La chanson de la semaine

mercredi 5 janvier 2011

The Go-Betweens

Cela ne se rapporte pas à l'actualité musicale, mais ce n'est pas une raison. Grant McLennan, le pauvre homme, est décédé depuis quelques temps déjà, or le souvenir des Go-Betweens est toujours vivant. Pour ceux qui ont connu, la musique du groupe s'est naturellement inscrite dans leur vie quotidienne, rythmant les saisons et les années, avec cet air de familiarité discrète de ce qui est indispensable tout en passant inaperçu. Chaque hiver, la neige recouvre le sol; chaque mois d'avril, le jardin reprend ses couleurs. On n'y pense pas souvent, mais les Go-Betweens font eux aussi partie du décors.
Apparu dans les années 80, alors que les fleurons de la pop anglaise (the Smiths, Pale Fountains) s'apprêtaient à défier la postérité, les Go-Betweens, en Australie et en avance sur tout le monde, espéraient bien faire un pied de nez à la vague synthétique qui les voyait se faire affubler du nom de péquenots parce qu'ils préféraient Dylan à la new-wave. Ils n'étaient cependant pas les seuls. De nombreuses interview relatent leur relation avec Peter Walsh, de the Apartments, dont on réédite d'ailleurs un disque ces jours-ci. L'australien préféré des blogueurs français, mélancolique et fataliste, enviait à Forster et McLennan leur aptitude à la pop-song d'humeur badine. "Walsh is night, we are day" disaient les Go-Betweens. Comparé à the Apartments, leurs chansons étaient en effet radieuses - un rayon de soleil entrant dans une pièce par une après-midi de printemps. Réécouter Spring Rain, pour s'en convaincre, reste un de ces plaisirs de la vie qui mettent le sourire aux lèvres. Mais la comparaison avec the Apartments creuse une opposition un peu trop simpliste. Les Go-Betweens n'étaient pas qu'un groupe brillant et optimiste. Robert Forster s'est forgé la réputation du ténébreux; il est vrai que sa voix s'y prête bien. McLennan, d'apparence bonhomme, était parfait en contrepoint; c'était un peu le McCartney du groupe, à l'énergie toujours positive. L'alliance entre deux songwriters aux caractères divergents faisait la force du groupe: elle prévenait les égarements, entre la mièvrerie d'un coté et le pessimisme de l'autre. C'est pourquoi, loin de s'opposer de façon caricaturale à the Apartments, la pop des Go-Betweens représentait quelque chose en plus: à coté de morceaux comme Bow Down, on trouvait Love Goes On. C'est ce qui les distinguait surtout de Peter Walsh: lui a creusé un sentiment, que certains apprécient à la folie, eux n'ont jamais obturé la moindre voie, ils ont voyagé d'un registre à l'autre, justifiant le mot, trop souvent galvaudé, de "variété".



Mais ce billet manquerait son objectif si je ne vous faisais pas (re-)découvrir un inédit, You won't find it again, l'une des quelques chansons tristes de McLennan, qui figure désormais sur la réédition de 16 Lovers Lane, mais nulle part ailleurs. D'ailleurs, comme il n'est pas possible d'y accéder librement sur le web, je ne peux que vous renvoyer au disque. A rebours de la production un peu épaisse de l'album, cette chanson, dans son appareil le plus sobre, ne nécessitait que deux guitares et une voix. C'est ce qui la rend aujourd'hui si touchante: on dirait un brouillon spontané et ému, qui aurait été laissé de coté parce qu'il n'avait pas l'envergure de figurer sur un album. Le monde ne sera jamais parfait tant que chaque être humain ne pourra pas prendre une guitare en bandoulière et inventer spontanément une belle ritournelle comme celle-ci au gré de son humeur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire