La chanson de la semaine

mercredi 27 octobre 2010

Monts et merveilles


Il y a deux choses qui me laissent pantois avec Miami: le début et la fin. Carry Home, Mother Of Earth. Pour passer de l'une à l'autre, il faut attendre un peu plus de 30 minutes, mais le temps passe vite. Jeffrey Lee Pierce et les siens ont réalisé le disque rock presque parfait: deux moments forts, inégalables, insurmontables, du genre qui ferait chanter, comme David Tattersall des Wave Pictures: "I'll die for beauty", et puis, pour le reste, des chansons de bonne tenue, plutôt rock'n'roll années 80, dans la lignée crue et minimaliste des Cramps. Or, les meilleurs morceaux sont, quoi qu'on fasse, les plus tristes. C'est peut-être le fait d'une pathologie personnelle et extrêmement virale, mais il me semble que les chansons exsudant une certaine douleur - à condition qu'elle soit transcendée - sont simplement plus vitales que les autres. Non que la gaieté soit plus frivole que la tristesse; celle-ci n'est pas même à un plus haut degré que la joie le lot commun des hommes puisque la plupart d'entre eux, dans nos sociétés occidentales, passent plus de temps à rire qu'à pleurer, mais d'une part la tristesse en musique n'est pas la même que dans la vie: elle n'enfonce pas, elle élève; d'autre part, elle creuse un espace vacant en nous-mêmes, elle nous rappelle que rien ne dure, que le temps s'écoule, elle nous éveille au sentiment de notre solitude imprenable. L'impression qui découle d'un morceau comme Mother Of Earth est celle d'une escapade héroïque, sans retour possible, d'une fuite loin de la médiocrité, des contraintes, des compromis, de la demi-mesure - autrement dit, une impression de liberté totale, de souveraineté sur soi et sur le monde. Bref, on est en plein fantasme. Mais c'est le privilège de la musique: produire des instants réversibles dans une existence enchaînée aux causes et aux effets. C'est pour ça qu'on l'aime: pendant trois minutes, on brûle d'un certain feu, puis, avant qu'il nous réduise en cendres, on passe à autre chose. Il n'y a pas de cendres avec elle. Il n'y en a pas non plus avec le Gun Club.

2 commentaires:

  1. OUI, mille fois oui : je souscris à 200% ! Belle analyse, joli texte : BRAVO !
    ESSENTIELLE, l'oeuvre du GUN CLUB : qu'on se le répète ! As-tu écouté aussi "Las Vegas Story" ?

    RépondreSupprimer
  2. Pas encore, mais je me souviens que tu me l'avais conseillé. Pour information, ils ont tous été réédités l'an passé et sont maintenant disponibles pour une dizaine d'euros accompagnés d'un disque live. Je trouve étrange que cette info soit passée incognito dans les médias.

    RépondreSupprimer