La chanson de la semaine

samedi 17 septembre 2011

Record 3, Girls

Il faudra attendre les interviews pour comprendre ce qui a présidé à la création de Record 3. Pour l'instant, le suspens demeure. Comment un groupe résolument indie, qui perpétuait le temps d'un Morning Light saturé l'esprit bricoleur et lo-fi des années 90, a-t-il pu à ce point tourner les talons? Désormais, on croirait entendre Pink Floyd ou Wilco période Sky Blue Sky, orgue hammond en tête et soli de guitare à la suite... La différence n'a pas sauté aux oreilles lors des premières écoutes, gouvernées par une désagréable impression de mièvrerie - l'outrance de Just A Song m'a fait stopper l'effusion sentimentale alors qu'elle ne sévissait que depuis trois (trop longues) minutes. Mais au fil du temps, c'est devenu une évidence: Girls a viré seventies, jusqu'au soft-rock de My Love Is Like A River, dans la veine de Jackson Browne. D'une certaine manière, c'est la Californie qui rattrape Girls, moins pour ses couchers de soleil mirifiques que pour sa bande FM. L'extraordinaire Vomit et Forgiveness sont sans doute les deux chansons les plus représentatives de cette tendance insoupçonnée: longues de quelques 6 minutes, chacune produit des dénivelés et se conclut sur un solo électrique sacrément efficace dans le style du sempiternel "je bois un dernier verre avant d'aller me lourder sur l'autoroute". La palme revient à Vomit qui s'offre même le luxe des chœurs gospel. On n'aurait jamais entendu cela sur Album, authentique essai de rock alternatif, bancal et tout grésillant du son des guitares mal accordées. Le groupe a donc effectué sa mue et sonne parfois comme... du "rock à papa".



Pour tout un tas de raisons - et Broken Hearts Club en faisait partie - mon goût pour Girls était menacé par la désaffection. Je voyais Owens évoluer vers des rengaines amoureuses gnan-gnan écrites expressément pour plaire aux filles. Il serait culotté de prétendre que j'ai eu tort à 100%. Record 3 est partiellement le disque mièvre que je prévoyais. Mais il est beaucoup plus varié et riche que je ne l'aurais pensé. Le seul point faible d'Album était la redondance entre les morceaux doux. Or, le début de Record 3 oscille entre le rock joyeux et décomplexé (Honey Bunny), la continuité avec Album (Alex) et une chanson de hard-rock incongrue (Die). La suite du disque me semble bien plus homogène, avec une ambiance de slow continuelle, mais Girls s'est d'emblée préservé de la monotonie grâce à ces trois titres.
Aucun morceau de l'album, toutefois, ne semble résolument appartenir à Girls comme on pouvait dire que Hellhole Ratrace était leur chanson phare, leur carte d'identité. On ne reconnait plus une faconde unique - si ce n'est le timbre de voix d'Owens - mais une multitude d'emprunts. Die semble avoir déjà été écrite par quelque autre groupe des années 70. Le riff de Magic est inspiré de Big Star (le titre de l'album d'ailleurs évoque Third ou Record#1) et dans l'ensemble les soli de guitare ne dérogent pas au classicisme. La richesse du nouvel album dépend donc de la somme de ses influences. Mais ce ne serait pas un motif bien sérieux pour bouder son plaisir. Il était attendu que Girls se cantonne à son périmètre carré et, au contraire, il l'élargit. Je croyais ce groupe incapable d'évoluer ou d'étaler une nouvelle gamme. Or, en empruntant à droite et à gauche, il montre l'étendue de ses facultés d'adaptation. Compositeur par accident, C.Owens prouve qu'il sait l'être aussi par métier.Record 3 sonne en effet assez "pro". Et j'avouerais que même si parfois c'est trop, beaucoup trop lourd, l'ensemble a le mérite de viser le cœur et de le faire saigner. Dans la même veine excessive, les Smith Westerns ont sorti un super disque en début d'année, mais Girls a un avantage: plus varié, plus large.

1 commentaire: