La chanson de la semaine

mardi 31 mars 2009

Western


Ambiance. Isobel Campbell et Mark Lanegan, qu'a priori tout oppose, sont partis tourner leur road movie et nous reviennent avec une B.O. à l'image de la pochette. Pochette délicieusement filmique, qui illustre à merveille le concept de leur collaboration: se la jouer Bonnie & Clide. Ce n'est pas la première fois et les amateurs se souviennent de BALLAD OF THE BROKEN SEAS, pas très vieux, qui jetait déjà de beaux jalons sur les grandes routes américaines. Mais le premier volet avait quelque chose de trop monotone. Isobel Campbell, dont certains (ses fans) regrettent sa faible participation au chant, avait écrit de bonnes chansons - surtout "Deus ibi est" et "the false husband" - mais c'était à la longue trop routinier, timide, et d'une austérité que peu savent apprécier sur le long terme (alors que beaucoup apprécient un disque univoquement dynamique et enjoué). En même temps, c'était prévisible: son rôle au sein de Belle & Sebastien, groupe de pop délicat, suave, doux, svelte mais aussi enlevé et léger, ne pouvait pas masquer ce qu'elle devait à la musique folk anglaise - un timbre très cristallin, un chant éthéré, aérien... C'est très bien, mais cela manquait parfois d'un soupçon de rugosité, voire de personnalité. Cet aspect lisse était mis en valeur sur le disque avec Mark Lanegan dans le but expresse de contraster avec son timbre rocailleux de consommateur d'alcool et/ou de cigarette, et aussi pour donner une réplique très féminine (donc fragile) à la virilité brute du gars. Cela entrait dans le concept, et fonctionnait plutôt bien, d'une manière, disais-je, très cinématographique. Le road movie est une fois de plus à l'honneur et les caractérisants du projet sont identiques: scansion posée et grave pour Mark Lanegan, ténébreux, lourd comme un roc, et mélopées traînantes et sensuelles pour Isobel Campbell. Quelque chose pourtant me semble s'être amélioré. Le premier disque, passée l'introduction, manquait de moments forts, de consistance même, alors que cette fois il y a de vrais lumières. L'enchainement parfait "Who built the road", "Come on over (turn me on)" et "Black burner" permet au duo de frôler de près le grand disque - et de fait, c'est plus qu'un bon disque. Bien sûr, cela semblera toujours référencé (involontairement peut-être) aux connaisseurs. Ils penseront à Lee Hazlewood & Nancy Sinatra (et diront que c'était une tête au-dessus, plus dynamique, plus varié, plus coloré, etc) ou à Nick Cave & Kylie Minogue (pour "Where the wild roses grow"). Personnellement, "The raven" (ou "Deus ibi est" sur le précédent disque) m'évoque le Léonard Cohen de Tower Song. Mais certaines voix vieillissent et le simple fait qu'il puisse y avoir une relève est en soi un phénomène réjouissant. Il faut dire que ni Screeming Trees ni Queens of the Stone Age (les groupes de provenance de Mark Lanegan) ne laissaient augurer d'une musique aussi calme, d'un chant folk contemplatif ou parfois carrément country. C'est pourquoi il ne faut pas regretter qu'Isobel Campbell chante peu (elle assure surtout les refrains ou alors, comme le genre l'exige, elle double les vocaux) car elle fait de son coté ce qui l'occupe sans doute à plein temps : composer des morceaux mélodieux et les arranger avec des cordes somptueuses. C'est en raison de ce travail de fond que ce disque, comme le précédent, reste avant tout référencé à son nom. Et ce sont justement les morceaux les plus arrangés qui ressortent de ce disque doux, trop monotone encore pour les détracteurs, mais incontestablement plus varié que son prédécesseur. Les mauvaises critiques adressés au duo devraient en tout cas s'effacer devant l'impact de "Who built the road", que je recommande particulièrement à tous ceux qui me lisent.

SUNDAY AT DEVIL DIRT
Isobel Campbell & Mark Lanegan
V2, 2009

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire