La chanson de la semaine

samedi 30 janvier 2010

The Ex-Muslims


Beaucoup de leurs fans ne s'y retrouvent plus. Les Soft Pack, depuis qu'ils ont changé de nom, semblent plus... soft. On va pouvoir juger sur pièce dès lundi. Leur premier album en tant que nouveau groupe sort en effet le 1er février et ce sera l'occasion de vérifier qu'un groupe anciennement prometteur va tenir, même sous un autre nom, ses promesses. Les premiers extraits malheureusement ne semblent pas à la hauteur de ce petit tube garage-rock, extrait de leur premier disque, the Muslims:

Je vais me pencher sur le nouveau disque, parce qu'un disque de garage-rock, ça ne peut pas faire de mal, mais gardez en têtes deux choses: dans le genre les Black Lips restent meilleurs - malgré un enregistrement toujours proche d'une démo - et les Mantles surclassent tout le monde. Je suis prêt à soutenir cette thèse devant un jury. Pas d'argument, juste la musique.

jeudi 28 janvier 2010

Right Now


J'ai parlé des Smith Westerns, mais pas assez. Leur premier disque est sorti en 2009 (celui avec la pochette de Nevermind à l'envers). A première écoute ils semblaient juste bordélique, comme Wavves. Mais au-delà du plaisir pris à sentir vrombir les guitares, il y a surtout des mélodies d'enfer. Pas très originaux, les Smith Westerns empruntent beaucoup, à T-Rex par exemple. Mais dans leur cas, l'énergie suffit à la fraîcheur. Trouvez le disque, pas disponible en France, car il en vaut la peine.

Elles, j'aurais dû vous en parler. Ce sont les Vivian Girls. Ce nom m'était inconnu jusqu'à ce qu'une visite du myspace de Girls me mène droit à leur page. Elles sont brouillonnes, mais leurs mélodies sont attachantes et le son noisy emprunte parfois sa couleur au shoegaze. On tient donc un étrange groupe punk-rock, classique dans les mélodies, mais moderne pour la mise en son. Leur dernier album, en plus d'être très bon, est très bien présenté. Cela vaut la peine de se le procurer en vinyle. Un coup de cœur auquel leur simplicité ne me prédisposait pourtant pas.




Ceux-là sont très rétros. On pourrait croire à un groupe de la cote ouest des sixties. Pour peu qu'on ne s'offusque pas de ce décalage temporel les Crystal Stilts devraient ravir tout amateur de chansons se donnant volontairement des atours underground (en tant que pose pour faire fuir les minets, comme Spacemen 3 le faisait très bien). Leur premier album est sorti en 2008 et il comporte quelques morceaux psyché noirâtres et noyés dans la réverb. Avec un enregistrement lo-fi, ils ne sont pas sans rappeler le Brian Jonestown Massacre des début.


Voici encore un groupe lo-fi dans le genre de Crystal Stilts, mais sans l'obscurité. Ce serait plutôt la face lumineuse, avec des chansons pop-rock accrocheuses, dans l'esprit San Franciscain qui en ce moment tape à la porte du monde de la musique. On espère que des oreilles sensibles sauront l'entendre. Excellent groupe, ces Mantles, dont le premier essai est sorti l'an passé.




Et pour terminer, Best Coast, encore un projet lo-fi, mais encore une fois un concentré de jolies mélodies cachées sous un punk-rock cradingue. L'esprit des Vivian Girls avec l'ambiance de la sunshine pop, quelque chose de Californien dans la culture et d'indie-rock dans la présentation. C'en est presque triste malgré l'énergie. Un premier album est prévu pour 2010. Personnellement, au vu de leurs magnifiques pochettes, je ne crois pas me contenter de myspace et youtube pour continuer d'écouter les premiers eps.

mercredi 27 janvier 2010

Teen Dream

On peut aimer Beach House puis, un jour, se raviser. Presque pas de la faute du groupe. Il suffit d'avoir un auto-radio. Mauvaise bête qui assassine les disques qu'on croyait aimer. Certains critiques, pour ne pas se gourer, jugent les disques en voiture. Nick Cave lui-même pense que c'est la solution. Pour paraphraser un élu de gauche reprochant aux umpistes d'être capables d'élire une chèvre, je dirais que les critiques seraient capables de laisser un levier de vitesse évaluer un disque. Avec Beach House, c'est très simple, la note sera diamétralement opposée à la vitesse choisie: 5/5 si vous êtes à l'arrêt, 0 si vous poussez au rouge. Je parle en tout cas de leur premier album.

Oui, j'avoue, il était terne. J'ai eu la malchance de l'écouter dans l'auto-radio, qui pire est avec des passagers à bord. D'un coup c'était comme s'il pleuvait sous le capot, le monde semblait tirer la gueule. Je me sentais nu sous le regard de tous, presque pris en flagrant délit de quelque chose. Ce genre de situation fausse nous met en contradiction avec nous-mêmes. C'est très désagréable. Bien sûr, on essaie, par fierté, de ne pas reculer ("la nuit, dans le lit, c'est bien"), mais qui y croit? Nous-mêmes, on dégrise.

