Hier, en écoutant Caffeinated consciousness, j'ai failli écrire que sur chaque album de Tv On The Radio il y a un morceau qui tue. Puis je me suis rappelé la mort de Gerard Smith et cela m'a dissuadé. Je parlerai plutôt d'un morceau qui retourne votre maison, qui fait sauter les fusibles, danser les fréquences, qui fait sortir l'image de votre radio et met le monde sans dessus dessous. La comparaison, tout compte fait, n'en sera que plus juste.
Faire sortir l'image de la radio. Si je réfléchis au sens d'une vieille interview que donnait le groupe, je crois comprendre la raison pour laquelle il s'est ainsi baptisé Tv On The Radio. Il s'agit une métaphore pour exprimer à propos de la musique son pouvoir d'évocation et de création d'images, comme si la télévision défilait sous vos yeux alors que vous les tenez fermés. Mais je pense aussi que, comme toute métaphore, elle a quelque chose d'étrange et de stupéfiant: à la manière d'un collage elle fait entrer en collision deux réalités différentes et les maintient dans son orbite. Il se trouve que leurs chansons suscitent la même réaction: depuis les débuts du groupe, elles ne laissent pas de sidérer (même si, il faut bien l'avouer, elles ne plaisent pas à tous ni toujours). Du coup, ce nom apparu à l'époque où les noms à rallonge étaient en vogue, comme I Love You But I've Chosen Darkness ou Clap Your Hands Say Yeah!, me semble plus pertinent et moins pompeux que beaucoup d'autres. Il dit exactement ce qu'est la musique kaléidoscopique de Nine Types Of Lights.
La pochette du nouvel album n'est peut-être pas très belle, mais elle aussi est à l'image de leur musique: des éclats de verre coupants, des formes brisées au tranchant acéré. A première écoute, une chanson de Tv On The Radio surprend toujours par sa mise en place rythmique, son coté anguleux et haché. Caffeinated Consciousness, dont vous avez sans doute compris qu'il était le sommet de l'album, prend de cours l'auditeur parce que le riff de guitare - au passage, pour me fendre d'une expression journalistique, le riff le plus massif depuis Reuters de Wire - arrive en décalage et brise le morceau à coups de pilons électriques. Mais l'album regorge de ces moments inattendus.
Considérant cette étrangeté, je me demande qui est le Brian Eno du groupe. Car il y a un peu de lui dans ces constructions musicales anguleuses, ces ambiances fraîches, cette douceur de rosée humide sur Krane Killer. Tv On The Radio est aussi créatif que peut l'être Another Green World.
Certains trouvent pourtant que leur nouvel album rentre dans les rangs. C'est faire trop de crédit aux impressions laissées par un premier effort audacieux mais imparfait, comme peut l'être toute tentative d'esquisser un geste nouveau. Avec leur dernier album, ils touchent au but. Quel intérêt y aurait-il à toujours innover si c'est pour ne jamais exploiter l'innovation? Le but d'une nouveauté n'est-elle pas d'atteindre sa perfection, de se muer doucement mais surement en nouveau classicisme?
Quand j'écoute la mal nommée Second Song, idéalement placée en ouverture d'album, je me rends compte que Tv On The Radio n'est pas loin de réussir cette gageure. L'intelligence du choix du premier morceau en est toujours un signe.
PS: pour une chronique exhaustive qui tienne compte de tous les aspects du disque, il faudrait également dire un mot du film. J'avoue ne pas éprouver le moindre intérêt pour ces choses-là. Le principe a déjà été mis en œuvre par Archie Bronson Outfit et Beach House l'an passé, avec un succès limité, pour rester poli.
Oui je l'aime bien cet album moi aussi. Et je suis complètement d'accord avec toi quand tu dis que sur chaque album il y a un morceau qui tue. Cependant sur cet album aucune chanson ne s'est imposée d'elle même. J'ai cru à "Second Song", "No Future Shock", "Repetition" ou "Caffeinated Consciousness" sans jamais être capable de dire laquelle était vraiment au dessus. C'est pour ça que je reste un peu sur ma faim au final.
RépondreSupprimerOn est d'accord, sur les albums précédents c'était "Wolf Like Me" et "DLZ" ? ^^
C'est marrant, j'ai fait aujourd'hui-même un commentaire sur playlist society qui répond à ta question: "Wolf Like Me, DLZ, Caffeinated Consciousness… la continuité dans le talent."
RépondreSupprimerPour les deux premières, je ne crois pas qu'une personne au monde nous contredise.