, ont sorti l'un des meilleurs disques de l'année.


Tighten Up, the Black Keys
On l'a sans doute tous regardée, quoiqu'on pense des Black Keys et notamment de leur dernier album, ce Brothers dont le titre à lui seul plagie le langage de la soul. Les Black Keys sont sortis du bourbier dans lequel ils s'enlisaient. Il y a quatre ans de cela, ils abusaient des larsens, leur son était écrasant et disgracieux. Aujourd'hui, après un détour par le rap et son flow ininterrompu, les Black Keys ont gagné en fluidité; leurs rythmes balancent plus. C'est parce qu'ils ont appris de la musique black. Ce n'est pas encore du blues, ni de la soul, mais ces écoliers laborieux qui copiaient sagement les classiques, à force de vouloir être cool, finissent par le devenir. Ils crânent, mais c'est bon enfant.

La meilleure prise de live

L'an prochain sortira le nouvel album des Smith Westerns qui, s'il est à l'image de cette chanson, sera dantesque. En attendant, cette vidéo, capturée au festival de Pitchfork cet été, est un moment de classe inédit, qui réussit le tour de force de faire croire à l'existence d'une génération secrète, clandestine et sidérante de fraîcheur, de nouveauté.


Chansons Soul/R'n'b

Without a heart, Sharon Jones and the Dap-Kings
La publication, cette année, de l'Odyssée de la soul, réplique r'n'b de l'Odyssée du rock parue en 2008, est un signe des temps. Ce genre de livre n'arrive jamais par hasard, ni à contre-courant. Il consacre en fait le retour de la musique black comme nouvelle tendance dominante. Même s'il faudra quelques années pour que l'ébullition devienne phénomène et que le phénomène devienne, à son tour, moment historique, il est d'ores et déjà certain que la population noire connaîtra son revival, comme les blancs ont vécu le leur en 2001. La preuve, s'il en faut une, c'est le succès critique que connaissent Kanye West ou Janelle Monae auprès des webzines et des médias jusqu'alors spécialisés dans le rock indé. Sharon Jones, quant à elle, à rebours de ces démarches modernistes, a ressuscité la soul à l'ancienne, de l'old-school sans concessions qui trouve, en 2010, un public plus large qu'auparavant. Et doucement, les fans de musique indé finissent par s'y mettre...*


I need a dollar, Aloe Blacc
Encore de l'old-school. Un classique instantané, comme il y en a à peine cinq par an. A noter que sur l'album, on trouve une reprise du Velvet Underground - Femme fatale. La musique soul, à son tour, s'inspirerait-elle du rock comme le rock s'est inspiré du r'n'b?

A l'écart des projecteurs

Comin' Through, The War On Drugs
Kurt Vile, le retour. Que ce type me fascine, c'est peu dire. Mais il me désole aussi. Son ep est catastrophique - ou presque - et le single qui a suivi ne vaut pas grand chose non plus. Mon échelle de comparaison se base en tout cas sur Freeway, ce qui place bien sûr la barre très haut. Mais j'espère qu'il attendra à nouveau ces sommets en solo. S'il ne le fait, son copain Adam s'en occupera: à deux, pour le groupe the War On Drugs, ils déroulent des tapis de merveilles. 


Good To Be, Magic Kids
Avec un patrimoine aussi léger que les Beach Boys (qui sont surestimés, non?) et une ambiance festive nourrie aux violons, les Magic Kids de Memphis ont virtuellement l'un des défauts majeurs de la musique indé: l'infantilisme gaga et la niaiserie volontaire. Mais bon, quand on voit le niveau de songwriting, on s'écrase. En plus, en cette période de Noël, Hey Boy sera idéale pour les soirées en famille. Cela remplacera les sempiternelles chorales et les brass-bands. Un jour, peut-être, on expliquera pourquoi cet album n'a pas eu à sa sortie l'impact mérité.

Summer Holiday, Wild Nothing
Cela aurait pu être un nouveau single de Pains of Being Pure At Heart. On y trouve la même atmosphère diffuse qui touche les enfants des années 90.


folk-rock

Twenty Miles, Deer Tick
Un crève-cœur par un canard.


It's a shame, it's a pity, the Moondoggies
Observez le succès d'un groupe et vous connaîtrez les fantasmes de la foule. Les Moondoggies, confidentiels et bornés à l'anonymat, n'en suscitent visiblement aucun. Il est parfois désespérant de constater qu'on ne partage pas tous les mêmes rêves. Il leur manque sans doute le sex-appeal, la clé de voûte de la musique moderne.


Garage-rock


More or Less, the Soft Pack
Le garage-rock US (forcément US) est en forme. Depuis deux ans, il est même à son meilleur. D'ici peu on pourra éditer un nouveau coffret de Nuggets. Comme avant, le style peine à accoucher d'un grand album; on se contente donc de quelques chansons, à droite, à gauche. Mais c'est comme ça, c'est inscrit dans le code génétique du genre: l'inaptitude à sortir un chef-d'œuvre ne date pas d'hier. En compensation, des dizaines de groupes offrent annuellement des petites pépites. Les Soft Pack ont déjà donné avec Extinction, mais More or Less n'est pas mal non plus. L'album est un peu fade, mais ils sont tellement sympathiques que je l'écoute quand même.

I'm a thief, The Fresh & Onlys
Réplique exacte de l'album des Mantles et cousin proche des Crystal Stilts, Play It Strange est encore un bon disque de garage-rock. Les Fresh & Onlys pondent des morceaux comme les poules: c'est régulier. Ils ont toujours un bon petit lot à écouler. Je suis preneur.



Be Brave, the Strange Boys
Grosse déception, les Strange Boys, avec leur mauvaise country nasillarde, sont loin, très loin d'être à la hauteur de leur réputation. D'ailleurs l'album a fait un flop. Mais Be Brave, le single qui l'annonçait, reste très bon.



World

Surprise Hotel, Fool's Gold
Drôle de truc, ce Fool's Gold. L'album n'est pas extraordinaire - pas vraiment meilleur que Vampire Weekend - mais il est porté par un hit estival qui a répandu la bonne humeur.


Le reste

D'autres chansons ont déposé leur message sur le rebord de la fenêtre. J'en ai oublié, sans doute. Hoola, d'Archie Bronson Outfit, a rythmé le mois de février. Mais la charge héroïque de leur album m'a trop abruti. When I'm with you, de Best Coast laissait présager un été radieux; le disque est si décevant que j'en ai oublié le single mirifique qui l'annonçait. What's in it for d'Avi Buffalo est le meilleur Mgmt de rechange. Mais puisqu'on a l'original... Enfin, il y a le nouvel ep de Girls, les meilleurs san franciscains. Je n'ai pas eu le loisir de beaucoup l'écouter. Dans l'ensemble, il m'a manqué du temps, cette année, pour entrer dans les détails. Tant mieux, peut-être: au lieu de survoler des dizaines de disques, j'ai savouré pleinement une poignée d'entre eux.



* Reste que la façon dont revival rock et revival soul se sont logiquement succédés dans les médias laisse planer un doute: n'était-ce pas programmé à l'avance (d'autant que Sharon Jones, par exemple, n'est pas un perdreau de l'année)? Mais on sait, de toute façon, que l'opinion publique dépend en grande partie de ceux qui la créent.

lundi 13 décembre 2010

Top des Blogueurs 2010

Le Top Blogueurs 2010 : La sélection des meilleurs albums de l’année

15 en 2008, 37 en 2009, nous sommes cette année 60 blogueurs musiques francophones à vous présenter au travers d'un classement commun les 20 albums qui nous auront collectivement le plus marqué en 2010. En espérant en toute humilité vous permettre de redécouvrir certains disques ou mieux d'en découvrir de nouveaux...

The Radio Dept - Clinging To A SchemeThe Radio Dept - Clinging To A Scheme

Branche Ton Sonotone : Les suédois de The Radio Dept. creusent le sillon d'une pop douce et fantomatique avec un acharnement de surdoués. Leur dernier opus a la couleur d'un coucher de soleil sur un lac scandinave : mélodies diaphanes, tourbillons distordus et rythmiques hypnotiques sont au rendez-vous d'un album qui a un goût d'insaisissable. Un charme nordique, à la fois enjoué et nostalgique, distant et incroyablement émouvant. A lire la critique du Golb et de Branche Ton Sonotone
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Syd Matters - BrotheroceanSyd Matters - Brotherocean

La musique à Papa : Mon histoire avec Syd Matters ? Cela me rappelle ces filles que l'on rencontre comme ça au hasard d'une soirée et auxquelles on n'attache d'abord pas vraiment d'importance. Pas qu'elles soient moches, loin de là, mais on les trouve un peu ...chiantes, manquant de fantaisie. Et puis, un jour, c'est la révélation. On ne comprend pas vraiment pourquoi : est-ce nous qui avons changé ou est-ce elles ? En tout cas, "Brotherocean" a résonné comme une évidence. Comme s'il n'y avait rien eu avant. Et tant pis, s'il n'y a rien après... "A moment in time ", comme disent les anglais. A lire la critique de Rigolotes chrOniques futiLes et insoLentes et de So Why One More Music Blog
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Deerhunter - Halcyon DigestDeerhunter - Halcyon Digest

Esprits Critiques : Réussir un mélange est une chose compliquée. Si vous mélangez des couleurs dans un verre, il y a des chances que vous obteniez un cocktail maronnasse peu appétissant. La musique de Deerhunter, ça pourrait être ça. En mêlant de la noirceur, du son brut, du kraut, des mélodies presque pop et un son aquatique, le risque de gloubiboulga est présent. Pourtant, la bande à Bradfortd Cox a (encore) livré une œuvre subtile et unique, et arrive (encore) à polir un genre qu'il faudrait créer pour eux. Ils savent en tout cas faire monter une ambiance en neige, profiter de ce son vaporeux pour que le brouillard précipite en averse et mener vers une fusion encore plus fluide entre l'écriture et le son. A lire les critiques de Tasca Potosina et de Ears Of Panda
En écoute sur Spotify

Pantha du Prince - Black NoisePantha du Prince - Black Noise

Playlist Society : "Black Noise" est un lac perdu dans les montagnes : derrière son romantisme pictural et ses sonorités enivrantes et apaisantes se cachent les traits des tornades à venir et des rayons du soleil qui comme chez Turner caressent les tragédies. Les mélodies électroniques de Hendrik Weber nous guident alors dans la taïga, se dérobent et nous abandonnent face à l'aurore boréale. A lire la critique de Pop Revue Express et le live report de Rigolotes chrOniques futiLes et insoLentes

Joanna Newsom - Have One On MeJoanna Newsom - Have One On Me

Brainfeeders & Mindfuckers : Joanna Newsom ne s'impose jamais nulle part. Elle se fraie un chemin délicatement, avec grâce, avec le temps de son côté. Elle effleure du son de sa harpe, comme une caresse derrière l'oreille, sa voix est devenue satin, mais au fond, rien n'a changé. Elle reste impossible à apprivoiser, toujours insaisissable. Elle s'échappe par tous les détours, dans cette forêt qu'elle dessine en trois disques et quelques chansons. Il suffit donc d'être patient, de la laisser s'approcher peu à peu, puis de se plonger entièrement dans la mystique lumineuse de "Have One On Me". Alors Joanna Newsom devient cette amie imaginaire qui ne peut sortir que d'un rêve. Mais tout est bien réel. A lire les critiques de Playlist Society et de Listen See Feel

Mount Kimbie - Crooks & LoversMount Kimbie - Crooks & Lovers

Chroniques Automatiques : "Crooks & Lovers", trop court, bancal mais pourtant tellement maitrisé, contient des morceaux frisant la perfection, qui dragueront tous les cœurs sensibles. Mélancolie electronica matinée de rythmes 2-step, Mount Kimbie, c'est surtout mini-jupes et arcs-en-ciel, bitume et claquements de doigts. Bonheur. A lire les articles de Brainfeeders & Mindfuckers et de Musik Please

Cougar - PatriotMGMT - Congratulations

Laisseriez-Vous Votre Fille Coucher avec un Rock-Addict ? : MGMT avait réussi à prouver sa capacité à coller quelques tubes imparables au milieu d'un album fadasse. Le "toujours difficile deuxième album" en est l'antithèse : pas de morceau direct (hormis l'imparable Brian Eno) mais un album fabuleux de complexité, de richesse, une pièce montée de folie(s) et de "plus" qui jamais ne touchent au "trop". Si c'est ça l'avenir du space-rock (ou du prog), on signe des deux mains, et on attend la synthèse en sifflotant "Flash Delirium". A lire les critiques de Des Oreilles dans Babylones et du Golb
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Zola Jesus - StridulumZola Jesus - Stridulum

Unsung : Pour la première fois, Zola Jesus s'est enregistrée en studio, entourée de musiciens professionnels. Cette production soignée met surtout en valeur sa voix profonde, ce timbre légèrement rauque à donner des frissons, renforcé par la réverbération, l'atmosphère angoissante entre rythmiques 80's, piano entêtant, et des textes emprunts de doutes, d'espoirs fragiles, et de complaintes mélancoliques. Cet émouvant "Stridulum" révèle une jeune artiste talentueuse. A lire les articles de Little Reviews et Toujours Un Coup d'Avance !

