A bien des égards, les Kings of Leon sont les Red Hot Chili Peppers de notre époque. Comparez par exemple Wasted Time, de leur premier album, à The End, et vous aurez à peu près le même écart qu'entre Freaky Stealy et Californication. Rythmée et rêche, leur musique est devenue le coucher de soleil "Palm Beach" qu'arbore cette magnifique pochette. C'est la loi des majors, direz-vous. Il se peut. Mais là n'est pas le plus intéressant. Plutôt que le regret, je préfère la curiosité. Comme à l'instant même j'écoute Youth and Young Manhood, après avoir visionné le clip plein de bons sentiments mais involontairement colonialiste de Radioactive, je ne peux qu'être effaré par la distance qui sépare, en 7 années seulement, les débuts du groupe de Mount Juliet, Tennessee, terre du whisky et de la country, et leur nouveau style passe-partout dans la tradition du rock de stade. En 2003, le groupe jouait un folk-rock racorni mais jubilatoire, cradingue et criard comme un groupe punk qui se serait paumé dans un no man's land et y aurait rôti au soleil, rangeant les guitares dans des vans déglingués. En 2010, les Kings of Leon n'ont plus grand chose à voir avec le folk-rock et encore moins avec le rock'n'roll de saloon, viril et un rien macho. Au contraire, la voix de Caleb Followil, tout en demeurant nasillarde et ébréchée, s'est considérablement féminisée, pour n'être plus, parfois, qu'une plainte - qu'on imagine simulée. L'authenticité et la culture roots peuvent se perdre, mais à quelle vitesse! Si on y réfléchit, il était arrivé la même chose, dans un autre genre, aux Red Hot Chili Peppers. D'abord dingos et frénétiques, les shootés du groupe s'étaient mis à faire de la pop mélodieuse, progressivement tentés par le chatouillement des fibres sensibles (Scar Tissue... quand même un sacré morceau) et peut-être aussi par l'argent et la renommée. Ce faisant, ils n'avaient pas laissé tomber la basse, l'élément le plus important du groupe, ils s'étaient contentés de ralentir considérablement les rythmes. Les Kings of Leon font la même chose: slow down, ils décélèrent, mais ne lâche pas la basse. Mais la comparaison ne s'arrête pas là.Les frères Followil ne partagent pas seulement avec les RHCP une évolution vers le mainstream, auquel cas j'aurais pu choisir aussi bien R.e.m. Il se trouve que la pochette de Come Around Sundown, avec ses palmiers irradiés, est le pendant sudiste de Californication. Or, le succès public risquant bien d'être à la hauteur des attentes de Sony, on pourra sans doute dire, d'ici quelques années, que Come Around Sundown est aux années 2010 ce que le disque des californiens étaient aux années 90. A savoir un blockbuster populaire très plaisant, une petite cure de lumière dans le monde clinquant du mainstream. Même si la densité des émotions reste assez maigre, une chanson comme Down Back South s'écoute avec un agréable pincement au cœur. Peut-être parce que cette chanson nostalgique laisse entrevoir un retour au source, ou au contraire parce qu'elle exprime un dernier adieu, elle plaira aux fans d'americana et des anciens Kings of Leon. Personnellement, je justifie l'achat du disque par cette chanson. Mais c'est dépenser beaucoup pour peu.
Car il ne faut pas se leurrer, le reste de l'album s'éloigne considérablement du style sudiste et lorgne vers la grandiloquence de U2. Les guitares ont un coté "the Edge" qui pourra agacer certaines sensibilités. Ecouté à grand volume, ce disque révèle bien de solides qualités musicales et ne démérite pas du tout (l'inédit Celebrations, dans la version deluxe, par exemple, est comparable à n'importe quel morceau psyché plébiscité à longueur d'année par les bloggueurs et les amateurs éclairés) mais il ne se prête pas à une écoute attentive, ne laisse pas non plus admiratif.
De mon point de vue, Come Around Sundown est musicalement un bon disque, plombé malheureusement par une voix de plus en plus encombrante. L'organe vocal de Caleb Followil était autrefois une force et c'est en quoi le passage grand public des Kings of Leon s'avère un semi-échec. Jamais Followil n'aura été un grand mélodiste; peu adepte des phrasés musicaux bien écrits, il a toujours privilégié l'expression brute, qui passe par des variations de timbre et de volume. Il n'y a jamais eu, avec lui, d'air à fredonner. C'est ce qui le rapprochait auparavant du blues, plus que de la country. Mais cette particularité est devenue un défaut. Il ne fait plus que crier uniformément, avec un petit accent plaintif qui gâche parfois mon plaisir. En revanche, le remix de Closer, toujours sur la version deluxe, est trippant. Preuve qu'à n'importe quel moment, il peut revenir à de meilleures intentions.
Bref, si on fait le cumul de toutes ces remarques, vous remarquerez que ma chronique n'est ni acerbe ni laudative. Elle reste dans les limites de la curiosité et de l'intérêt. Rien n'est tout à fait à jeter chez les Kings of Leon, mais rien n'est désormais totalement bon. Sauf la pochette, bien sûr.
En tout cas, les amateurs d'americana ont trouvé de quoi alimenter le foyer de leurs discussions, car au prix d'un travestissement douteux les Kings Of Leon ont porté le folk-rock au devant du public, qui finira bien par en venir aux premiers disques. Tout ce que j'espère, c'est qu'ils gardent toujours un petit quelque chose de leurs origines sudistes, car mon oreille prête attention, même dans les moins bons morceaux, aux fragments d'ambiance, aux notes perdues qui réveillent l'image des grands espaces.
N'importe quoi.
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