
C'est terrible comme 2010 est pauvre. Terrible et rassurant à la fois. Qui voudrait d'une année où chaque semaine signifierait la sortie d'un disque imparable? Qui voudrait voir sa discothèque remplie d'indispensables qu'on n'aurait même plus le temps d'épuiser? Avec l'embarras du choix, le plaisir plein et absolu de la possession d'un disque longtemps convoité cède la place à une façon désordonnée et obsessionnelle de butiner la musique. On se consolera donc ainsi de cette année de disette où le second meilleur disque, à mes yeux, est le plus mauvais album des Coral, où le troisième de la lis
te sera vraisemblablement le solide mais trop banal Soft Pack. Pour le reste, c'est une quasi plaisanterie. L'année commençait pourtant fort bien avec Teen Dream, de Beach House, qui est d'ores et déjà assuré d'être élu meilleur album de l'année par mes soins. Avec une telle réussite, franchement inespérée, quand depuis des années on attendait en vain un grand disque de dream-pop, l'année 2010 restera curieusement dans les annales de ce blog. Mais à ce titre seulement, car en aout aucun signe d'amélioration n'est à signaler. Avec la sortie prévue de Phosphene Dream des Black Angels et d'un nouveau Black Mountain - dont je vous proposerai les premiers extraits - les fans de néo-psychédélisme vont peut-être avoir l'eau à la bouche. Sauf que, malRevenons à janvier: These New Puritans signaient la première cochonnerie high-tech de l'année. Elle fut appréciée par certains pendant quelques mois, le temps qu'il fallait à Mgmt pour sortir l'autre flop de 20
10. Si la sortie du disque vaut qu'on en parle, on ne sait toujours pas si le disque en lui-même vaut qu'on l'écoute. A chaque fois, l'avis oscille entre "bof" et "pas mal!". Depuis, Arcade Fire a pris le relais, mais comme les choses vont vite et que la qualité des disques décroit, les Klaxons sont déjà au taquet, près à relancer l'intérêt des jeunes pour la pop. Hélas, eux aussi ont un petit air de perdants cette année. Bref, les "gros" s'écroulent gentiment et pendant ce temps, les petits tardent au démarrage.Par exemple, j'aurais aimé pouvoir parler plus longuement des Strange Boys ou de Best Coast. Problème: les premiers sont archi-décevants, la deuxième indisponible en France et, pour ce que j'en ai entendu dire, bien en-dessous des allégations flatteuses l'ayant concernée pendant les quelques mois où l'excellent single When I'm With You avait alléc
hé le public. Waaves peut-il laisser espérer quelque chose? A première écoute, les morceaux ont un air de punk-rock collégial. Déjà déclaré nouveau Blink123, Waaves risque de ne pas vraiment nous contenter. Le pire, c'est que les Dum Dum Girls, dans le même registre garage, ne sont pas si bonnes qu'indiquées par la presse. Pas mal, ok, mais dans le genre, je préfère les Vivian Girls.Tout n'est pas fini. Il existe d'autres gros titres. Ariel Pink, par exemple. Oui, tiens, Ariel Pink, le gourou de la scène californienne. Il a signé, il est vrai, quelques morceaux délirants et bien sentis. Mais c'était avant de sortir son nouveau disque. Les moyens mis à sa disposition font mentir les zélateurs qui le voyaient devenir énorme pour peu qu'il s'adjoigne les services d'un vrai studio: pourvu du matériel nécessaire, Ariel Pink sonne tout au plus comme un deuxième Mgmt. Décidément, 2010 ne réussit à personne. Ah si, peut-être! J'oubliais que les amateurs d'electro ont tout le loisir de célébrer Four Tet, auteur d'un album très réussi et souvent captivant. Ce n'est, hélas
, pas ma tasse de thé. Pas plus que les Magnetic Fields, toujours aussi mutins et capricieux. Cette impression d'écouter le manège enchanté, avec une petite distance ironique dans la voix, m'agace assez vite. Dommage, car ils ont écrit, dans leur carrière, de belles petites choses.Dans la catégorie "retour du rock" et ses reliquats, on peut signaler deux efforts louables: Black Rebel Mortocycle Club et les Black Keys. Mais les impressions fortes des premières écoutes trahissent une application d'écolier, dénoncent même un génie factice, comme si ces groupes, devenus professionnels, savaient maintenant quelles ficelles utiliser pour donner l'illusion des "classiques".

On n'en dira pas autant, dans un autre genre, indéfinissable, de Crystal Castles, qui essaie, imparfaitement, de faire des choses. Quoi donc? On ne sait pas bien encore, mais c'est rafraichissant et parfois imprégné d'une violence ravageuse (Doe Deer). Cela dit, ce groupe indique assez clairement la direction que prend le rock à l'aube de la décennie: plus électronique qu'électrique... Ah, vous trouvez ça cool, vous? Il est vrai que beaucoup apprécient Gonjasufi et LCD Soundsystem...
Parlons maintenant des disques insignifiants, médiocres, quelconques, dont je n'ai rien à secouer, malgré d'éventuelles qualités: Broken Bells, Gorillaz, Foals, Gush, Liars, Local Natives (que je vais pourtant voir en concert vu qu'ils passent avec les Coral), Midlake, She and Him, The Black Box Revelation, The Dead Weather, The National, The Tallest Man On Earth, Two Door Cinema Club, Yeasayer... Je serai un peu moins dur avec les Surfer Blood, même s'ils ne cassent pas un aileron aux requins de Floride.
Il est temps de finir sur les oublis de cette rétrospective. Les Drums sont plaisants et leur album est réussi, plus que l'ep sorti en 2009. C'est un des quelques bons points de 2010 avec Fool's Gold. Mais n'exagérons rien, on reste en-deçà du niveau requis pour figurer durablement dans nos cœurs. Scoutt Niblett et Archie Bronson Outfit méritent, dans ce panorama très terne, une petite mention, même si tout le monde ne la leur accorde pas.
J'ignore ce que valent réellement Joanna Newsom et Owen Pallett, car on ne peut pas dire que je me sois fait un devoir de réécouter une deuxième fois leurs chansons. Ce que je peux dire, c'est que la première, sur Ys, devenait pénible au bout des quinze jours durant lesquels, émerveillés par la découverte, l'audace et le sérieux naïf de cette pastorale médiévale, j'avais failli tr
ouver cela génial, un peu par esprit de contradiction, il faut l'avouer, pour en découdre avec ceux qui raillent systématiquement la douceur diaphane et la limpidité sereine du folk. Peu scrupuleux, inconstant comme tous les critiques, j'ai retourné ma veste aussi vite que j'ai senti mon début d'admiration précoce tourner à la lassitude. Ce n'est pas tant parce que j'aurais eu du mal à soutenir Joanna Newsom contre ses détracteurs que parce que moi-même, n'y tenant plus, je ne l'écoutais plus assez pour en penser quoi que ce soit de profond.Je m'aperçois que j'ai omis un disque soi-disant marquant du paragraphe où il aurait eu sa place, preuve s'il en est qu'il passe plus vite inaperçu qu'on ne l'aurait cru. Il s'agit de Vampire Weekend. Ah, que les gros vendeurs se sont trouvés mal cette année! Pas plus qu'Arcade Fire ou Mgmt, Vampire Weekend ne convainc ses propres fans. Alors, ne parlons pas des autres, n'est-ce pas...