Et les Arctic Monkeys de ramener la joie et la bonne humeur entre les quatre portes. On oublie tout. Beach House n'a jamais existé. Putain de monde moderne, nos goûts sont ravalés par des jantes et une boîte de vitesses. On ne peut rêver et croire à nos propres rêves plus de quelques jours. Dès qu'on sort du commun, on se sent ridicule.
Heureusement, Teen Dreams est là. Et celui-là, qu'on l'écoute dans l'auto ou dans son lit, il met le monde à plat ventre. Il devrait en tout cas. Prenez deux chansons: Silver Soul et Real Love; je n'ai rien entendu d'aussi beau et intense, vraiment intense, dans la musique pop depuis peut-être 5 ans. C'est presque de la white soul, comme Portishead ou Cat Power à leur meilleur niveau. Silver Soul, moment charnel, implicitement érotique, renvoie les Kills et les Raveonettes à leurs études sans jamais pousser le son au rouge.

Verdict: le fantôme a pris chair, il ne s'adresse plus seulement aux incurables rêveurs au teint pale, mais invite tout le monde à sa table. Cela valait la peine de défendre Beach House. Rien n'était parfait - même si de mon point de vue, Gila passait très bien sur l'autoroute la nuit - mais ils avaient quelque chose, un sens de l'étrange, du décalage, un esprit mutin et capricieux, délicieusement infantile, capable de vous faire passer des perles en toc pour des vrais bijoux avec la naïveté d'un gosse. Ils semblaient vivre dans un ailleurs où les algues font office de verts pâturages, ou la mer offre un abris improbable aux égarés. On aurait dit la fanfare des Beach Boys sur une barque flottant à l'horizon. Bizarre, mais charmeur. Aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait cela. C'est devenu sérieux, mais on ne s'en offusque pas, car c'est sérieux dans le bon sens du terme: ils imposent leur talent et donnent raison à nos rêves par la même occasion. C'est pour cela qu'il nous fallait ce disque presque mainstream: il est hors du commun sans jamais se mettre à l'écart.

mardi 19 janvier 2010

Borderline

Voici la frange extrémiste du rock, la lisière entre l'audible et l'inaudible. ça se passe aux USA, c'est violent à souhait et pour trouver ça génial, je pense qu'il faut vraiment en avoir marre de la chanson pop, des mélodies lignes claires, des refrains et des arrangements soignés. Soit une négation de dix ans de chansons rock formatées qu'on peut néanmoins siffloter. Est-ce qu'on en a vraiment besoin, là, à l'instant? Un peu, mais faut pas exagérer. Dans le genre shoegaze (mot légèrement usurpé), je prends Pains Of Being Pure At Heart (si c'est bien du shoegaze, ce dont je doute) et je vous laisse le vacarme. Pourtant, il y a quelque chose d'assez fascinant dans les morceaux qui suivent, l'impression que les gars s'en foutent joliment, qu'ils sont borderline et adressent au monde un doigt d'honneur. Très punk dans le fond, donc pas pérenne sur le plan artistique mais sans doute historique. Gageons qu'ils auront leur quart d'heure warholien.

Times New Viking



Smith Westerns



Wavves



Après, si ça ne devient pas aussi universel que les Strokes, il ne faut pas s'étonner. C'est quand même bien défoulant, même si Wavves est largement surestimé. Les Smith Westerns sont les meilleurs.

vendredi 15 janvier 2010

In 2009, You could have what you wanted

En dépit de la mort prématurée de Jay Reatard, notre époque reste, selon moi, la meilleure chose qui soit arrivée au rock indé depuis des lustres. Faisant le tour d'horizon des blogs et de leur top de fin d'année, je m'aperçois pourtant que l'enthousiasme est en berne et que personne ne s'accorde sur les gagnants de l'année, chacun y allant de son disque relativement mineur, faute de mieux. Le papillonnage supplante par ailleurs l'obsession pour un mouvement, un registre, une famille musicale, ce qui arrive toujours lorsque les cartes sont brouillées, que rien de marquant n'affleure. Le monde serait-il en décomposition? Je ne suis pas de cet avis. L'époque, il est vrai, est à la diversité, mais ce n'est pas parce qu'on ne s'y retrouve plus qu'il n'y a plus d'identité forte dans le monde de la musique indé. Peut-être suis-je isolé, mais cette année a été, de loin, ma préférée pour toute la décennie. Je m'empresse d'ajouter que je n'ai pas connu les trois premières, à peine la quatrième (à cette époque maintenant reculée, j'avais la tête ailleurs). Le milieu de la décennie ayant été accaparé par une brit-pop que je ne comprends pas toujours (exception faite des Coral) il est logique que la fin soit pour moi plus importante que le début, puisqu'elle signe le retour d'une certaine musique américaine qui fait la synthèse de toutes les époques, n'oubliant pas les nineties (la décennie boudée par les frangés et les slimés, en attendant que dès 2012 on méprise les héros de notre génération, logique implacable).

