L'Angleterre subit souvent mon clavier assassin, pourtant la musique que j'aime s'abreuve à cette source, ouvertement ou pas. Il ne faut pas oublier que pour un Pavement et des Pixies, l'Angleterre avait Jesus & Mary Chain et Spacemen 3/Spiritualized. Mais les origines ne signifient rien. Les déplacements migratoires emmènent notre cœur ailleurs et aujourd'hui, à quelques savoureuses exceptions près, comme ces Camera Obscura gentiment twee-pop, la musique anglaise me semble un peu en recul.
Petit test: quelle est la dernière sensation rock'n'roll outre-manche? Jim Jones Revue. Pendant que des jeunes gens talentueux pratiquent un rock moderne de l'autre coté de l'Atlantique, entendons par là un rock dont le caractère revivaliste ne s'étend pas au-delà des années 80 - il faut en effet être prudent avec l'adjectif "moderne" -, pendant que the War On Drugs et Kurt Vile rafraichissent l'indie-rock, que Jay Reatard ou les Vivian Girls font crapahuter le punk-rock, que Girls ré-enchante San Francisco, que Pains Of Being Pure At Heart, aussi gnan-gnan qu'ils soient, invitent la pop eighties dans les débats, pendant ce temps donc, Jim Jones Revue, grand groupe anglais du moment, joue tout bêtement du rock'n'roll, estampillé années 50, sans aucun complexe, sans chercher à produire l'illusion de la nouveauté (c'est tellement plus facile d'être sincère). Les compos originales sonnent comme des reprises standard, mais ça rend les nostalgiques heureux, ceux-là même qui ressuscitent le Petit Nicolas et qui, la prochaine fois, passeront aux hussards de la République (pour les écrivains, ils nous gavent déjà avec). En attendant le rock Empire, voici la queue de la comète du revival 00', le foirage du rock. Gros bug en 2010. Ne nous étonnons pas: le retour des années 60/70 ayant préparé le terrain, il ne reste plus au mouvement conservateur qui rampait souterrainement qu'à profiter de la disposition des esprits à écouter du vintage pour assouvir son fantasme absolu: ressusciter Elvis Presley et Chuck Berry. Mazette! C'est Sarkosy voulant ressusciter Yves Mourousi. Pendant ce temps, il y a des choses qui avancent, doucement peut-être, sans révolution, mais sous prétexte que, d'une façon ou d'une autre elles aussi sont revivalistes (comment créer sans imiter?) on porte la mauvaise foi, dans certains milieux, jusqu'à ignorer leur saveur nouvelle, leur discrète originalité ou fraîcheur et faire croire que le monde appartient au rock'n'roll des origines.
Mais brisons-là, je ne suis pas exempt de mauvaise foi: l'Angleterre, c'est aussi Jamie T, Xx et Micachu, Last Shadow Puppets, etc. Il y a du bon et surtout du moins bon, beaucoup de variété, peu de lignes directrices. Preuve que la Grande Bretagne se cherche un peu en ce moment.
Pourtant, avant d'avoir cette démarche étrangement bancale, l'Angleterre était la patrie d'un brit-rock assez homogène: Libertines, Rakes, Arctic Monkeys, Art Brut, Futureheads, Cribs et... les Coral, les extra-ordinaires Coral. Ce fantastique groupe dont le talent ne m'était pas apparu clairement sur les deux disques que je possédais d'eux: Magic and Medicine et Nightfreak and the Sons of Becker - qui m'avaient séduit sans passion .
Le premier révélait des instrumentistes brillants, un artisanat très maîtrisé de la composition mais aussi une certaine froideur. Le second, brouillon psychédélique sympathique, était un peu limité et bourre-pif. Il faudra pourtant songer à les réécouter attentivement car la collection de singles qu'ils ont sortie en 2008 a remis les pendules à l'heure. The Coral n'est pas seulement un bon groupe respectable, dans l'ombre des Libertines ou des Arctic Monkeys, un descendant honnête mais trop appliqué des Pale Fountains et de Shack, non, c'est un immense groupe qui dépasse d'une tête ses références, Oasis compris. Je ne suis pas le seul à avoir ignoré leur génie de la mélodie pop, plusieurs de mes connaissances ont entretenu avec le groupe un rapport de curiosité polie et distanciée. Avions-nous les oreilles bouchées? Il est vrai que Single Collection n'est pas un disque de fan, mais un disque universel. Entendons par là qu'on peut trouver des longueurs à l'ensemble de leurs discographie tout en se gorgeant du cocktail de guitares et de mélodies proposées ici. Dreamin' of you et Who's gonna find m'avaient toujours semblé fantastiques, mais je découvre enfin In the Morning, Pass It On ou l'indépassable Put the Sun Back, la chanson en or, celle que n'importe quel guitariste voudrait avoir composée. Dur travail pour les apprentis, car pendant 3 minutes l'auditeur médusé, au bord des larmes, a droit à la perfection pop et un niveau d'émotion contenue qui laisse rêveur. C'est en écoutant une chanson comme celle-là que la vie sans musique me parait d'un coup une aberration.
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