Vous ai-je déjà dit tout le bien que je pensais de Jack The Ripper? Il est plus que temps, avant que les mémoires ne flanchent, de faire une piqûre de rappel. Qui se souvient en effet de ce groupe français hors du commun et magnifique ? Il vaudrait la réédition pour l'ensemble de sa trop courte œuvre, mais au lieu de cet honneur si commun, l'oubli, le sombre néant, les menace - l'ordure!
Ces rêveurs fin-de-siècle ont pourtant inventé le plus intrigant des paysages fantasmatiques. On pourrait le situer sur la carte entre le Londres criminel de l'éventreur et le Paris populaire de 1900, bien qu'il s'y ajoute encore le charme coquet d'un luxe de faussaire. Dans ce petit théâtre de marionnettes renfermé et unique, ce cabaret imaginaire où valsent des ombres défuntes, ce cirque où s'exhibe la face difforme du monde, Jack The Ripper donne sa folle représentation, titube, chancèle, tient le rythme, mène la danse... Musicalement, c'est Yann Tiersen avec un grain de folie, mais Tom Waits sans le grain de voix. Le chanteur a un organe fluet mais ce qu'il en fait vaut le détour. Son charisme, trouble, est incontestable. Il éclate dans Party In Downtown, à la limite de la rupture psychotique. "Quel est donc ce monde derrière le miroir?" se demande-t-on à l'écoute d'un des seuls disques qui méritent vraiment l'appellation "psychédélique" (= révélateur de l'âme).
Mais surtout, écoutez A Portrait's Gallery. Ecoutez Jean Marrais, dans le rôle de la Bête, terrible, rendre sa sentence inexorable. Ecoutez comme ces paroles, cueillies hors de leur contexte comme une rose du jardin destinée à l'herbier, exhalent une poésie pure; comme elles sont ingénieusement replantées dans le treillage de la musique; et dites-moi si Jack The Ripper ne vaut pas mieux que sa réputation mineure.
I'm Coming (Jack The Ripper)
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