Je ne souhaitais pas faire de top de fin d'année, et je n'y cèderai d'ailleurs pas, mais seulement parler d'un phénomène qui me semble remarquable. Depuis quelques temps, on entend à nouveau parler de Kurt Cobain, l'icône un peu encombrante qu'il aura fallu détrôner un moment pour inviter les filles à danser (c'est selon moi la philosophie des noughties, qui se placent en porte-à-faux avec la musique assistée par ordinateur mais également avec la rage désespérée du grunge). Cette référence, parfois assez appuyée, n'est pas éparse et ne touche pas n'importe quel groupe. Les Arctic Monkeys, par exemple, sont assez peu susceptibles de parler de Nirvana en interview. Mgmt non plus ne doit pas être adepte. Il faut chercher du coté de la musique à guitares bruyantes, que le tempo soit rapide ou lent, pour trouver des signes patents de cette réhabilitation. C'est Girls qui m'a mis la puce à l'oreille. Dans le clip "Lust for Life", Owen brandit une pancarte où s'inscrit au marqueur le nom du défunt leader de Nirvana, entre autres noms qu'il nous invite à écouter. Plus intéressant: quelques mois auparavant, le groupe Crystal Antlers, avec son single Andrew, me donnait l'impression de réentendre une rage vocale pas entendue depuis 1994. Les très délicats Pains of Being Pure At Heart ont signé un titre référencé: Kurt Cobain's Cardigan. Les Vivian Girls s'avouent fans, et même Crystal Stilts, qu'on sent pourtant branché années 60. Sur le site officiel de Jay Reatard on peut entendre depuis aujourd'hui la reprise de Frances Farmer will have her revenge on Seattle. Et, pour finir, quand on regarde l'allure de Owen et Reatard, on ne peut s'empêcher de faire la comparaison. Cela faisait un bail que les longs cheveux n'étaient plus médiatisés... Quelles conclusions en tirer? Alors que tout un chacun cette année a parlé d'un revival shoegazing (parfois nommé shitgaze dans ses tendances borderline), est-ce que le phénomène n'est pas plus large? Le fait que Pains of Being Pure At Heart revendique plus de connexions avec Vivian Girls, Crystal Stilts, Girls et Nirvana qu'avec Jesus and Mary Chain ou Ride n'est-il pas le signe que nous ne vivons pas une époque étroitement repliée sur le souvenir d'un courant musical alternatif très souterrain mais plutôt bâtie sur de nombreuses fondations, capable de lier Nirvana aux Beach Boys, My Bloody Valentine aux Beatles?
Ce qu'on a appelé un peu négligemment le revival shoegazing, même s'il emprunte beaucoup aux guitares noisy de Ride, a finalement la vue large et risque bien de se déployer au-delà des limites ridicules dans lesquelles on veut parfois - condescendance oblige des critiques de plus de trente ans avec les petits jeunes - l'encercler.

Si je mets côte à côte ces groupes, qui ont tous sorti un disque cette année (du moins en France) : Vivian Girls, Crystal Stilts, Pains of Being Pure At Heart, Jay Reatard, Smith Westerns et Girls, j'obtiens alors un formidable condensé d'une année de rock indé américain, avec une identité homogène et forte malgré la diversité des registres. Cela crève l'écran. Je peux ajouter les Crystal Antlers, qui n'ont pas vraiment confirmé sur la longueur le bien que je pensais du single Andrew mais en qui on peut quand même placer quelques espoirs, même si leur credo semble excessivement psychédélique. Bien que Kurt Vile ne soit pas forcément adepte de Nirvana (il est plutôt obsédé par Neil Young et Pavement), il entre lui aussi dans le lot de cet indie-rock à guitares massives, condensant d'ailleurs ses nombreux aspects (pop, rock, psyché et folk).
Bien sûr ces disques ne sont pas d'absolus chef d'œuvre mais leur absence systématique des tops de fin d'année a quelque chose de suspect quand on sait qu'ils ont dans l'ensemble reçu un accueil favorable. C'est tout le problème de la génération zapping: à peine un disque jaugé, l'internaute s'en va en chercher un autre, sans prendre la peine de réitérer son plaisir, même quand celui-ci a bel et bien eu lieu. Pire: les découvertes s'enchaînant et l'internaute averti se faisant toujours le scrupule de donner une deuxième chance aux chansons qui ne l'ont pas renversé dès la première écoute, on en arrive à cette aberration qu'un disque médiocre mais bizarre sera forcément plus écouté qu'un disque simple et attachant, puisque le temps passé pour pénétrer l'univers de l'un aura été plus long que pour se débarrasser du plaisir facile de l'autre. Le plaisir se trouve ainsi dévalué au profit d'une tentative vaine de dénicher la perle rare.

Néanmoins, deux disques dont on peut supposer que leurs fans les ont adoptés d'instinct se retrouvent en haut des tops cette année : Animal Collective et Grizzly Bear semblent en effet accommoder beaucoup de gens sincères. Aussi incompréhensible que cela paraisse aux détracteurs, il y a un public qui raffole de ce genre de choses, comme il raffole d'ailleurs des sympathiques mais pas incroyables Vampire Weekend. Evidemment, le tableau que ces trois groupes dressent de la musique indé américaine diffère assez largement du mien, même si des connexions peuvent à l'occasion se retrouver (Kurt Vile a beaucoup écouté Animal Collective qui a fait signer Ariel Pink, mentor de Girls, sur son label). Pour le moment, tel que je définis la musique indé, je suis - sur le plan médiatique - à coté de la plaque. De plus en plus on tend à confondre le mot indie avec Animal Collective. Sur deezer, par exemple, un usager sceptique et visiblement décontenancé écrivait "décidément, je ne comprends rien à la musique indie". Oui, normal. C'est Animal Collective, un élément d'une galaxie bigarrée. Jay Z lui-même n'a pas l'air plus au fait de l'actualité lorsqu'il dit que l'indie-rock réussit sa mutation: il pense de toute évidence à Vampire Weekend. Ce qui m'intéresse et ce qui a fait le suc de mon année musicale (en dehors du folk-rock et de quelques petits événements extérieurs) se joue du coté du shoe/shitgaze, du garage-rock et de Kurt Cobain. On aura la suite bientôt, c'est certain (car ils ne vont pas tous mourir cette année). Et là, on en reparlera avec plus de recul: feu de paille ou future explosion?

