La chanson de la semaine

lundi 28 février 2011

Family of the year


Le silence dans lequel résonnent encore les mots de mon dernier article, comme de l'eau tombant goutte à goutte dans une caverne, a deux raisons: premièrement, depuis que j'ai un travail je ne trouve plus le temps d'actualiser ce blog; deuxièmement, le début de l'année est remarquable de vacuité, d'inconsistance et de modes douteuses (James Blake...) qui donneront bientôt raison aux anti-hipsters . A part les Smith Westerns, peut-être Anna Calvi, dont le disque exprime la personnalité de façon très singulière, je n'ai rien entendu qui soit digne d'attention dans la sphère de la musique alternative. Est-ce que, par hasard, l'indie-rock serait en train de me blaser? La preuve que non, je l'ai eue à mon corps défendant: découvert l'an passé et repoussé sans dégoût après une écoute hâtive, Family of the year a fini par entrer dans mes bonnes grâces.

Je dois à la citation de Steven Tyler (chanteur d'Aerosmith) imprimée sur les sticks ("comme the Mamas and the Papas sous acide") ma découverte de ce groupe sympathique. La deuxième partie de la comparaison est fausse, mais c'est la première qui comptait le plus à mes yeux.
La première fois, néanmoins, je fus déçu. Qu'est-ce qui différenciait Family of the year d'un quelconque groupe consensuel et fade des Etats-Unis? "Fleet Foxes fait la même chose" pensai-je, "le folk sans virilité ni drame n'est pas du folk". Le groupe me semblait si insignifiant qu'il n'était même plus nécessaire d'intellectualiser. Il suffisait de détourner le regard de cette chose inoffensive, dont les multiples semblables occupent les rayonnages réservés à la pop indépendante depuis 2005 et la parution d'Illinoise de Sujan Stevens. L'affaire aurait pu rester sans suites. Mais un tel vide a marqué ce début d'année que j'ai cherché, dans les creux de 2010, un album qui puisse apaiser ma soif de nouveautés. Je suis revenu à "Our Songbook", conscient de n'en avoir écouté qu'une infime partie un peu trop vite. Je voulais une musique légère, primesautière et douce, or d'après mon souvenir, c'est exactement ce que proposait Family of the year.
Et, en effet, leur disque est bien ainsi: une tapisserie sonore agréable et incolore quand on l'écoute en musique de fond (ce qui justifie mon premier sentiment) mais aussi une joyeuse sarabande qui révèle, pour chaque morceau, un petit détail accrocheur et vif qui agrippe l'oreille et fait relever la tête de l'auditeur distrait. "Ah! ce n'est pas si mal..." On découvre alors l'ambivalence d'un groupe qui, pour s'être inspiré du folk californien (Joni Mitchell, Tom Petty...), flirte avec l'ennui et la platitude, tout en laissant entendre sa verve juvénile, cet indomptable talent qui passe à travers tous les filets de la souricière. Le talent brut est une source intarissable qui irrigue même les terres peu fertiles, une force involontaire qui éveille des sens engourdis par la tiédeur ambiante: rien ne peut l'endiguer tout à fait, il se fraye un chemin partout et court inlassablement vers son expansion... Pour cette raison, il est fréquent que les premiers disques d'un groupe soient les meilleurs, parce qu'ils recueillent leurs premières idées, ce premier jet précieux qui deviendra ensuite une recette.
Let's go down, Supidland ou Feel Good Track of Rosemead en sont les illustrations: des centaines de morceaux, à commencer par ceux d'Edward Sharpe et de sa petite compagnie, de Fleet Foxes, de the Leisure Society, ressemblent comme des frères à ces chansons - car c'est la mode de notre temps - mais un je-ne-sais-quoi qui fleure bon la spontanéité, la créativité sans brides, les rehausse d'un ton, leur donne une saveur plus relevée que prévu. Ce je-ne-sais-quoi, c'est le talent brut.
Bien sûr, cette légèreté n'est pas de toutes les heures. Le printemps approchant y est propice et l'album n'est qu'un passe-temps sans prolongements artistiques. Et son champ d'action est limité: il n'agit que dans un contexte agréable, celui d'une liberté et d'une insouciance égales à celles qu'exprime le groupe. Je vous souhaite que ce soit votre cas.

