La chanson de la semaine

lundi 12 avril 2010

1ère chanson de la semaine: The House On Highland Ave.


Cette semaine, on passe aux choses sérieuses, mais vous ne l'entendrez pas, car le morceau en question ne se trouve pas au coin du net (sur lequel on trouve pourtant tout et même n'importe quoi comme des live enregistrés par un téléphone portable).

Les critiques ont une formule toute faite pour qualifier ce genre d'envolée passionnée: ils parlent de lyrisme adolescent. L'expression chanter comme si sa vie en dépendait ou encore comme si on allait mourir demain trouvent parfois leur faveur et celle d'un public en mal de sensations fortes et d'authenticité (une valeur bonne à tout faire de la critique, souvent "paresseuse" - stéréotype qu'on doit au lecteur cette fois). Enfin, un mot résume souvent ce sentiment: urgence.

Ces clichés, comme tant d'autres, à commencer par l'infinie délicatesse des violons ou le dictionnaire des adjectifs courants et récurrents de la critique sont des écueils à éviter soigneusement si on veut toucher un public lucide. Quand un article insiste lourdement sur l'un d'eux ou les multiplie, il est d'usage de fuir le disque. Pourtant, écrivait Flaubert, ce n'est pas parce qu'on parle mal d'amour qu'on n'aime pas; l'homme moyen manque souvent de vocabulaire et d'idées. De la même façon, un critique peut déballer des clichés éculés à propos d'un disque qu'il trouve magnifique sans qu'on doive conclure à sa banalité. Ces mots tant de fois galvaudés que le mésusage a rendus insignifiants sont malheureusement les seuls à rendre compte exactement de mon sentiment. Pour peu qu'on veuille bien leur rendre tout leur sens, ils sont nécessaires à l'écriture d'un article sur le Gun Club.

Urgence et lyrisme adolescent, donc. Les deux pierres de touche d'une discographie dans laquelle j'entre tout juste, où j'aperçois un peu de terre sèche, bien sûr, mais aussi de véritables flammes. Qu'elles soient isolées n'a aucune importance. Quand on aime la musique, a-t-on besoin d'albums? Des chansons, au coup par coup, valent dix fois plus qu'un album réussi mais tiède du moment qu'elles parviennent, ne serait-ce que sur deux minutes, à transfigurer nos vies. The House On Highland Avenue est l'un de ces quelques titres flamboyants, tous artistes confondus. Il est hélas méconnu, parce que c'est le premier titre d'un ep et que personne n'achète ni ne connait les ep. Le fait est remarquable, car le Gun Club jouit pourtant d'une réputation de groupe culte, au même titre que les Cramps ou Big Star, mais avec peut-être une dimension mythique supplémentaire imputable à la personnalité de Jeffrey Lee Pierce.

Récemment, un magazine anglais assez populaire accueillait tièdement la réédition de Miami et de Fire Of Love, les deux brûlots blues de Jeffrey Lee Pierce et cie. Ils semblaient sauvages en 83, écrit le journaliste, ils ternissent en 2009. Si on le suit, l'histoire de Jeffrey Lee Pierce serait désormais le véritable intérêt du groupe. Or, au cas où vous penseriez, comme un de mes amis myspace, que Gun Club n'intéresse plus que par le charisme de son leader, vous trouverez un premier démenti dans cette curieuse mais véridique confession: je ne le connais tout simplement pas et ne me suis pas renseigné pour écrire ce billet. Exception faite de Ian Curtis*, jamais je ne suis tombé sous le coup d'une fascination pour un artiste. Même Kurt Cobain, alors que j'ai découvert le rock avec Nirvana, n'a pas sollicité ma curiosité. Quelques coupures de presse, vite lues et mal digérées, m'auront suffi à comprendre, du temps où Unplugged in NY squattait mon lecteur, qu'il n'y avait rien de mémorable qu'un suicide et une pouffiasse affreuse en guise de femme. Il y a des auditeurs moins tournés que d'autres vers ce qui cimente la collectivité, l'adhésion à une figure culte, le partage d'une dévotion; des auditeurs moins accessibles à l'admiration, moins avides d'un modèle, plus profondément asociaux peut-être.

Toujours est-il que je me fiche pas mal de savoir le pourquoi du comment. Jeffrey Lee Pierce a simplement sorti une des plus belles chansons au monde. Ce qui place the House on Highland Avenue au dessus du lot (y compris du sien), c'est peut-être, en premier lieu, le coté délié et enlevé de la musique, avec ses trois accords de guitare électrique et les notes de piano qui s'affirment aux moments forts. Le groupe ne se contente pas de réciter son rock sur le bout des doigts, il a aussi l'art de créer un accompagnement entraînant et sensible, une cavale lyrique qui ressemble presque à une ballade. Et puis, la voix, bien sûr, doublée pour le refrain: "there is no fire in your glass eye" - mais il y en a dans le chant, croyez-moi.

* Pour le cas Curtis, je suis revenu de ma période de fascination délétère (j'allais jusqu'à écouter régulièrement Joy Division - une improbable perversion de mon oreille dont je suis guéri). Cette unique exception n'a jamais résisté aux faits. Le film Control, notamment, m'a une fois de plus convaincu qu'il n'y a rien de plus insupportable que ces espèce d'hagiographie qu'on appelle biopic. Et je ne parle même pas de celle de J.Cash. Cela dit, je n'ai jamais été fan de Cash.

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