Discographie de l'année:

S/t - Pains of Being Pure At Heart
Childish Prodigy - Kurt Vile
Album - Girls
Watch Me Fall - Jay Reatard
Everything is Wrong - Vivian Girls











2008 mais 2009 en France : Alight of Night - Crystal Stilts

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Dans les autres sous-genres, il est inutile de dire que l'année comprend de bons moments, j'aurais à cœur de citer au moins quelques anglais: God Help the Girl (le projet de Stuart Murdoch) mais également la relève de Belle & Sebastian, assurée par Camera Obscura et leur dernier disque My Maudlin Career que je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter en entier. Noah and the Whale m'a bien plu aussi, mais de là à citer leur disque parmi les favoris de l'année, cela me semble limiter la pop à une petite oraison amoureuse timide, pas plus conséquente que le beau disque de Bill Callahan - je dirais même que cette curieuse année aura fait porter des œillères à la critique. Alors, toujours de l'autre coté de la manche, il y aurait sans doute beaucoup à dire si seulement j'avais beaucoup écouté. L'indie-rock, là-bas, se diversifie également, mais tout y sonne plus timide, sauf ces Arctic Monkeys que je trouve lourds, trop lourds (faute à la production ou à la faiblesse mélodique?), les Horrors, qui ont tapé un grand coup et Jamie T, qui semble vraiment avoir un truc. Mais ce n'est pas, on l'aura compris, ma tasse de thé. Je désespère parfois de mon manque d'éclectisme - remède à toutes les névroses - mais voilà, les sympathique Bombay Bicycle Club ne me feront pas pleurer de joie ni d'enthousiasme alors que j'oublie toutes les nécessités de la vie en entendant les trois minutes de Young Adult Friction, de Can't Get Over You, de There Is No Sun, de Morning Light ou de Monkey (à vous de relier ces chansons aux bons artistes). J'ai l'impression que je vais exploser rien qu'en pensant à ces chansons. Comment expliquer de telles choses? Les gens qui aiment Jim Jones Revue éprouvent-ils le même sentiment? S'ennuient-ils en écoutant Pains of Being Pure At Heart comme je m'ennuie ferme en entendant ce showman grand-guignolesque prendre sa gratte et gueuler devant son parterre de petits hussards? Les mystères de la vie, de l'altérité, des goûts...

jeudi 14 janvier 2010

Jay Reatard mort? Mauvaise blague?


Ce doit être une plaisanterie... A la veille d'un succès peut-être planétaire (dont il n'aurait sans doute rien eu à foutre), à la veille surtout d'enchanter la jeunesse en mal de bonnes guitares...
Cela fait bien 8 ans que Pete Doherty et Anton Newcombe sont à l'agonie. La presse s'amuse. Les destins fabriqués à l'avance par la mythologie rock'n'roll fascinent le public. Les gens voudraient bien qu'on aille au casse-pipe, pensait Jeff Buckley. C'est vrai, le rock est malsain jusqu'au bout, il concentre tellement de frustrations cachées et inavouables. Dans le fond, même la mort de Jay Reatard, si ça se trouve, aura l'avantage de faire parler du rock et sous couvert d'être affecté certains s'en trouveront excités quand même - de fait, l'écriture de cet article, un peu prématurée, qui est certes un hommage, mais aussi, comme pour un papparazzi de la critique rock, un scoop, me parait presque saugrenue et j'hésite à en retarder la parution par simple décence.
Parce que, tout de même, il s'agit d'une vraie mort et, sur le coup, c'est moins romantique. Surtout concernant un gars qui, tout en ayant mené une courte vie de patachon, n'était absolument pas de ceux qui esthétisent la mort ou avec qui on peut se permettre de le faire.
Evidemment, de notre point de vue d'auditeur, ce n'est pas le décès de l'homme qui importe. C'est ce goût d'inachevé qu'il laisse. Cette impression de voir une histoire se finir en queue de poisson alors qu'on ne la pensait qu'à ses débuts, en particulier quand on vient de découvrir ces albums cette année. Jackson, Bashung, Mano Solo, ce n'est pas la même affaire. Eux avaient (presque) tout dit. Les admirateurs sont déçus, oui, pour ne pas dire tristes, mais d'un point de vue supérieur, qu'est-ce qu'un nouveau concert de Jackson aurait pu changer à l'histoire de la musique? C'est dommage pour celui qui en rêvait, mais la pop ne change pas son cours. Avec Jay Reatard, une perspective se bouscule. Même si les vrais punks n'attendaient rien d'autre de lui qu'une suite d'albums comme il savait déjà les faire, c'est-à-dire une résistance indécrottable au changement et à la diversité, d'autres, comme nous peut-être, pressentaient le coup d'éclat. Il faut dire que sa popularité montait en flèche, par exemple en France où son passage à Rennes avait été remarqué. Petit à petit, après quelques années d'un punk-rock sans fioriture ni prise de tête, Jay Reatard avait les cartes en main pour attirer le vaste monde et redonner un sens populaire - et plus seulement underground - à un rock qui soignait un peu trop sa frange et se souciait plus de godasses que de guitare.
J'aime bien Jack White ou les Yeah Yeah Yeahs, mais vous connaissez l'histoire: on commence dans le ghetto (pauvre ou riche) et on finit par faire la promotion de Calvin Klein ou à se dandiner sur les plateaux télé. Il n'y a que les éternels naïfs pour s'en étonner toujours, refaisant à chaque fois le coup de la désillusion, pourtant programmée dès l'apparition d'un embryon de rockeur dans le ventre de sa mère. L'implacable destin du rock est, tel l'enfant prodigue, de rentrer au bercail. Rechapant au destin d'entertaineur, qu'il n'aurait sans doute pas honoré de façon conventionnelle, Jay Reatard a malheureusement fait pire: il a avorté du rock. Toute proportion gardée c'est un peu comme si Franck Black avait crevé avant Doolittle. C'est un pressentiment que plus rien ne pourra confirmer, mais je crois que ce décès est réellement marquant, dans le sens d'une rupture. Maintenant, le bonhomme a eu la bonne idée d'être prolifique. A lui seul, sans compter les groupes - nombreux - dans lesquels il a joué, il aura sorti pas moins de quatre disques, car il faut compter les compilations de single - remplies à ras bord. Watch Me Fall, son dernier, n'était pas le meilleur mais il présentait quelques signes distinctifs inattendus de la part de ses fans puristes. Ainsi, le disque se clôt sur une ballade, there is no sun, où pour la première et dernière fois de sa vie, il fait la surprise d'ajouter du violon. De là à dire que c'était son requiem...

