La chanson de la semaine

samedi 14 août 2010

Le retour du rock: naissance, vie et fin

2000

13 Tales of Urban Bohemia - The Dandy Warhols

Ce n'est pas mon album préféré de l'an 2000. Pj Harvey a sorti cette année-là un disque autrement plus marquant et foncièrement rock, porté par les singles "Good fortune" et "This is love". Mais elle est hors-sujet, tandis que les Dandy Warhols donnaient avec Get Off ou Bohemian Like You un avant-goût stonien de retour du rock à l'ancienne.



2001

Is This It? - The Strokes

Le choix s'opère sans hésiter. Pas absolument génial, ce disque s'écoute toujours fort bien aujourd'hui parce qu'il est resté chatoyant. Même si la production parait vieillie, même si la voix est faiblarde, Is This It propose des mélodies qui ont une couleur chaude, une rondeur agréable. Il y a une recette Strokes. Ecoutez American Girl de Tom Petty pour vous en convaincre.

2002

The Coral - The Coral

Le problème du rock est qu'il se consomme chaud ou pas du tout. Je n'ai jamais écouté les Libertines. On les découvre de suite ou on s'en contrefout éternellement. Moi, je m'en contrefous. Les Coral, en revanche, bien que découverts sur le tard, me sont indispensables. Je ne sors pas sans un morceau des Coral. Ils sont si brillants sur cet album, proposent tant de saveurs, d'inventions, de surprises, que j'en ai fait mes favoris, toutes époques confondues. Un album de dingue.



Turn On the Bright Lights
- Interpol

Les suiveurs de Joy Division m'ennuyaient déjà quand j'étais fan de Ian Curtis, alors pensez bien qu'après saturation... Pourtant, si je dois réécouter un disque de new-wave aujourd'hui, je prendrais plutôt le premier Interpol que Closer. Il y a dans ce disque une grandiloquence glacée qui me touche, une certaine tension dramatique.

2003

Elephant - The White Stripes

Incontestablement, une bouffée d'énergie brute, qu'à l'époque je rapprochais plus de Nirvana que d'un prétendu revival années 70. Elephant est le seul disque estampillé "retour du rock" que j'ai découvert à sa sortie, parce qu'il dépassait en 2003 tous les clivages et se payait un succès public mérité.



2004

Franz Ferdinand - Franz Ferdinand

En 2004, j'écoutais A Ghost Is Born de Wilco, pas les Franz Ferdinand. Tous les jours je passais, admiratif, "At least that's what you said" pour m'emporter sur le solo de guitare démentiel de Jeff Tweedy. Mais Wilco n'a rien à voir avec la grande affaire de la décennie. Parmi ceux qui ont connu le succès public et la rotation lourde sur les radios et Mtv, les FF furent certainement les meilleurs. Leur premier album est une sacré réussite de disco-rock, que seuls Gossip a égalé.

Funeral - Arcade Fire

Ce n'est plus tout à fait le sujet mais Arcade Fire n'aurait jamais vu le jour sans le retour du rock. Funeral, pour les mordus de musique alternative, est le Ok Computer chaleureux et fervent des années 2000. Pour libérer tant d'énergie et de fougue, il fallait bien qu'un revival électrique et énergique ait rallumé les guitares.

Bluerberry Boat - The Fiery Furnaces

En quelque sorte une aberration plaisante du retour du rock, qui a ramené avec lui des éléments de musique progressive. Blueberry Boat est un collage musical qui se veut arty et qui, dans cette optique, est un échec dont on perçoit vite la vanité. Dès qu'on a pris conscience que ce qui demeure bon avec cet album n'est pas son concept, mais les bribes de mélodies et de rythmes qui accrochent l'oreille, on se dit qu'il eût mieux valu sortir directement un album au format pop.

2005

Apologies to the Queen Mary - Wolf Parade

Même commentaire qu'avec Arcade Fire. Si Wolf Parade ne représente plus grand chose aujourd'hui, en 2005 il était un nom étincelant à graver dans le marbre abimé du rock le plus sauvage. Bruyant, mal produit, sale, presque inaudible et pourtant ravageur. L'usure l'a malheureusement gâté.




Pretty In Black - The Raveonettes

Cet album est un condensé de l'esprit post-moderne: références appuyées à des objets sixties ringardisant et mignons, clin d'œil au cinéma, modernité de la mise en son. L'association est efficace. L'album est un peu trop sucré, comme toujours avec les Raveonettes. C'est une conséquence de cette volonté d'imiter qui flirte avec le pastiche et interdit les émotions brutes.

2006

Avatar - Comets On Fire

Considéré un peu trop vite comme un chef-d'œuvre du rock progressif, Avatar est, dans ces endroits les moins inspirés, une chose assez disgracieuse. Mais quel feu! A l'image de la pochette, Avatar est un nuage de fumée incendiaire, un orage foudroyant, une tempête aux cimes des montagnes. Le genre de musique "paysagiste" qui fait croire aux forces terribles de la nature.

Whatever People Say I Am... - The Arctic Monkeys

Au début, je ne les aimais pas. Comme j'ai la haine facile, je les détestais même un peu pour un succès qui me semblait usurpé. Comment avec des rythmiques si lourdes, de type 'marteau-piqueur' et avec un son de guitare si gras, les Arctic Monkeys pouvaient-ils séduire les foules? Je ne voyais qu'une raison à cela: les jeunes se reconnaissaient dans ce qui me semblait être des zonards boutonneux mangeurs de pizzas. Mais "When the sun goes down" me rendait fébrile dans mon jugement. Je trouvais ce morceau si puissant, si habilement construit! Depuis que j'écoute les Last Shadow Puppets, l'autre groupe d'Alex Turner, j'ai décidé de donner une énième chance aux Arctic Monkeys. Qui n'a pas fait comme moi d'ailleurs?

Standing In The Way Of Control - Gossip

Après les FF, voici Gossip. Les deux groupes ont signé la renaissance du disco avant Mgmt, mais que les vieux punk se rassurent: on ne prétend pas encore les achever et ils pourront continuer à vivre sous assistance respiratoire un certain temps puisque, tout en étant disco, Gossip n'en est pas moins un authentique groupe de rock, décomplexé, puissant et rythmique.

Passover - The Black Angels

Une bombe de rock psychédélique sous influence Doors+Joy Division. Un troisième album est à paraître. Il m'est toujours difficile d'avouer que je les aime, car le chanteur est horriblement théâtral dans son interprétation de Jim Morrison, qui lui-même n'était pas un modèle de finesse... Les Black Angels sont si sombres qu'ils en deviennent vite caricaturaux, mais les guitares ont un effet 'rouleau compresseur' qui écrase l'auditeur et provoque sa virilité.

2007

Myths of the near future - Klaxons

Le retour du rock s'achève ici mais la décennie continue et pendant qu'une génération ayant biberonné les Libertines cultive l'élitisme bourgeois et déliquescent d'une vénération pour les années 50, se pâme devant des œuvrettes minuscules et dépassées, vire de plus en plus réac', l'âge aidant, et ne jure plus que par le rétro-chic, autrement dit, pendant qu'elle se dirige droit vers le cul-de-sac du passéisme, des très jeunes, habillés de couleurs fluos, développent une micro-mode assez ridicule mais rafraichissante et surtout moins péremptoire que le ton pris par les vieux rockeurs pontifiants. Le rock est mort, la preuve par son érudition de plus en plus asphyxiante, signal toujours critique qui me fait dire que, plus tôt il sera enterré, meilleur ce sera pour lui. Les Klaxons sont tape-à-l'œil, mais au moins ils essaient quelque chose.

In The Future - Black Mountain

Le retour du rock ne fut pas qu'une déclaration d'intentions à l'usage des dandys et des 'gens de goût'. Ceux qui ne se préoccupent pas des codes vestimentaires ont pu, eux aussi, profiter des guitares électriques à leur manière, par une conjecture relativement favorable à une forme nouvelle de prog-rock. Black Mountain est resté très en retrait par rapport au succès formidable du romantisme urbain et arrogant incarné par le rock des années 00, mais In The Future est parfait pour les inconditionnels de Pink Floyd et pour les jeunes qui n'ont que faire de la désinvolture et de la "classe". In The Future, en effet, est souvent pompeux, parfois lourd, mais toujours tourné vers les étoiles, vers un fantasme d'épopée juvénile et cosmique.

2008

The Age Of The Understatement - The Last Shadow Puppets

C'est, puisqu'on en parle, un disque assez rétro. La pochette en avertit l'auditeur. Il n'empêche que c'est une réussite de maître. En quelques titres (Standing next to me, The chamber, My mistakes were made for you...), le groupe écrit la suite du premier album des Coral. Inespéré! Il est devenu fréquent d'inviter cet album dans les tops de la décennie. Certains en contreviennent. Eh bien! Qu'ils essaient de me trouver mieux!