Gil Scott Heron - I'm New HereGil Scott Heron - I'm New Here

Arbobo : Une histoire d'ange déchu, une histoire vraie. Une histoire de phoenix, de père putatif du rap extrait de tôle par un producteur aux doigts d'or. Il a serré la main du diable, le bougre. Gil Scott-Heron vient peut-être de publier son plus bel album, le plus noir, creusé à mains nues dans le bitume crasseux de New York. Ca saigne, ça saigne mais c'est vivant. C'est palpitant. A lire les critiques de My(Good)Zik et du Choix de Mlle Eddie
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LCD Soundsystem - This is HappeningLCD Soundsystem - This is Happening

I Left Without My Hat : James Murphy a beau s'en amuser et assurer le contraire ("You wanted a hit, but that's not what we do"), ses Lcd Soundsystem, tout en popisant leur propos, n'auront pas franchement changé leur fusil d'épaules avec "This is Happening", troisième et ultime album du groupe. Continuant de rendre hommage à la musique contemporaine par divers emprunts voulus ou fortuits (du Velvet Underground par ci, du Bowie par là), "This is Happening" est un disque aux contours rock, aux beats toujours synthétiques, mais à la vision globale très pop. Surtout, il n'est rien de moins qu'une belle épitaphe pour une des aventures discographiques les plus passionnantes et emballantes de ces dix dernières années, au fronton de laquelle le mot plaisir semble avoir été gravé en lettres d'or. A lire les critiques de Chroniques Automatiques et La Musique à Papa
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Sufjan Stevens - The Age of Adz Sufjan Stevens - The Age of Adz

Ears of Panda : 5 ans après Illinois, Sufjan Stevens nous revient, non sans quelques doutes, avec son projet le plus personnel et sûrement le plus risqué. Retrouvant ses premières amours pour la musique électronique sans abandonner pour autant son goût pour la pop baroque, le compositeur de 35 ans accouche d'un disque pour le moins étonnant. Le génie détruit pour mieux reconstruire et nous offre cet album d'un genre nouveau; à l'ambition démesurée, aux sons hachés, rugueux, épileptiques même, sans perdre jamais de sa superbe. On retrouve alors, dans l'essence même de ce disque, ce doux rêveur toujours en perpétuel mouvement, qui nous avait laissés sans nouvelles depuis bien trop longtemps. A lire les critiques de Esprits Critiques et Brainfeeders & Mindfuckers

Flying Lotus - CosmogrammaFlying Lotus - Cosmogramma

So Why One More Music Blog : Le prodige originaire de la Cité des Anges s'affranchit sur ce troisième album des formats classiques en terme de durée et des carcans trop étroits d'un genre que l'on définissait comme l'abstract hip-hop. Entouré de musiciens talentueux et confirmés, élégant dans son costume de chef d'orchestre qui lui sied à merveille, il dirige des micro-symphonies aussi organiques qu'électroniques, laissant parler son héritage et s'exprimer sa fibre jazz. A lire les critiques de De La Lune On Entend Tout et de Nuage Noir
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Caribou - SwimCaribou - Swim

Pomme de Pin : Hypnotique et viscéral, réfléchi et instinctif, cérébral et dansant, sur "Swim", Caribou mêle boucles électroniques et rythmiques tribales et en profite pour réconcilier la tête et les jambes. L'expression Intelligent Dance Music reprend des couleurs et en une tournée tellurique, toutes batteries dehors, Dan Snaith fait mentir tous les clichés sur les mathématiciens. A lire les critiques de Five Minutes et So Why One More Music Blog
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Owen Pallett - HeartlandOwen Pallett - Heartland

C'est entendu : Débarrassé de son pseudo geek à souhait (Final Fantasy), Owen Pallett brandit l'étendard de son patronyme civil comme le symbole d'une ambition enfin assouvie. Auto-proclamé Seigneur Divin du Royaume de "Heartland", il décore cet univers d'arrangements subtilement magnifiques et réalise un chef d'oeuvre pop dont la "lecture" révèle une mise en abyme homo-érotico-créatrice digne de tous nos louanges. A lire les critiques de Feu à Volonté et de Ears Of Panda
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Janelle Monae - The ArchAndroidJanelle Monae - The ArchAndroid

Le Gueusif Online : Une torpille de soul-funk qui n'oublie pas d'être outracière, voire parfois un peu kitsch, mais qui détonne certainement dans le paysage musical monochrome de cette année 2010. Une voix, une présence et un talent à suivre, que ce soit en studio ou en live, où toute la classe de Janelle Monàe resplendit. A lire les critiques de With Music In My Minds et Music Lodge
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The Black Keys - BrothersThe Black Keys - Brothers

Le Choix de Mlle Eddie : Ô Dan Auerbach que ta voix est belle ! "C'est pour mieux te régaler", pourrait-il me répondre. Le duo d'Akron s'autorise tout sur cet album : rock, blues, pop et même soul, avec une production qui n'a jamais été aussi bonne. Un poil trop lisse, diront certains, par rapport à ses prédécesseurs. C'est vrai, mais ce qu'ils perdent en abrasivité ils le gagnent en diversité. Et Auerbach n'a jamais aussi bien chanté. Ce Brothers, c'est la grande classe. A lire les critiques de La Quenelle Culturelle et du Gueusif Online
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Beach House - Teen Dream.Beach House - Teen Dream

Hop : Beach House tutoie enfin les sommets avec ce troisième album. Plus faciles d'accès, plus immédiates que par le passé, les chansons de Beach House brillent ici par l'éclat des mélodies, par la beauté triste et bouleversante des arrangements assez somptueux que l'on trouve tout au long de ces dix hymnes à la mélancolie qui évoquent la froideur d'une piste de danse au petit matin. A lire les critiques de Between The Line Of Age et du Choix de Mlle Eddie
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Four Tet - There is Love in YouFour Tet - There is Love in You