mardi 12 janvier 2010

On enfile les baskets!


La sortie imminente d'un nouveau disque des Good Shoes, mine de rien, cela vous refile un petit frisson de plaisir anticipé. Vous sentez que l'attente elle-même est une joie, que le disque une fois en mains, c'est la perspective d'une bonne journée qui s'annonce. Bref, c'est un horizon d'attente minuscule, qui permet de faire passer les jours avec moins d'amertume, voire même de garder le sourire aux lèvres (comme une fille à qui on propose de faire les galeries marchandes somme toute). Si la somme de ces plaisirs futiles constituaient le bonheur, à défaut d'être parfait, je serais néanmoins preneur. Léger matérialisme, nuancé toutefois d'une pointe d'émotion vraie - mais pas trop quand même car on n'attend pas des Good Shoes qu'ils nous convertissent à une nouvelle religion, ni même qu'ils cultivent en nous de nobles sentiments comme l'indifférence à la mort, chose que seuls peuvent les grands groupes.
Alors certes, il y a plus important, mais quand l'important ne se manifeste pas, il reste un disque des Good Shoes. C'est encore mieux qu'un diabolo grenadine et à peu près aussi sucré. En fait, il y en a d'autres des plaisirs du même ordre. La sortie de Teen Dreams, de Beach House, avec leur single avant-coureur, déroutant à la première écoute mais vite aguichant et même - comme on dit sur la blogosphère - addictif (un mot que le dico ne reconnaissait pas il y a quelques années, avant internet - tirez-en les conclusions que vous voudrez).
Mais Teen Dreams c'est une autre affaire. Quelque chose d'envergure. Il semblerait qu'internet ait contribué à faire mousser la nouvelle de sa parution. Le passage sur un label important comme SubPop a évidemment son effet mais si on considère la densité du chant de Victoria Legrand sur Norway on comprend que le groupe acquiert du poids. C'est tout simplement une des meilleures chansons du groupe et la première susceptible d'embrasser un large publique.
L'autre sortie attendue, c'est celle du nouveau Brian Jonestown Massacre, qui sera sans doute en dents de scie, comme d'habitude. Mais ce qui compte, c'est que ma place de concert est réservée pour le 28 avril, comme celle de Beach House (18 février) et celle de Girls (16 mars). Rendez-vous est pris.

Je vous épargne l'atroce vidéo du nouveau single des Good Shoes:

the way my heart beats

samedi 9 janvier 2010

Pourquoi je deviens (un peu plus) anglais ...

L'Angleterre subit souvent mon clavier assassin, pourtant la musique que j'aime s'abreuve à cette source, ouvertement ou pas. Il ne faut pas oublier que pour un Pavement et des Pixies, l'Angleterre avait Jesus & Mary Chain et Spacemen 3/Spiritualized. Mais les origines ne signifient rien. Les déplacements migratoires emmènent notre cœur ailleurs et aujourd'hui, à quelques savoureuses exceptions près, comme ces Camera Obscura gentiment twee-pop, la musique anglaise me semble un peu en recul.
Petit test: quelle est la dernière sensation rock'n'roll outre-manche? Jim Jones Revue. Pendant que des jeunes gens talentueux pratiquent un rock moderne de l'autre coté de l'Atlantique, entendons par là un rock dont le caractère revivaliste ne s'étend pas au-delà des années 80 - il faut en effet être prudent avec l'adjectif "moderne" -, pendant que the War On Drugs et Kurt Vile rafraichissent l'indie-rock, que Jay Reatard ou les Vivian Girls font crapahuter le punk-rock, que Girls ré-enchante San Francisco, que Pains Of Being Pure At Heart, aussi gnan-gnan qu'ils soient, invitent la pop eighties dans les débats, pendant ce temps donc, Jim Jones Revue, grand groupe anglais du moment, joue tout bêtement du rock'n'roll, estampillé années 50, sans aucun complexe, sans chercher à produire l'illusion de la nouveauté (c'est tellement plus facile d'être sincère). Les compos originales sonnent comme des reprises standard, mais ça rend les nostalgiques heureux, ceux-là même qui ressuscitent le Petit Nicolas et qui, la prochaine fois, passeront aux hussards de la République (pour les écrivains, ils nous gavent déjà avec). En attendant le rock Empire, voici la queue de la comète du revival 00', le foirage du rock. Gros bug en 2010. Ne nous étonnons pas: le retour des années 60/70 ayant préparé le terrain, il ne reste plus au mouvement conservateur qui rampait souterrainement qu'à profiter de la disposition des esprits à écouter du vintage pour assouvir son fantasme absolu: ressusciter Elvis Presley et Chuck Berry. Mazette! C'est Sarkosy voulant ressusciter Yves Mourousi. Pendant ce temps, il y a des choses qui avancent, doucement peut-être, sans révolution, mais sous prétexte que, d'une façon ou d'une autre elles aussi sont revivalistes (comment créer sans imiter?) on porte la mauvaise foi, dans certains milieux, jusqu'à ignorer leur saveur nouvelle, leur discrète originalité ou fraîcheur et faire croire que le monde appartient au rock'n'roll des origines.

