La chanson de la semaine

samedi 3 octobre 2009

Le vilain pas beau!



Parmi les questions que tout critique se pose un jour dans sa vie, il y a celle-ci, cruciale : pourquoi les Strokes, les Libertines, les White Stripes et pas le Brian Jonestown Massacre? En terme d'influence pourtant il n'y a pas de différence. Anton Newcombe est le mentor de toute une génération de groupes psyché: des Warlocks aux Black Angels, en passant par les Raveonettes, on ne compte plus ceux qu'il a inspirés. Alors, quelle est la cause de sa discrétion dans les médias? Pourquoi la galaxie Libertines n'a-t-elle jamais croisé la galaxie BJM? Pourquoi Peter Doherty d'un côté et Anton Newcombe de l'autre, sans réciprocité? Pourquoi la jeunesse retiendra-t-elle de ses beaux jours What Katie Did et pas Open Heart Surgery?




- On peut avancer plusieurs hypothèses. La première concerne directement les médias: il est de notoriété publique qu'Anton Newcombe n'est pas une personnalité facile. Selon le monde entier, sauf le principal intéressé et ceux qui ne le connaissent ni de vue ni d'ouï dire, ce personnage erratique est devenue une véritable épave droguée et alcoolique, mégalomane notoire doublé d'un paranoïaque agressif, insultant copieusement le moindre chien habillé pour finalement lui adresser des signes d'amitié qui sont presque plus flippant qu'une menace ouverte. L'interviewer suppose donc d'être sur le qui-vive. Du coup, il est médiatiquement flingué.



- L'autre hypothèse, hélas vérifiable, tient à l'inégalité de ses disques. La discographie est abondante mais il vaut mieux se contenter du best-of sorti en 2005 (même si certains grands morceaux n'y figurent pas). Dans ses moments les plus psyché, Anton Newcombe est capable de sortir le grand jeu hippie avec sitar et progressions vaguement hindoues. On comprend mieux la désaffection chez ceux qui n'ont pas écouté les bons morceaux. Néanmoins, il y a tant de choses renversantes dans sa discographie qu'on ne peut pas honnêtement passer à côté de tout.




En vérité, la raison de sa faible popularité vient de sa personnalité elle-même. On ne saura jamais dans quelle mesure le film dig! y est pour quelque chose (même s'il est certain que l'image de Courtney Taylor des Dandy Warhols en a pâti) mais le résultat est là: Anton Newcombe a l'image du sale type. Or, ce n'est pas sexy.


Dans le même ordre d'idée, pourquoi Frank Black ne provoque-t-il pas de crise d'hystérie chez les fans d'Adam Green? Pourquoi Sonic Youth et l'indie-rock US "chemise à carreau" ennuient-t-il les amoureuses de Razorlight? Pourquoi les Cave Singers vont-ils se ramasser? Parce que Frank Black est gros et chauve. Parce que le hardcore n'est pas sensuel. Et le folk est un truc de barbus. Ce n'est plus le conflit entre la jeunesse et la vieillesse qui fait la différence (la popularité des dinosaures punk montre bien que c'est faux), c'est l'érotisme, c'est la séduction.
Regardez les Strokes, les Libertines, Adam Green... Ils sont jeunes, sexys, ont l'air cool et chantent pour plaire aux filles et montrer aux garçons qu'ils ont la classe. D'ailleurs, leurs plus grands fans sont de l'autre sexe, complètement hystériques et qui pire est souvent insupportables (mademoiselle, qui que tu sois, tu es sans doute hors du lot). Ainsi, selon toute vraisemblance, la séduction constituerait le pivot de l'éthique rock'n'roll, cette idéologie stupide qui glorifie la jeunesse, la coolitude, la défonce, la fête et les plaisirs libidineux.


Mais un peu d'individualisme y est bien vu aussi, du moins sous sa forme aristocratique: un bon groupe possède un ou deux chanteurs dotés d'un charisme puissant, attirés par les feux de la rampe comme le papillon par le néon, des grandes gueules dont l'aura se répercute très loin. Anton Newcombe n'est pas loin du compte. Question grande gueule, le type se pose un peu là. Mais il a succombé à l'excès, comme Courtney Taylor, sans toutefois atteindre le même succès: l'un comme l'autre ont forcé le naturel au lieu de se fier à leur aura personnelle. Ils ont viré mégalomanes. Or, le mégalomane est universellement détesté lorsqu'il joue à découvert. La force du séducteur c'est de se faire aimer et non pas de se déclarer supérieur (même si de fait, Anton Newcombe n'est pas orgueilleux sans raison). En rock, la prétention est abhorrée, tandis que l'arrogance morveuse, type écolier rebelle (plus sexy, une fois de plus), entraîne immédiatement l'adhésion et la sympathie (sic). Ainsi, Anton Newcombe n'a jamais soigné son image. Par exemple, il a systématiquement viré ses musiciens (à l'exception d'un fidèle je crois), de sorte que le BJM n'est pas un groupe, mais un collectif à géométrie variable, ce qui empêche de se familiariser avec une petite bande (comme les Beatles) et entretient une image asociale peu ragoutante pour le fan de rock (qui, en général, révère l'amitié). Evidemment des types comme les Gallagher, Lou Reed ou Doherty ne sont pas non plus des modèles d'amitié. Mais ils ont d'autres atouts pour sauver leur image. Et les Arctic Monkeys, eux, plaisent parce qu'ils donnent l'apparence d'une bonne bande de potes.


Mais avec tout cela on ne parle pas musique, me direz-vous. Bin non. C'est du rock. Comme le disait Daniel Darc, si vous voulez de la musique, écoutez Coltrane; le rock c'est l'attitude qu'on a quand on sort dans la rue. C'est un état d'esprit nous martèle rock'n'folk. Et c'est vrai. Une image, en fait.
De ce point de vue, Newcombe a tout faux. Mais pour les quelques uns qui sont sortis du lycée, pour les martiens qui, comme moi, n'écoutent que la voix et la guitare, alors n'hésitez plus: Tepid Peppermint in Wonderland (la rétrospective) est un des objets les plus sidérants du monde moderne. Au diable le rock, le sexe et la drogue dans laquelle Newcombe a fourré son nez, faîtes juste tourner le disque!

2 commentaires:

  1. J'aprouve tout ça! C'est juste incroyable le nombre de petits qu'on fait le BJM. Y'a le BRMC qui compte parmi eux, et c'est mon groupe actuel favori (avec Radio Moscow), le BJM a remis le psychédélisme à l'ordre du jour, c'est un peu le Grateful Dead des années 90 au niveau de l'influence.

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  2. Le BJM est d'ailleurs crédité dans les remerciements de leur premier disque. Sinon, il faudrait que j'écoute le Dead. Qu'on compare les Moondoggies au Grateful Dead des débuts constitue déjà une raison suffisante pour moi mais en plus Jeffrey Lewis, qui a le bon goût d'aimer Yo La Tengo, est un dreadhead. Tout se cumule. Alors si maintenant tu y mets du BJM...

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