La chanson de la semaine

vendredi 19 juin 2009

Country-rap

C'est donc après une longue absence que mes deux fidèles lecteurs (sans compter éventuellement quelques proches) me voient revenir avec pour bagages quelques nouveautés qu'ils connaissent bien sûr déjà. La liste heureusement est longue et les fans de musiques obscures et mésestimées apprécient grandement quand la blogosphère met une double ration là où on faisait vache maigre. Pour commencer, les Felice Brothers, authentique fratrie des Etats-Unis, occupée à perpétuer un certain héritage roots, sudiste et terreux, avec pour point de mire manifeste la voix de Bob Dylan et les élucubrations de Tom Waits. Leur troisième et dernier disque, sorti il y a deux mois, a beau être une incontestable réussite, c'est sur le précédent que mon dévolu s'est jeté. Voici donc une chanson extraite de ce disque. Beaucoup trouvent la qualité de la vidéo déplorable, mais je ne peux pas écouter la chanson sans la regarder. C'est du véritable Do It Yourself, ça n'a vraisemblablement pas couté 50 dollars et c'en est d'autant plus touchant qu'on se dit qu'on pourrait le faire soi-même, avec de la bonne volonté (elle transpire tout au long du morceau). Le chanteur prend la pose, avec ses lunettes noires, mais l'esbroufe ne m'irrite pas, il s'en dégage au contraire une impression de naïveté confondante, de premier degré, d'ingéniosité et presque comme une maladresse tempérée. Le cœur tente de parler, la forme s'y prête.
Plusieurs choses m'ont marqué. Tout d'abord l'intro à l'accordéon, qui laissait présager d'un flonflon désagréable. Sans être un faux démarrage, l'accordéon est un peu trompeur. Le morceau suit en fait une progression classique dont l'efficacité est éprouvée: ça commence doucement, puis un coup de batterie et la machine s'emballe. Quand le chanteur met ses lunettes, au moment où la caisse est frappée, je ressens systématiquement ce frémissement enthousiaste que provoquent les grandes chansons. La guitare électrique arrive immédiatement après, claire, doucement entraînante et comme abondante en lumière, alors qu'un gros plan nous montre la face du chanteur en contre-jour, avec les rayons du soleil qui absorbent son visage. Je trouve ça simplement beau. Il secoue la tête à la manière des rappeurs et entame ensuite un chant assez dylanien, mais tout à fait inattendu puisqu'à plusieurs reprises son phrasé, très rythmique, rappelle la scansion du rap ("don't count the thirty in the glove box buddy"). On peut vraiment voir ça comme un croisement entre deux cultures qui racontent la vie de tous les jours, les souffrances et les peines, des historiettes pleine d'accidents. Du country-rap. Qui y aurait pensé? Enfin, dernier grand moment: le chœur du deuxième couplet, juste avant le refrain. La voix est doublée et à cet instant la chanson atteint un paroxysme ("I hurt him so damn bad I had to hide in Jersey"). Généralement j'arrête la vidéo après cet instant. Le dernier refrain, plus long, est moins intéressant pour moi; ni les sha na na ni les chœurs ne me sont indispensables. En revanche, à chaque fois que je réécoute cette chanson, je m'aperçois que mon regard a changé sur l'accordéon de l'intro. Elle est belle comme elle est, même sans la suite. Maintenant je vous laisse savourer cette vidéo, ou peut-être aurez-vous eu l'intelligence de ne rien lire avant de la visionner.

2 commentaires:

  1. c'est vachement bien, j'avais zappé les Felice Brothers jusque là...

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  2. C'est donc l'occasion de poursuivre les présentations: Run Chicken Run est le meilleur morceau de leur dernier disque. A écouter (si possible dans la version album, car si le groupe est réputé pour ses lives, les vidéos qui circulent sur le net n'en donnent malheureusement qu'un aperçu altéré par les conditions d'enregistrement)

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