Good Karma : Obsédant : c'est le moins que l'on puisse dire de ce cinquième album de Kieran Hedben. Très loin de son groupe de post-rock Fridge, l'Anglais a choisi la musique électronique pour s'exprimer en solo. En résulte un disque inspiré par le jazz, la house et l'electronica. Il y livre des compositions aussi bien dansantes qu'introspectives, à l'inspiration et la production impeccables. Lumineux. A lire les critiques de Chroniques Automatiques et de I Left Without My Hat
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Swans - My Father Will Guide Me Up A Rope To The SkySwans - My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky

Where Is My Song : A l'heure des come backs périmés et après 13 ans de silence, les Swans réactivés offrent un album magistral, oppressant, monolithique, volontiers misanthrope, beau comme un mensonge et sale comme la vérité. Une rigoureuse apocalypse. Bande son idéale pour la fin du monde civilisé, que l'on peut désormais attendre avec sérénité. A lire les critiques de Playlist Society et du Golb
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Gonjasufi - A Sufi and a KillerGonjasufi - A Sufi and a Killer

Des Oreilles Dans Babylone : Sans aucun doute possible l'ovni musical de 2010, Sumach Ecks a surpris tout le monde. Débarqué de nulle part bien qu'actif depuis les années 90, il est sorti de son désert de Mojave parrainé par Warp pour nous livrer un disque intemporel et inclassable. Soul chamanique, hip hop dérangeant, rock bordélique, chaque plage de cet objet unique accouche d'un genre nouveau. Il y a tant d'inventivité et d'imagination dans cet album qu'il est impossible d'en faire le tour en moins de cent écoutes. Passer à côté serait une erreur monumentale. A lire les critiques de Chroniques Electroniques et de Les Insectes sont nos amis

Les participants au Top des Blogueurs 2010 :

Alain de Soul Kitchen, Anakin de Attica Webzine, Arbobo de Arbobo, Benjamin F de Playlist Society et de Ricard SA Live Music, Benjamin L de Le Transistor, Benoit de Pop Revue Express et de Hop, Catnatt de Heaven can wait, Cedric de So Why One More Music Blog, Daniel de Listen See Feel, Dat' de Chroniques Automatiques, Dr Franknfurter de The Rocky Horror Critic Show, Dragibus de Les insectes sont nos amis, Eddie de Le Choix de Mlle Eddie, Edouard de Ears of Panda, Ed Loxapaq de Chroniques Electroniques, Elliott de Weirdbrowser, Neska de Adiktblog, Fabien de Kdbuzz, GT de Music Lodge, Gui Gui de Les Bons Skeudis et du Mellotron, Guic'The Old de Laisseriez-Vous Votre Fille Coucher avec un Rock-Addict ?, Jimmy de Nuage Noir, Joanny de Discobloguons, Joe Gonzalez de C'est entendu, Joris de Tasca Potosina, JS de Good Karma, Ju de Des Oreilles Dans Babylone, Julien LL de Des Chibres et Des Lettres, Junko de Unsung, Laure de Not For Tourists, Laurent de Rocktrotteur, Leroy Brown de I'll give her mélodies, Marc de Esprits Critiques, Martin de Branche Ton Sonotone, Matador de Between The Lines Of Age, Michael de Crystal Frontier, Mmarsup de Little Reviews, Myriam de Ma mère était hipster, Nathan de Brainfeeders & Mindfuckers, Nicolas de Soul Brotha Music, Olivier de Feu à Volonté, Olivier R de Where Is My Song, Paco de De La Lune On Entend Tout, Paul de Pomme de Pin, Pauline de E-Pop, Pierre de Musik Please, Rod de Le Hiboo, Romink de My(Good)Zik, Sabine de With Music In My Mind, Sfar de Toujours un coup d'avance !, Ska de 7 and 7 is, Sunalee de Bruxelles Bangkok Brasilia, Sylphe de Five-Minutes, Systool de Le Gueusif Online, Thibault de La Quenelle Culturelle, Thomas de Le Golb, Twist de I Left Without My Ha, Vincent de La musique à Papa, Violette de Rigolotes chrOniques futiLes et insoLentes, Xavier de Blinking Lights
Chef de projet : Benjamin F / Identité visuelle et design : Laurent / Communication : Romink, Sylvie et les Waaa / Porte-paroles : Arbobo et JS
Plus de tops : le classement de GT sur Music Lodge

samedi 20 novembre 2010

Superball

Que les Smith Westerns soient géniaux, on le savait déjà. Mais ce que j'ignorais, c'est qu'un groupe ami développait dans son coin, à Memphis, les mêmes talents pour la mélodie sucrée et twee. Le bordel sonique en moins. A mi-chemin entre Girls (pour la voix) et les Smith Westerns, voici donc Magic Kids, dont le premier LP est sorti en août pour clore l'été en beauté.
Malgré le single terrible qui l'avait précédé (Hey Boy), il semblerait que le groupe ait fait des bulles dans les médias. Un petit flop mis sur le compte d'un album soi-disant inégal et trop écœurant. Il faut dire que question "candy", ils n'ont pas lésiné. Beach Boys des temps modernes, qui ne connaissent pas la mer, les Magic Kids ont fourré des violons et des arrangements partout, pour simuler, peut-être, une symphonie. Comme Brian Wilson, mais en plus régressifs, car eux reculent consciemment vers le passé (historique et physiologique - l'enfance). Pour autant, ces petits-bourgeois hédonistes, aussi stéréotypés qu'ils soient, sont loin d'être ringards. Superball, en deuxième face d'un split single avec les Smith Westerns m'a bluffé: il est encore possible, avec des moyens archi-rebattus, de susciter l'enthousiasme. Ces types volent tout mais donnent l'impression d'inventer. La construction virevoltante des chansons, en grand huit, y est sans doute pour quelque chose même si, là encore, Field Music a déjà fait ça avant. Mais l'album comporte des parties surprenantes, comme sur Hideout où j'ai l'impression d'entendre Paddy McAloon - une sorte d'aberration géographique qui dément l'univers étroit dans lequel on cherche à cloisonner le groupe. Ailleurs, on pense aussi à Summerteeth de Wilco, ce super disque ensoleillé que les jeunes générations (auxquelles j'appartiens) méprisent ou ignorent bêtement. Les Magic Kids, trop rapidement catalogués "plaisir frivole", ont en fait des réserves supplémentaires et une personnalité plus marquée qu'on ne pourrait le croire au premier abord. Mais vu l'excès de colorants, ils ne plairont certainement pas aux plus âgés.