samedi 5 février 2011

Des news pour les maestros

Mine de rien, le site de magic rpm regorge d'informations fraîches et de singles en avant-première. Quoiqu'on pense de la revue, de son goût estampillé "années 80" qu'elle assume sans complexes (cela, du moins, est à son honneur), de cette esthétique mondaine et outrageusement parisienne (ce qui est moins bien, surtout pour un provincial atterré par la frivolité ambiante), il faut bien reconnaître que son site internet est attractif pour le prospecteur en quête de sons nouveaux: régulièrement actualisé, il occupe la place d'un JT de la musique qu'on consulterait quotidiennement. Ce n'est pas pour autant que j'ai trouvé mon bonheur. Le temps est à la semi-déception, avec des morceaux qu'on est plus satisfaits d'avoir écoutés que d'être en train d'écouter.
On commence avec les Dum Dum Girls, pas plus géniales aujourd'hui qu'hier. Un nouveau single qui n'apporte pas grand chose. Les Vivian Girls sont plus attrayantes, mais souffrent du même manque d'envergure*. Le garage féminin a les épaules fragiles: ce qui fait son charme le détruit peu à peu, car à force d'attendre la réalisation de promesses jamais tenues, on finit par s'habituer à une relative médiocrité. Exemple à la clé avec Best Coast, qui sur le plateau de Letterman ennuie ferme.
Changeons de registre: Pains Of Being Pure At Heart donne des raisons d'espérer de leur nouvel album, nonobstant l'horrible clip de Say No To Love qui, décidément, fait honte à tous ceux qui adoreraient aimer ce groupe mais le trouvent quand même un peu trop gnangnan. A la limite, cette ressemblance accréditée entre POBPAH et les Smashing Pumpkins est peut-être l'aspect le plus positif de l'album à venir. N'empêche que j'irais bien les voir à Lille le 21 (hésitant quand même avec Charles Bradley - sur 365 jours, la probabilité que deux affiches aguicheuses se partagent une même soirée était quasi nulle, et pourtant il a fallu que ça arrive!)

Anna Calvi parcourt le web gentiment et fait parler d'elle mais je n'ai pas encore bien entendu. On dit qu'elle ressemble à Pj Harvey. Cette dernière fait d'ailleurs un come-back réussi, toute en sobriété, dans une atmosphère de campagne anglaise. Embrun, fraîcheur, plage à galets, verdures apaisantes et mares aux canards, telle est l'atmosphère délicate de l'Angleterre dépeinte par Pj Harvey, qui semble avoir renoncé aux folies du rock au profit d'une cure de simplicité. The Last Living Rose est ainsi une belle chanson, claire, océane et sereine.
 Enfin, il ne faut pas se fier à la pochette du nouvel album de Akron Family. Tous les paysagistes du rock, comme moi, tomberaient dans le panneau pour moins que ça. En fait, l'album est bizarroïde et sans vraie direction. C'est plus original que réussi, comme d'habitude. Un de ces groupes qui essaient, essaient... et ne parviennent pas souvent.

* la chanson des Vivian Girls, une fois de plus, est à moitié bâclée et fait néanmoins son petit effet: c'est ce qui explique qu'un groupe garage comme tant d'autres réussisse à solidifier un noyau de fans (alors que les Dum Dum Girls, qui sont objectivement plus douées, ne perpétueront sans doute pas l'esprit DIY).

mercredi 2 février 2011

Kings Go Forth

Pour ceux qui ont apprécié la chanson de Charles Bradley, voici le deuxième édito "soul". Ils ne sont pas légions ici, mais ces dernières années offrent pléthores de chansons souls vintage réussies. Aloe Blacc, Nicole Willis, Sharon Jones, les Sweet Vandals... Dès qu'une instrumentation classique efficace s'associe à une voix chaude, le résultat est au rendez-vous. Voici maintenant, en un peu plus foufou, les Kings Go Forth. Sorti l'an passé, The Outsiders Are Back est le premier album d'un groupe à l'image des autres: un backing band composés de musiciens blancs emmenés par un chanteur noir. C'est en quelque sorte la composition type de notre époque, preuve que si la soul est métisse, les visages pales s'approprient surtout la musique tandis que les blacks gardent l'apanage des grandes voix. Inutile de dire que tout cela vient des USA.
Comme Charles Bradley, Black Wolf n'est pas né de la dernière pluie: chanteur depuis les années 70, le leader des Kings Go Forth s'offre une sorte de bain de jouvence. Bien sûr, l'effet est daté: une musique aux allures archaïques ne peut pas sonner intemporelle puisque, précisément, elle sonne vieillot, mais l'énergie est communicative et fraîche et le groupe jeune. Les vertus de l'ancienneté qui déteignent sur les nouvelles pousses. C'est plutôt bien.