Mais brisons-là, je ne suis pas exempt de mauvaise foi: l'Angleterre, c'est aussi Jamie T, Xx et Micachu, Last Shadow Puppets, etc. Il y a du bon et surtout du moins bon, beaucoup de variété, peu de lignes directrices. Preuve que la Grande Bretagne se cherche un peu en ce moment.
Pourtant, avant d'avoir cette démarche étrangement bancale, l'Angleterre était la patrie d'un brit-rock assez homogène: Libertines, Rakes, Arctic Monkeys, Art Brut, Futureheads, Cribs et... les Coral, les extra-ordinaires Coral. Ce fantastique groupe dont le talent ne m'était pas apparu clairement sur les deux disques que je possédais d'eux: Magic and Medicine et Nightfreak and the Sons of Becker - qui m'avaient séduit sans passion .
Le premier révélait des instrumentistes brillants, un artisanat très maîtrisé de la composition mais aussi une certaine froideur. Le second, brouillon psychédélique sympathique, était un peu limité et bourre-pif. Il faudra pourtant songer à les réécouter attentivement car la collection de singles qu'ils ont sortie en 2008 a remis les pendules à l'heure. The Coral n'est pas seulement un bon groupe respectable, dans l'ombre des Libertines ou des Arctic Monkeys, un descendant honnête mais trop appliqué des Pale Fountains et de Shack, non, c'est un immense groupe qui dépasse d'une tête ses références, Oasis compris. Je ne suis pas le seul à avoir ignoré leur génie de la mélodie pop, plusieurs de mes connaissances ont entretenu avec le groupe un rapport de curiosité polie et distanciée. Avions-nous les oreilles bouchées? Il est vrai que Single Collection n'est pas un disque de fan, mais un disque universel. Entendons par là qu'on peut trouver des longueurs à l'ensemble de leurs discographie tout en se gorgeant du cocktail de guitares et de mélodies proposées ici. Dreamin' of you et Who's gonna find m'avaient toujours semblé fantastiques, mais je découvre enfin In the Morning, Pass It On ou l'indépassable Put the Sun Back, la chanson en or, celle que n'importe quel guitariste voudrait avoir composée. Dur travail pour les apprentis, car pendant 3 minutes l'auditeur médusé, au bord des larmes, a droit à la perfection pop et un niveau d'émotion contenue qui laisse rêveur. C'est en écoutant une chanson comme celle-là que la vie sans musique me parait d'un coup une aberration.

vendredi 1 janvier 2010

2000-2009 vues par les visiteurs

Les bons comptes font les bons amis, il s'agissait cette fois de ne pas oublier le récapitulatif du sondage avant son effacement total. Les entrées possibles étaient limitées à 112 artistes/groupes, plus une catégorie fourre-tout sobrement intitulée "autres" qui, sur 22 votants, n'a reçu que 9 adhésions. Je pensais pourtant qu'on avait tous au minimum un groupe hors liste. Car rien ne saurait être exhaustif, d'autant que certains choix ont pu semblé saugrenus. Ainsi, on trouvait bien les débutants undeground de Waaves, les méconnus Jenny Lewis et Richmond Fontaine, les Matchbox B-Line Disaster, mais point d'Andrew Bird ou de M.Ward, pas de Rakes ni de Gossip, pas de Jamie T ni de Goldfrapp... Cela fait partie des erreurs dommageables. Les nouveaux de Pains of Being Pure At Heart étaient également ignorés alors qu'ils semblent partis pour durer. Mais il faut laisser de la place pour la décennie inaugurée aujourd'hui. Un certain nombre de groupes ont encore tout à donner et ne peuvent pas marquer une décennie trois mois avant sa fin. Je parlerai plus loin de ces gens prometteurs en qui je place beaucoup d'espoir. Pour l'heure, je reviens sur le choix des votants.

Tout d'abord, il faut remarquer qu'il y a de grands perdants: zéro voix pour Adam Green et les Moldy Peaches, zéro pour the Streets, idem pour Kanye West et Boards of Canada. Pour le rap et l'électro, ce n'est pas étonnant: c'est la ligne éditoriale du blog et les lecteurs qu'elle attire qui explique ce phénomène. C'est plus surprenant pour les Moldy Peaches, quand même auteurs d'un album fameux et plébiscité par le public. Surprenante également la déréliction de Richard Hawley, l'une des rares grandes voix de la musique "pop", si ce mot n'est pas inconvenant pour un crooner si distingué.
Pour le reste, des groupes secondaires se partagent le néant des votes: Brendan Benson, les Cribs, Edward Sharpe, El Pero Del Mar, Felice Brothers, Hot Hot Heat, Matchbox B-Line Disaster, Ray Lamontagne, Super Furry Animals, Waaves et !!!