Quant au Smith Westerns, avec qui ils partagent ce single, que dire de plus? Il faudra attendre 2011, je crois, pour le scander bien haut: il s'agit de l'un des plus grands groupes de rock en activité - et plus. Si ce manque d'imagination dans la propagande vous déplait, dîtes-moi ce que vous diriez, vous, d'un groupe dont le talent brut abrutit complètement votre sens de l'analyse?

samedi 13 novembre 2010

The Doors

Dix ans que je me les traine dans ma cédéthèque, et je n'avais pas remarqué à quel point ils étaient bons! On change aussi vite d'avis avec les "classiques" (ou "vieilleries", si vous ne croyez pas à la valeur culturelle de ces choses) qu'avec un groupe récent. La mode ne s'en prend donc pas qu'au présent, elle attaque aussi le passé. On peut croire que Jefferson Airplane, par exemple, est un grand groupe et, un an plus tard, se raviser. L'inverse arrive moins souvent, parce qu'on est têtu.
En ce qui me concerne, le temps de la découverte est révolu : l'enthousiasme se refroidit et l'effet d'annonce dans les médias s'estompe. Le moment est plutôt à l'épuration - excusez ce mot violent, mais comme le superflu s'accumule, il est bon de se resserrer sur ses fondamentaux. The Doors n'en aurait jamais fait partie, même pas en supposition, jusqu'à ce mois-ci. Mais après l'écoute de l'excellent Greetings from Asbury Park, de Bruce Springsteen, j'ai voulu faire une petite virée dans l'Amérique du classic-rock et j'en suis revenu aux basiques. Les Doors se posent là.
Morrison Hotel, curieusement, m'a toujours plus attiré que le premier album, le gros classique pour discothèque idéale, tellement gros qu'il en devenait tarte à la crème et attisait le snobisme. Peut-être aussi que Roadhouse Blues, à une époque où le psychédélisme ne me disait rien qui vaille, me semblait plus carré, plus réglo que les fumisteries hallucinogènes. Pourtant, ce bon vieux blues-rock ricain, même s'il a quelque chose de rassurant - un petit coté middle of the way - n'est pas vraiment de taille à lutter contre End of the Night, grandiose variation sur la nuit qui a dû en faire passer des blanches à un certain Ian McCullogh. L'aspect théâtral des Doors ne me rebute donc plus. Principe d'accoutumance: j'ai gouté plus de 16 fois à la musique rock américaine, sous toutes ses formes, ainsi qu'à diverses extensions du psychédélisme, ce qui me rend désormais sensible à la souche-mère. Ils me paraissaient vieillots en l'an 2000; aujourd'hui, je les trouve incroyablement modernes. Ou alors, c'est que j'ai vieilli.






Les Inrocks Black XS, Warpaint, Local Natives, the Coral

 L'avantage d'arriver en retard quand il y a quatre concerts, c'est qu'on n'est pas trop fatigué pour profiter du dernier. La formule est excessivement consistante et, il me semble, inappréciable. Comment tenir de 19h30 à 00h30 dans le bruit des enceintes et en même temps savourer durablement ce qu'on écoute? D'autant plus que malgré le plaisir d'assister à un live, force est de reconnaître que les groupes de pop-rock ne sont pas les plus habiles ni les plus fins. Soit que le micro est défaillant, soit que c'est le chanteur qui coince, on distingue mal les voix. Puis, guitares et basses tendent à se confondre. Bref, mieux vaut connaître les chansons par avance puis les restituer mentalement à partir des bribes de mélodies qui nous parviennent.



Ainsi, Warpaint n'a pas livré un set claironnant. Ce fut souvent confus, indiscernable et maladroit. Mais par moments, quand les instruments se mettaient en place, on assistait à un impressionnant récital de rythmes, où basse, batteries et guitares étaient de connivence pour nous faire dodeliner de la tête. Toujours aussi surpris par les fulgurances rythmiques de ce groupe planant, qui est bon là où on ne l'attend pas et souvent moyen quand il applique les recettes de la dream-pop, je continuerai à me tenir à l'affût de leurs prochaines productions.

Il me faut quand même avouer que Locale Natives a livré un set plus carré. Je ne suis pas fan de ce groupe mais il y avait, dans l'attitude comme dans le son, une netteté et une résolution qui m'ont plu. Autant sur disque ce méli-mélo échoue à trouver la "ligne claire" qui dessinerait un nouveau classicisme, autant sur scène le guitariste principal (le moustachu) se donne tellement qu'on applaudit. Je rendais les armes. Si l'un des membres avait une voix plus singulière cela pourrait même devenir très fort. Mais bon, c'est l'indie-rock; on croit que la voix ne compte pas.



Enfin venait le groupe pour lequel je me déplaçais, et une partie de la foule avec. The Coral, de passage à Lille, après une longue attente! Leur nom brillait en toile de fond, privilège auquel n'avaient pas droit les autres groupes, pas encore assez professionnels. Jusque dans l'agencement de l'espace scénique, on sentait le soin qu'apporte un groupe mûr à son matériel. Sobre, élégante dans ses teintes beiges, la scène avait un air de meublé cossu pour trentenaires, ce que sont d'ailleurs les membres des Coral.

