La chanson de la semaine

jeudi 14 janvier 2010

Jay Reatard mort? Mauvaise blague?


Ce doit être une plaisanterie... A la veille d'un succès peut-être planétaire (dont il n'aurait sans doute rien eu à foutre), à la veille surtout d'enchanter la jeunesse en mal de bonnes guitares...
Cela fait bien 8 ans que Pete Doherty et Anton Newcombe sont à l'agonie. La presse s'amuse. Les destins fabriqués à l'avance par la mythologie rock'n'roll fascinent le public. Les gens voudraient bien qu'on aille au casse-pipe, pensait Jeff Buckley. C'est vrai, le rock est malsain jusqu'au bout, il concentre tellement de frustrations cachées et inavouables. Dans le fond, même la mort de Jay Reatard, si ça se trouve, aura l'avantage de faire parler du rock et sous couvert d'être affecté certains s'en trouveront excités quand même - de fait, l'écriture de cet article, un peu prématurée, qui est certes un hommage, mais aussi, comme pour un papparazzi de la critique rock, un scoop, me parait presque saugrenue et j'hésite à en retarder la parution par simple décence.
Parce que, tout de même, il s'agit d'une vraie mort et, sur le coup, c'est moins romantique. Surtout concernant un gars qui, tout en ayant mené une courte vie de patachon, n'était absolument pas de ceux qui esthétisent la mort ou avec qui on peut se permettre de le faire.
Evidemment, de notre point de vue d'auditeur, ce n'est pas le décès de l'homme qui importe. C'est ce goût d'inachevé qu'il laisse. Cette impression de voir une histoire se finir en queue de poisson alors qu'on ne la pensait qu'à ses débuts, en particulier quand on vient de découvrir ces albums cette année. Jackson, Bashung, Mano Solo, ce n'est pas la même affaire. Eux avaient (presque) tout dit. Les admirateurs sont déçus, oui, pour ne pas dire tristes, mais d'un point de vue supérieur, qu'est-ce qu'un nouveau concert de Jackson aurait pu changer à l'histoire de la musique? C'est dommage pour celui qui en rêvait, mais la pop ne change pas son cours. Avec Jay Reatard, une perspective se bouscule. Même si les vrais punks n'attendaient rien d'autre de lui qu'une suite d'albums comme il savait déjà les faire, c'est-à-dire une résistance indécrottable au changement et à la diversité, d'autres, comme nous peut-être, pressentaient le coup d'éclat. Il faut dire que sa popularité montait en flèche, par exemple en France où son passage à Rennes avait été remarqué. Petit à petit, après quelques années d'un punk-rock sans fioriture ni prise de tête, Jay Reatard avait les cartes en main pour attirer le vaste monde et redonner un sens populaire - et plus seulement underground - à un rock qui soignait un peu trop sa frange et se souciait plus de godasses que de guitare.
J'aime bien Jack White ou les Yeah Yeah Yeahs, mais vous connaissez l'histoire: on commence dans le ghetto (pauvre ou riche) et on finit par faire la promotion de Calvin Klein ou à se dandiner sur les plateaux télé. Il n'y a que les éternels naïfs pour s'en étonner toujours, refaisant à chaque fois le coup de la désillusion, pourtant programmée dès l'apparition d'un embryon de rockeur dans le ventre de sa mère. L'implacable destin du rock est, tel l'enfant prodigue, de rentrer au bercail. Rechapant au destin d'entertaineur, qu'il n'aurait sans doute pas honoré de façon conventionnelle, Jay Reatard a malheureusement fait pire: il a avorté du rock. Toute proportion gardée c'est un peu comme si Franck Black avait crevé avant Doolittle. C'est un pressentiment que plus rien ne pourra confirmer, mais je crois que ce décès est réellement marquant, dans le sens d'une rupture. Maintenant, le bonhomme a eu la bonne idée d'être prolifique. A lui seul, sans compter les groupes - nombreux - dans lesquels il a joué, il aura sorti pas moins de quatre disques, car il faut compter les compilations de single - remplies à ras bord. Watch Me Fall, son dernier, n'était pas le meilleur mais il présentait quelques signes distinctifs inattendus de la part de ses fans puristes. Ainsi, le disque se clôt sur une ballade, there is no sun, où pour la première et dernière fois de sa vie, il fait la surprise d'ajouter du violon. De là à dire que c'était son requiem...

2 commentaires:

  1. De loin le meilleur hommage français que j'ai lu sur la mort de Jay Reatard. De plus, c'est E-XAC-TE-MENT ce que je pense : le rock ne me passionnait plus des masses avant de découvrir Blood Visions, il y a 6 mois. Depuis ce temps là, j'attendais énormément de Jay Reatard.
    Ce n'était pas que de la tristesse quand j'ai appris sa mort, mais surtout une frustration accablante. Depuis j'ai envie de crier sur tous les toits : écoutez ce mec et oubliez ces coups de marketing à la Dead Weather bordel.
    "There is no sun" EST son requiem.
    Merci pour cet hommage

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  2. Le public a souvent un wagon de retard, on ne peut pas lui en vouloir. Comment découvre-t-on de la musique aujourd'hui, quand on cherche pas plus loin que le bout de son nez? Il y a les journaux bien sûr, mais surtout - on ne le dit pas assez - les choix des publicistes à la télé et enfin, les B.O. Les Pixies doivent leur notoriété à Fight Club. Alors, pour Jay Reatard, faudra attendre.

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