Un nouvel album des Kills est nécessairement un bréviaire de la mode et de la pose, une forme de statuaire moderne en même temps qu'un affront à la modestie. VV a toujours pris des allures de femme panthère, avec sa belle chevelure noire ardente et sa voix féline, tandis qu'Hôtel tend à devenir, de plus en plus et sans doute sous l'influence de Kate Moss, un dandy savamment débraillé et ténébreux. Si je me fiais à mon instinct d'austérité et de simplicité, je détournerais le regard devant cette expression, même élégante, de la vanité. Et pourtant, en ces temps de vache maigre, aucun morceau n'a pu me faire l'effet ravageur et roboratif de Future Starts Slow. De nouveau, pendant quelques minutes, une excitation primaire bouillonne en moi, toute contenue. L'objectif d'Hotel est atteint: garder un rythme de métronome qui maintient les sens en alerte sans les contenter, qui ne laisse jamais repu mais toujours en éveil. Pris au dépourvu, je reste fasciné, au sens littéral du terme, comme sous le joug d'un pouvoir supérieur. Les meilleurs œuvres exercent sur nous une sorte de tyrannie, c'est quelque chose que j'ai appris d'un excellent écrivain contemporain et dont on peut faire les frais chaque jour. Au moment où ce sentiment, fugace, disparaît, je m'aperçois de tout ce que les Kills peuvent avoir d'agaçant: la filiation rêvée de Hotel à une certaine anglophilie, snob et décadente, la séduction ostentatoire de VV, objet de convoitise et créature désireuse, cette tension sexuelle voulue qui se fond dans le rabâchage ambiant et monotone du désir dans les médias... Cela n'est pas à mon goût, en principe. Mais les principes et les goûts... A la réflexion, si les Kills me plaisent tant, c'est peut-être en dépit de tout cela, malgré la hype que leur prestance semble attirer et réclamer comme un droit naturel, parce qu'il y a, derrière l'image de mode dont la presse féminine raffole, une deuxième image, plus dure, plus persistante, celle d'une virilité, d'une force brute, écrasante comme le son des guitares (rouleau compresseur, mon style préféré), l'expression d'un instinct insoumis et primaire, d'une violence sourde. L'imagerie rock, chez eux, se substitue inutilement à ce qu'il y a d'inné, de viscéral dans leur approche du son. J'irais jusqu'à dire qu'à force d'afficher l'image de la tension, on en vient à croire qu'elle est surfaite, alors que non, elle est bien là, authentique, oppressive, martiale.
Et puis, je ne le cacherai pas, j'aime ce groupe pour ce qu'il a de typiquement américain. Hotel a beau se se la jouer dandy anglais (Bryan Ferry? Ray Davis? Pete Doherty?), il ressemble plutôt à Johnny Cash ou à Elvis Presley, sans compter un petit air de gangster hérité du cowboy des films de John Ford (un lien de parenté imaginaire avec le doc' Holliday de La Poursuite Infernale).
Pour mieux sentir tout ça, voici une vidéo éloquente, filmée pour la BBC.
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