Ne sont pas garnis non plus, avec seulement une voix, les groupes suivants:
At the Drive-In, Björk, Comets On Fire, Datsuns, Deerhoof, Doves, Electric Soft Parade, Fiery Furnaces, Handsome Family, Handsome Furs, Lcd Soundsystem, My Morning Jacket, Radio Moscow, Raveonettes et Silver Mount Zion.

Compte tenu des visiteurs habituels du site, rares mais sans doute fidèles à une certaine famille musicale, je m'étonne que le score de My Morning Jacket soit si faible...

2 voix: BRMC, Bright Eyes, Drive-By Truckers, Editors, Elbow, GYBE!, Gorillaz, Hold Steady, Horrors, Iron and Wine, Jenny Lewis, Killers, Magnetic Fields, Rufus Wainwright, Jay Reatard, Kasabian.

Je signale que j'ai voté (entre autres) pour Jay Reatard et que j'attendais d'ailleurs plus de points pour ce bonhomme prolifique qui donne un bon coup de po(m)p(e) au punk-rock. En écoutant son dernier disque, j'ai souvent pensé aux nineties (dont l'activité, interrompue par une décennie de rock NME, semble reprendre un train d'enfer outre Atlantique) et aux Pixies. C'était un petit nota bene.

3 voix: Amy Winhouse, Beach House, CYHSY, Coldplay, Deerhunter, Hot Chip, Jeffrey Lewis, Jesse Sykes, Mars Volta, Richmond Fontaine, Ryan Bingham, Vines, Warlocks, Yeah Yeah Yeahs.

Le score relativement faible d'Amy Winehouse est surprenant, mais encore une fois l'orientation du blog en donne la raison.

4 voix: Band of Horses, Beirut, Black Angels, Black Keys, Black Angels, Calexico, Dandy Warhols, Devendra Banhart, Flaming Lips, Girls, Joanna Newsom, Kings Of Leon, Muse, Raconteurs, Shins, Smog/Bill Callahan, Tv On the Radio.

4 voix sur 22, cela devient une minorité qui compte. Pas de surprises de ce coté là. Bill Callahan a reçu des éloges cette année, l'effet se répercute sur le vote. Un magazine anglais l'a positionné second de l'année. C'est trop, sans doute, même si cela fait plaisir de voir les têtes changer.

5 voix: Alela Diane, Brian Jonestown Massacre, Coral, Electrelane, Elvis Perkins, Fleet Foxes, Grizzly Bear, Herman Dune, Libertines, National, Queens of the Stone Age, Vampire Weekend.

Les compteurs se sont emballés tout de suite pour les Libertines, puis, inexplicablement, cela s'est arrêté. On peut dire que le nombre de voix ne rend pas compte de leur influence énorme sur le brit-rock des dernières années et plus généralement sur notre paysage musical. Je me félicite qu'il y ait quand même 5 voix pour le BJM - j'y suis bien sûr pour quelque chose - et pour the Coral, décidément un des meilleurs groupes au monde, leur récente compilation de singles prouvant leur maîtrise absolue de la composition pop. Je m'aperçois aussi que Vampire Weekend était plus qu'un coup de chaud éphémère de la part bloggeurs. Le groupe est bien placé dans tous les classements, parfois dans les 20 premiers.

6 voix: Animal Collective, Antony and the Johnsons, Babyshambles, Interpol, Kings of Convenience, Modest Mouse, Okkervil River.

Evidemment, les résultats se resserrent. Peu de groupes ont atteint le seuil des 6 voix. Babyshambles triomphe des Libertines. Ce qui révèle la primauté de Pete Doherty sur ses compères? Que sont Modest Mouse et Okkervil River? J'ai mis ces noms sans vraiment les connaître.

7 voix: Cat Power, Kills, Mgmt, Midlake, Strokes, Sufjan Stevens.

Rien d'étonnant si on considère la popularité de ces groupes, mais la victoire des Kills sur les autres têtes de gondole, comme les Libertines, Interpol ou BRCM est inattendue. Mgmt prouve que leur succès n'était pas un feu de paille, même si Oracular reste récent. Midlake a évidemment trouvé du succès sur un blog familier du folk-rock.

8 voix: Arctic Monkeys/Last Shadow Puppets, Belle & Sebastian, Bon Iver, Franz Ferdinand, Grandaddy.

Comme quoi le snobisme n'est pas la plaie de la blogosphère. 8 visiteurs ont aimé les Arctic Monkeys (ce qui était plus que prévisible) et 8 également ont tressé des lauriers à Franz Ferdinand, dont le tube Take Me Out reste, il est vrai, particulièrement attachant. Belle & Sebastian, même si de l'avis général leur grande période date des années 90, a continué à ravir son public avec constance, jusqu'au récent projet collectif de Stuart Murdoch, God Help the Girl. Grandaddy, dont le disque phare, Slophtware Slump, remonte déjà à 2000 n'a pas été oublié en cours de route. Le récent disque de Jason Lyttle a peut-être rappelé au monde l'existence de son groupe. L'outsider, c'est Bon Iver. Encore une fois, la teinture folk-rock du site explique bien des choses.

9 voix:Wilco est le seul groupe à avoir reçu 9 voix. S'approchant de la moyenne, la bande de Jeff Tweedy a incontestablement fait parler d'elle pendant ces dix dernières années, même si son influence, pour être franc, semble se limiter - en France du moins - aux seuls médias et à quelques internautes fans de Neil Young. La question reste: quel album pour Wilco? Si on excepte les deux derniers disques - soft-rock californien un peu plat - chaque livraison a une identité distincte.