Oracular Spectacular - Mgmt

Je crois que Mgmt, en 2008, a accompli le travail de sape entamé par les Klaxons un an plus tôt. Le paysage musical n'est plus le même; les guitares sont encore là mais leur usage a été détourné; les synthés sont revenus. Les authentiques fans de rock n'ont donc pas fini d'enrager. Personnellement, j'aime assez ce disque, même s'il est un peu trop brouillon et que les écoutes l'usent vite. Ce qu'il représente, en revanche, continue à me plaire car j'y vois un renouvellement. Sans doute n'est-il pas du meilleur goût, mais l'atmosphère devenait irrespirable à force de rock à frange. De la place pour les autres! avait-on envie de crier. Voilà, c'est fait.

Midnight Boom - The Kills

Un peu à part dans son sous-genre, The Kills est un groupe de rock légèrement teinté d'électro qui a fait profession de foi de la félinité et de l'érotisme sur-joué de VV. Pas toujours convaincants, ils méritent quand même une ligne dans cet espace consacré aux années 2000. Ce disque, en particulier, porte un peu plus loin que les autres leur esthétique.




2009

Album - Girls

Etrange année que cette année 2009, où tous les horizons d'un coup se déploient, avec la dream-pop neigeuse des Xx, le rock de stade à la Big Pink, les zigouigouis inaudibles que fait Micachu en triturant une guitare désaccordée, la pop doucereuse et parfois crève-cœur de Camera Obscura... Sans compter une sorte de micro-scène électro naissante en Californie, où les vaguelettes vous lèchent les pieds dans un été éternel... La Californie renferme trois des meilleurs albums de 2009. Le premier, le summum, est l'album des Mantles, mais comme il est inconnu je vous en fais grâce dans cette rétrospective et vous invite à lire mes articles sur le sujet; le deuxième est celui de Girls, Album, qui reprend le chemin des années 90, interrompu par dix ans de réaction rock. Il participe toutefois du même phénomène que les Strokes ou les Libertines, puisqu'il appert que Christopher Owen ne serait pas contre devenir un nouveau Pete Doherty. Il exagère un peu avec son timbre bêlant, mais on n'a pas résisté, ni vous ni moi, je crois, à Hellhole Ratrace et son petit air de 1979 des Smashing Pumpkins.




200 Million Thousand - The Black Lips

Et voici le troisième meilleur album de 2009. Du garage-rock, brut de décoffrage à un point où on ne le croyait même pas permis. C'est hirsute, ça beugle, ça râle, ça agonise dans la joie et la fureur, ça hurle et c'est tellement débraillé qu'on pourrait croire que les Black Lips n'en ont plus rien à faire de rien. Or, en général, quand on fait n'importe quoi, ça s'entend. Ce qui m'étonne donc, c'est qu'en ayant l'air de faire n'importe quoi, ils sortent un album réussi, efficace, dénué de faiblesses et jamais en rade de mélodies et de refrains qui tuent.

Smith Westerns - The Smith Westerns

On finit la décennie sur une touche de glam-rock. C'est à peu près la seule chose qu'on n'ait pas entendue en 10 ans de revival, ça tombe donc plutôt bien. Les Smith Westerns sont très jeunes et s'apprêtent en 2010 ou 2011 à sortir leur deuxième album qui, contrairement au premier, sera produit. Ils ont toutes les vertus du rock des années 2000, avec les défauts qui leur sont associés, selon le point de vue duquel on se place: jeunesse, désinvolture, voix de morveux arrogants, style défroqué et braillard... Un bon album en tout cas.

Evidemment, cette rétrospective omet un certain nombre d'excellents albums, parfois supérieurs à ceux proposés ici. Mais c'est à dessein que j'ai écarté Tv On The Radio, Beach House ou les Xx, pour ne citer que quelques absents. Ils n'avaient pas leur place dans cette rétrospective particulière, puisqu'ils appartiennent à d'autres familles musicales. De plus, dans mon souci de ne retenir que les albums qui m'ont personnellement marqué ou simplement plu, j'ai traité à la légère des groupes comme Art Brut, Kasabian, les Rakes ou les Futureheads. Je laisse le soin aux amateurs d'en parler mieux que moi. Il se trouve que ce n'est pas, de loin, ma tasse de thé.

2 commentaires:

  1. Jolie rétrospective. On a beau critiquer activement cet étiquette "retour du rock", beaucoup dans notre génération ont découvert le rock par l'un ou l'autre de ces groupes.

    Joli blog aussi (découvert via un commentaire chez Eddie).

    See you in San Francisco!

    Paul / Pomme de Pin

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  2. Merci pour ce commentaire. Ce blog est irrégulièrement mis à jour, mais je fais en sorte qu'il ne meurt pas.
    San Francisco est une de mes trois capitales pop (avec Londres et Los Angeles). Cela fait donc deux villes californiennes. J'ai une attirance particulière pour ce pays.

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