Certes, je ne les cueille pas au meilleur moment, mais enfin, c'est affaire de chicanes. Qui bouderait son plaisir de voir l'un de ses groupes favoris sur scène, quand bien même ce serait au plus mauvais moment de sa carrière? Les Coral restant les Coral, ce truisme rappelle que j'en ai peut-être trop fait sur la différence entre les albums du début et ceux de maintenant. Passant en revue certains de leurs anciens morceaux, le groupe a réussi, sur scène, à mettre les nouveaux sur le même plan, ce qui n'était pas, a priori, une mince affaire. Il y avait de l'énergie, du calme, et tout cela s'enchaînait bien. Des moments creux m'ont parfois ramené à ma déception: Butterfly House est décidément une mauvaise chanson, par exemple. Mais à coté, des morceaux que je croyais quelconques ont étincelé.
Comme on ne peut plus être surpris par les chansons les plus connues, il reste à se laisser surprendre par celles qu'on a oubliées. Ainsi, les deux chansons qui m'ont le plus enchanté furent, contre toute attente, deux extraits de leur nouvel album. Tout d'abord Coney Island, que je n'avais sans doute jamais écouté plus de trois ou quatre fois, m'a semblé mystérieuse et très maritime, comme un vieux rafiot partant à l'aventure dans la brume océane. Puis, Fallin All Around You, moment de calme et d'apaisement, rendu d'autant plus appréciable par la pureté acoustique du son (alors que pendant des heures la distorsion et le volume des guitares électriques ont abimé nos oreilles), a été comme un rêve éveillé de trois petites minutes. Cette chanson a pris le contrepied de tout ce qu'on avait entendu depuis le début de la soirée: du son rock mais des voix ternes. Ce n'était pas le meilleur jeu de scène, ni le meilleur son - la palme du pire leur revenait même - mais c'était le seul groupe qui puisse se targuer d'avoir un vrai chanteur.
Un vrai chanteur n'est pas une diva qui passe en revue toutes les octaves que son organe peut couvrir, ni une voix de basse, grave et imposante comme sortie d'une caverne. Ce n'est pas même quelqu'un qui chante juste. Un chanteur a moins à faire - mais tellement plus à être! Il incarne un feeling, avec ce que cela suppose d'expressivité et d'engagement personnel. Cela ne consiste pas nécessairement à "faire musical" (et donc artificieux), mais à donner vie aux mots. C'est comme jouer un rôle dans une pièce de théâtre, il ne suffit pas de réciter ni de faire ses rimes, il faut encore donner à la parole un air de naturel qui interpelle le public! James Skelly y réussit très bien, sans être pour autant ce qu'on appelle une "voix". Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'a pas un truc à lui. Au contraire. Outre son léger accent cockney, James Skelly a un "grain" de voix, comme on pourrait dire qu'il a un grain de sable logé dans la gorge. Il vire très vite au rugueux, au sablonneux, ce qui est plutôt un atout quand on se veut chantre des ports et du littoral. Or, les Coral, nous en sommes désormais assurés par une interview donnée à Rock'n'folk, sont les paysagistes de la vie portuaire de l'Angleterre. Ou étaient, car le temps passe. Laissons donc à Skelly et sa bande le soin de vieillir comme ils l'entendent; on ne peut plus avoir, 8 ans après, un nouveau Dreaming Of You, même si le public, impatient et déchainé au moment du rappel parce que le groupe consentait enfin à lui donner ce qu'il était venu chercher, semblait s'être déplacé surtout pour cette chanson. Il l'a eue - on l'a eue! - mais le reste valait aussi la peine du déplacement et de la fatigue occasionnée le lendemain, lorsqu'à 8h il a fallu retourner au travail. See You Soon!

*aucune idée de ce qu'est La Patère Rose puisque le groupe passait à 19h30 et que nous ne sommes arrivés qu'à 20h30.

vendredi 29 octobre 2010

Come Around Sundown

A bien des égards, les Kings of Leon sont les Red Hot Chili Peppers de notre époque. Comparez par exemple Wasted Time, de leur premier album, à The End, et vous aurez à peu près le même écart qu'entre Freaky Stealy et Californication. Rythmée et rêche, leur musique est devenue le coucher de soleil "Palm Beach" qu'arbore cette magnifique pochette. C'est la loi des majors, direz-vous. Il se peut. Mais là n'est pas le plus intéressant. Plutôt que le regret, je préfère la curiosité. Comme à l'instant même j'écoute Youth and Young Manhood, après avoir visionné le clip plein de bons sentiments mais involontairement colonialiste de Radioactive, je ne peux qu'être effaré par la distance qui sépare, en 7 années seulement, les débuts du groupe de Mount Juliet, Tennessee, terre du whisky et de la country, et leur nouveau style passe-partout dans la tradition du rock de stade. En 2003, le groupe jouait un folk-rock racorni mais jubilatoire, cradingue et criard comme un groupe punk qui se serait paumé dans un no man's land et y aurait rôti au soleil, rangeant les guitares dans des vans déglingués. En 2010, les Kings of Leon n'ont plus grand chose à voir avec le folk-rock et encore moins avec le rock'n'roll de saloon, viril et un rien macho. Au contraire, la voix de Caleb Followil, tout en demeurant nasillarde et ébréchée, s'est considérablement féminisée, pour n'être plus, parfois, qu'une plainte - qu'on imagine simulée. L'authenticité et la culture roots peuvent se perdre, mais à quelle vitesse! Si on y réfléchit, il était arrivé la même chose, dans un autre genre, aux Red Hot Chili Peppers. D'abord dingos et frénétiques, les shootés du groupe s'étaient mis à faire de la pop mélodieuse, progressivement tentés par le chatouillement des fibres sensibles (Scar Tissue... quand même un sacré morceau) et peut-être aussi par l'argent et la renommée. Ce faisant, ils n'avaient pas laissé tomber la basse, l'élément le plus important du groupe, ils s'étaient contentés de ralentir considérablement les rythmes. Les Kings of Leon font la même chose: slow down, ils décélèrent, mais ne lâche pas la basse. Mais la comparaison ne s'arrête pas là.Les frères Followil ne partagent pas seulement avec les RHCP une évolution vers le mainstream, auquel cas j'aurais pu choisir aussi bien R.e.m. Il se trouve que la pochette de Come Around Sundown, avec ses palmiers irradiés, est le pendant sudiste de Californication. Or, le succès public risquant bien d'être à la hauteur des attentes de Sony, on pourra sans doute dire, d'ici quelques années, que Come Around Sundown est aux années 2010 ce que le disque des californiens étaient aux années 90. A savoir un blockbuster populaire très plaisant, une petite cure de lumière dans le monde clinquant du mainstream. Même si la densité des émotions reste assez maigre, une chanson comme Down Back South s'écoute avec un agréable pincement au cœur. Peut-être parce que cette chanson nostalgique laisse entrevoir un retour au source, ou au contraire parce qu'elle exprime un dernier adieu, elle plaira aux fans d'americana et des anciens Kings of Leon. Personnellement, je justifie l'achat du disque par cette chanson. Mais c'est dépenser beaucoup pour peu.
Car il ne faut pas se leurrer, le reste de l'album s'éloigne considérablement du style sudiste et lorgne vers la grandiloquence de U2. Les guitares ont un coté "the Edge" qui pourra agacer certaines sensibilités. Ecouté à grand volume, ce disque révèle bien de solides qualités musicales et ne démérite pas du tout (l'inédit Celebrations, dans la version deluxe, par exemple, est comparable à n'importe quel morceau psyché plébiscité à longueur d'année par les bloggueurs et les amateurs éclairés) mais il ne se prête pas à une écoute attentive, ne laisse pas non plus admiratif.
De mon point de vue, Come Around Sundown est musicalement un bon disque, plombé malheureusement par une voix de plus en plus encombrante. L'organe vocal de Caleb Followil était autrefois une force et c'est en quoi le passage grand public des Kings of Leon s'avère un semi-échec. Jamais Followil n'aura été un grand mélodiste; peu adepte des phrasés musicaux bien écrits, il a toujours privilégié l'expression brute, qui passe par des variations de timbre et de volume. Il n'y a jamais eu, avec lui, d'air à fredonner. C'est ce qui le rapprochait auparavant du blues, plus que de la country. Mais cette particularité est devenue un défaut. Il ne fait plus que crier uniformément, avec un petit accent plaintif qui gâche parfois mon plaisir. En revanche, le remix de Closer, toujours sur la version deluxe, est trippant. Preuve qu'à n'importe quel moment, il peut revenir à de meilleures intentions.
Bref, si on fait le cumul de toutes ces remarques, vous remarquerez que ma chronique n'est ni acerbe ni laudative. Elle reste dans les limites de la curiosité et de l'intérêt. Rien n'est tout à fait à jeter chez les Kings of Leon, mais rien n'est désormais totalement bon. Sauf la pochette, bien sûr.
En tout cas, les amateurs d'americana ont trouvé de quoi alimenter le foyer de leurs discussions, car au prix d'un travestissement douteux les Kings Of Leon ont porté le folk-rock au devant du public, qui finira bien par en venir aux premiers disques. Tout ce que j'espère, c'est qu'ils gardent toujours un petit quelque chose de leurs origines sudistes, car mon oreille prête attention, même dans les moins bons morceaux, aux fragments d'ambiance, aux notes perdues qui réveillent l'image des grands espaces.

jeudi 28 octobre 2010

Twenty Miles

Dans le petit monde de l'americana, dont le défunt magazine Eldorado se faisait jusqu'alors le porte-parole en France, Deer Tick commençait à jouir d'une certaine réputation, acquise sur la foi d'un album, Born on Flag Day. Mais ce début d'estime ne passait pas les frontières. Ici, le nom n'évoque toujours rien et la pochette de l'album semblait d'ailleurs le destiner à un public exclusivement yankee. Du fait de cet anonymat déconcertant, je n'avais jamais songé à écouter une chanson du groupe. C'est dommage, mais le hasard a réparé cette omission. Twenty Miles, extraite des Black Dirt Sessions, est la chanson folk-rock qui fait oublier que les autres pousses de l'americana, les Felice Brothers par exemple, sont trop souvent décevants (c'est-à-dire en dessous de leur potentiel). C'est en piochant une chanson aux uns et aux autres qu'on se fait une bonne idée de l'americana roots et rêche d'aujourd'hui. Rien à voir, si vous me suivez, avec les paisibles et très radio-friendly Band Of Horses (que j'aime d'ailleurs beaucoup). Mais rien à voir non plus, heureusement, avec les ballades efféminées des songwriters bourgeois-bohèmes. Deer Tick est un authentique groupe de folk-rock plongeant le nez dans le whisky. L'alcool pur n'est pas mon truc, mais la musique qui en découle, si.

mercredi 27 octobre 2010

Monts et merveilles


Il y a deux choses qui me laissent pantois avec Miami: le début et la fin. Carry Home, Mother Of Earth. Pour passer de l'une à l'autre, il faut attendre un peu plus de 30 minutes, mais le temps passe vite. Jeffrey Lee Pierce et les siens ont réalisé le disque rock presque parfait: deux moments forts, inégalables, insurmontables, du genre qui ferait chanter, comme David Tattersall des Wave Pictures: "I'll die for beauty", et puis, pour le reste, des chansons de bonne tenue, plutôt rock'n'roll années 80, dans la lignée crue et minimaliste des Cramps. Or, les meilleurs morceaux sont, quoi qu'on fasse, les plus tristes. C'est peut-être le fait d'une pathologie personnelle et extrêmement virale, mais il me semble que les chansons exsudant une certaine douleur - à condition qu'elle soit transcendée - sont simplement plus vitales que les autres. Non que la gaieté soit plus frivole que la tristesse; celle-ci n'est pas même à un plus haut degré que la joie le lot commun des hommes puisque la plupart d'entre eux, dans nos sociétés occidentales, passent plus de temps à rire qu'à pleurer, mais d'une part la tristesse en musique n'est pas la même que dans la vie: elle n'enfonce pas, elle élève; d'autre part, elle creuse un espace vacant en nous-mêmes, elle nous rappelle que rien ne dure, que le temps s'écoule, elle nous éveille au sentiment de notre solitude imprenable. L'impression qui découle d'un morceau comme Mother Of Earth est celle d'une escapade héroïque, sans retour possible, d'une fuite loin de la médiocrité, des contraintes, des compromis, de la demi-mesure - autrement dit, une impression de liberté totale, de souveraineté sur soi et sur le monde. Bref, on est en plein fantasme. Mais c'est le privilège de la musique: produire des instants réversibles dans une existence enchaînée aux causes et aux effets. C'est pour ça qu'on l'aime: pendant trois minutes, on brûle d'un certain feu, puis, avant qu'il nous réduise en cendres, on passe à autre chose. Il n'y a pas de cendres avec elle. Il n'y en a pas non plus avec le Gun Club.

lundi 25 octobre 2010

Soufflé!


Je m'empresse d'apporter une rectification au message précédent: le nouvel album des
Moondoggies, contrairement à ce que j'ai écrit, est parfaitement audible sur internet. Il est même disponible à l'écoute dans son intégralité sur la page facebook du groupe. Pour quelqu'un qui prétendait "apporter un soin particulier" à leur actualité, me voilà bien penaud. Quand on cherche bien, on trouve toujours, donc voilà, pour vous éviter la peine de farfouiller en vain et surtout pour m'assurer que vous ne puissiez plus passer à coté, je vous poste le lien ici-même. Je me vois aussi dans l'obligation - délicieuse - de retoucher à mon premier jugement: si Empress of the North est une chanson folk un peu monotone, elle est très loin d'être à l'image de l'album. Les Moondoggies n'ont pas, comme je le craignais, remisé leurs guitares électriques, bien au contraire. J'en suis actuellement à l'écoute du troisième titre de l'album et je me prends une claque, comme on dit couramment. Il n'y en a pas un des trois qui soit inférieur aux meilleurs morceaux de Don't Be a Stranger. Je ne sais pas comment exprimer mon enthousiasme. It's a shame, it's a pity, Tidelands et What took so long sont des pépites de folk-rock sans temps morts. Ni Fleet Foxes, ni Midlake ne sont capables de ça.