10 voix: Radiohead, White Stripes. Ces deux groupes sont donc les premiers à atteindre la moyenne. Aucune surprise, dirais-je. Deux publics différents, un chef de file pour chacun d'eux. Radiohead reste selon moi un groupe des années 90. Mais les fans sont nombreux et résistants. Le groupe de Thom Yorke a fait chemin seul pendant ces dix dernières années, loin du retour du rock, à contre-courant même. Malgré sa popularité Radiohead est un point isolé dans les noughties, alors qu'en 95, ils étaient intégrés à un ensemble fort de groupes brit-rock (qu'ils dépassaient sans problème). Les White Stripes, au contraire, étaient isolés à la fin des années 90 et se sont trouvés subitement au cœur d'un mouvement qu'ils ont contribué, avec les Strokes et les Libertines, à lancer. Passage d'une génération à une autre ou d'un clan à un autre, qu'en sais-je, toujours est-il que le flambeau de l'influence est passé des mains de Radiohead à celles des White Stripes.

Le numéro 1: ARCADE FIRE. 14 voix, seul groupe au dessus de la moyenne. Arcade Fire en 2005 (2004 pour les canadiens) brisait la décennie en 2. Tandis que le rock continuait sur sa lancée avec les Arctic Monkeys, les canadiens d'Arcade Fire inventaient la fanfare indie-pop, avec instruments de goguette, comme l'accordéon, et déchainaient ainsi la passion d'un autre public. Le deuxième album, moins bon, n'a pourtant pas atténué leur succès et la fidélité des fans ne s'est pas démentie.
Quel avenir pour ce groupe que d'aucuns voyaient en Pixies des noughties? De mon point de vue, la comparaison est impropre. Si les Pixies pouvaient avoir un rejeton, il s'appellerait plutôt Jay Reatard. Arcade Fire est surtout un groupe qui exalte la tristesse jusqu'à la transformer en une sorte de liesse populaire, de gaieté ivre et grandiloquente. Trop d'emphase, même dans la fougue, cache un fond de malheur. C'est cette grandiloquence qui peut indisposer plus d'un estomac sensible et qui a fini par me lasser d'eux.

On l'aura deviné mon top personnel est différent. Pour information, j'ai voté pour les groupes/artistes suivants:

Antony and the Johnsons (pour l'album I'm a Bird Now), Beach House, Belle & Sebastian, the Black Angels (en raison d'un premier disque, Passover, qui m'avait fait très forte impression), the Brian Jonestown Massacre, the Coral, Elvis Perkins, Girls, Ryan Bingham (parce que Mescalito est le disque d'americana parfait), the Warlocks, the White Stripes (à cause d'Elephant, que j'ai découvert à sa sortie) et Wilco parce que A ghost is Born (qui sera bientôt chroniqué) a marqué un tournant dans mon approche de la musique.

Pourtant, certains des groupes qui m'ont plu ne figurent pas dans cette liste, notamment à cause de leur manque de popularité, parfois parce qu'ils n'en sont qu'à leurs balbutiements et qu'en dépit d'une première réussite, ils forment surtout les espoirs des années à venir:
les Moondoggies, les Ponys et Kurt Vile sont les trois absents pour lesquels je me serais fait un plaisir de voter.

Si on me demande à quoi je voudrais voir ressembler l'avenir de la musique indé, je répondrais: Jay Reatard, Girls et surtout Kurt Vile. Je suis persuadé que ce type va bouleverser les habitudes des auditeurs. Les paris sont ouverts.

Que dire des tops proposés par la presse spécialisée? Il y a des choses attendues. Pas un top sans les White Stripes, Arcade Fire, les Libertines, les Strokes, Radiohead ou les Arctic Monkeys. On retrouve souvent Vampire Weekend, Fleet Foxes, Amy Winehouse, qui s'est d'ailleurs payée une première place dans le mag Q, the Streets et Wilco. Certains groupes alternent: une fois c'est Kasabian, l'autre Interpol, BRMC, Lcd Soundsystem, etc. Les Kills, malgré leur popularité, sont rarement cités. La mauvaise nouvelle, c'est qu'en dehors du NME, on oublie systématiquement Pj Harvey et Spiritualized. Toutefois, le magazine Uncut, il faut leur rendre cette grâce, a très bien positionné Pj Harvey. Ce même magazine s'est montré innovant en décentrant l'attention des anglais: Felice Brothers, Drive-By Truckers... Nulle trace de Jay Reatard dans ces tops. Il faut croire que malgré deux albums et des collections de single pétaradantes, l'américain est encore trop peu connu, ou trop peu influent. Plus étrange encore: malgré leur succès, les Dandy Warhols ne sont jamais retenus. Ils avaient pourtant deux disques populaires à leur actif: 13 Tales of Urban Bohemia et Welcome to the Monkey House. Que leur est-il arrivé en cours de route? Comment expliquer cette désaffection des médias, alors que le public ne les a pas lâchés? Mystère, mais le climat en Angleterre est bien sûr défavorable à ce type de musique psyché, en tout cas en ce moment. On verra l'allure des tops dans dix ans...

Sur ce, je continue ma rétrospective des noughties en publiant régulièrement des articles sur les albums qui m'ont personnellement marqué et/ou que je juge particulièrement intéressants. Pour l'heure, 120 Days, Jack the Ripper, les Fiery Furnaces, The Magnetic Fields et bientôt Wilco sont les premiers à avoir bénéficié de ce traitement de faveur. Suivront une bonne trentaine d'albums. Je vous laisse deviner lesquels.