TIDELANDS
The Moondoggies, 2010
Hardly Art

Les Moondoggies sont toujours là


Curieuse destinée que celle de ce blog, dans lequel j'affichais précocement mon mépris pour le brit-rock, sur des pages jaunes sépia évoquant autant les vieux livres que les saloons poussiéreux, et qui - ironie du sort - a été rebaptisé du nom d'une chanson incarnant mieux qu'aucune autre le ska-rock et le merseybeat anglais. Il ne faut jamais jurer de rien. Mais ce revirement ne signifie pas que dans un mouvement général de déni, je jette aux oubliettes tout ce qui, pendant quelques mois, aura fait la substance de Between the Lines of Age, à savoir le folk-rock américain, le soleil, la guitare électrique chaude et spasmodique du loner, les routes du désert et les grands espaces recevant les derniers rayons du soir. Non, bien sûr. Les Moondoggies, par exemple - et quel exemple! - auront toujours droit à une actualité soignée et accueillante. Vous souvenez-vous? Mes quelques rares lecteurs auront remarqué, sans nul doute, le déploiement de force rhétorique que j'avais mis au service de la promotion de leur premier album, sorti en 2008. Je l'avais comparé à On The Beach, de Neil Young. ça ne rigolait pas.
Pas plus aujourd'hui. Des mots écrits en cette année 2009, je n'en retire aucun. Don't Be A Stranger reste un des meilleurs albums de folk-rock que j'ai entendus. The Dutchess and the Duke sont encore meilleurs, car plus roots et moins sophistiqués, mais à la réflexion et quoiqu'ils viennent les uns comme les autres de Seattle, on ne peut pas les comparer. En octobre devrait sortir (ou devait) le nouvel album des Moondoggies, Tidelands. Inutile de dire que la France attendra longtemps avant d'en voir la couleur. Même Youtube, quelques jours après sa sortie supposée, reste désespérément silencieux. Tout ce que l'on peut savoir de ce nouvel album, un single nous l'apprend: Empress of the North. L'impression est mitigée: d'un coté le groupe montre qu'il n'a pas perdu son âme et ce nouveau titre s'apprécie comme une chanson secondaire, de la même façon qu'Undertaker était une très bonne chanson folk de Don't Be A Stranger sans pour autant en constituer un des morceaux indispensables. Pour un single, j'aurais aimé plus, quelque chose de la trempe de Changing ou de Long Time Coming. Pendant 4 minutes, j'ai attendu la guitare électrique, le coup de batterie qui allait sonner la charge, mais rien. Empress of the North est juste une ballade folk, et ce n'est déjà pas si mal.

dimanche 24 octobre 2010

Smith Westerns/Girls



Une petite vidéo circule sur le net, signée Ryan McGinley et présentée par le site Nowness. J'ignore tout à fait la raison d'être de ce petit film, qui a tout l'air d'un extrait de documentaire mais qui, en fait, se suffit à lui-même. Qu'est-ce que Nowness? Qui est Ryan McGinley? Pourquoi cet intérêt tout esthétique porté à deux groupes indés dont la notoriété croissante n'a pas dépassé le circuit indépendant? A en juger par la stylisation à outrance - mais exquise - Ryan McGinley cherche la fascination, il exploite le coté underground élégant et très efféminé des deux groupes, comme pour subjuguer monsieur-tout-le-monde, le décontenancer par un foisonnement éclatant de détails inédits (les vêtements de Christopher Owen, période art nouveau, la chaussure qui frotte l'arrière du genou - geste commun aux deux groupes) . Il se dégage de cette vidéo une homogénéité propre à faire croire en l'existence d'une sensibilité nouvelle, raffinée et clandestine, pour ne pas dire d'un mouvement. Mais le plus important n'est peut-être pas ce maniérisme très étudié: les Smith Westerns dévoilent, via cette vidéo, une nouvelle chanson, absolument subjuguante. Alors que leur premier disque crachotait un son d'avant-guerre, broyait sans scrupules les mélodies dans un hachoir, le groupe a entamé une mue impressionnante - on ne peut pas appeler cette métamorphose autrement, car les Smith Westerns semblent avoir gagné plusieurs années de maturité en l'espace de quelques mois. D'un garage-rock brutal et sémillant, ils passent à une sorte de glam atmosphérique, qui doit autant à Marc Bolan, leur icône, qu'à My Bloody Valentine. Peut-être que je ne m'y connais pas assez, mais je trouve le résultat inouï. En ce sens, l'objectif de la vidéo de McGinley est amplement atteint: à mon corps défendant, je me sens sidéré et admiratif devant cet ovni, cette brillance et cet éclat venus d'un autre monde. Il en ressort l'impression d'assister à la naissance d'un grand groupe. Cela se sentait déjà l'an passé, c'est désormais une certitude.

samedi 23 octobre 2010

faces-b

Des débuts qui promettaient:



Des promesses tenues - et ce ne sont "que" des faces-b:



vendredi 22 octobre 2010

Le Retour

Ils sont plusieurs à revenir en novembre. Et non des moindres. J'aurais aimé parlé de Kurt Vile, en solo bien sûr, mais rien ne me vient à l'esprit. Ses nouvelles chansons folk sont comme des face-b refourguées. C'est un vide sidéral, un ennui inacceptable. Il a gardé le meilleur pour the War On Drugs. Future Weather, du groupe de Philadelphie, s'annonce en effet du même tonneau que l'album de 2008. Comin' trough est radieux, svelte, élancé. Chose appréciable, Kurt Vile pose ses mots avec moins de paresse et de nonchalance que sur son dernier ep.
Puis, il y a les Crystal Stilts - j'allais écrire les Crystal Castles, car il y a presque autant de groupes dont le nom commence par Crystal que de groupes dont le nom commence par Black - ils ont eux aussi sorti un disque magnifique en 2008, trop peu médiatisé et parfois considéré à tort comme une fumisterie de snobinards prenant la pose cynique et inquiétante du Velvet Underground. En fait, c'est surtout un excellent groupe de garage-rock, dans la famille des Mantles et des Fresh and Onlys, mais en plus sombre. Les Fresh and Onlys, dont on parle aussi cette semaine, sortent également un nouveau disque. Avec ça, on a de quoi faire le mois.