La chanson de la semaine

mercredi 17 mars 2010

Girls & Le Prince Miiaou à l'Aéronef (Lille)

Passer en première partie de Girls, ce n'était pas gagné. Surtout quand le public avisé (moi) aurait aimé voir les Smith Westerns ou une autre tuerie inconnue des Etats-Unis. Au lieu de cela, l'affiche nous met au parfum: ce sera une française qui, tenez-vous bien, se fait appeler Le Prince Miiaou. En arrivant dans la micro-salle de l'aeronef, je n'avais pas encore écouté une seule chanson de Le Prince Miiaou et n'était pas particulièrement pressé d'en entendre. C'est pourtant elle qui a fait le concert. Entendons-nous bien: Girls était présent, le set a duré le temps qu'il fallait, mais, comment dire, c'était... bien. Prenez le ton de la marionnette de Zidane chez les Guignols: c'était bien - sans plus, sans enthousiasme particulier, sans passion. Girls a enchaîné des chansons connues (et d'autres, comme Life in San Francisco, qui n'étaient pas sur l'album) comme une suite identique de ballades plaintives assez peu crédibles - ou alors c'était moi et mon rhume qui étions à l'ouest. L'ennui m'a gagné dès que j'ai entendu C.Owen manquer cruellement de caisse. Autant, lors du concert de Beach House, le petit public amassé comme un banc de moules semblait en transe, autant les gens présents dans la salle pour Girls étaient statiques et mous. Je parle des auteurs du meilleur album de l'an passé, ce n'est pas rien. Il est donc facile de conclure que la déception est venue de l'attente excessive. Mais les meilleurs morceaux eux-mêmes sont passés inaperçus dans la foulée d'une interprétation monotone. De Laura je n'ai entendu que la guitare rythmique. Le micro du second guitariste (d'apparence un iroquois narcotique) était-il défectueux ou ont-ils baissé son volume? Quand au final bruitiste de Hellhole Ratrace, il était trop brouillon pour nous mettre en apesanteur. La sono étant ce qu'elle est par ailleurs.

Un peu déçu, mais heureusement, Le Prince Miiaou a compensé. Comme souvent, on se laisse surprendre par une première partie, dans la mesure où on n'en attendait rien. Le public a eu l'air d'apprécier autant que moi, même si les deux chansons en français étaient inaudibles et que, pour le peu que j'en ai compris, elles étaient d'une tournure littéraire dramatico-existentielle embarrassante - c'était comme d'entrer dans la psychologie embrumée d'une personne à qui font défaut la pudeur, le recul et cette vitalité primaire qui permet à tant de gens de cacher la profondeur de leurs souffrances, ou de les suggérer accidentellement sans s'appesantir sur les détails.
Tourgueniev détestait le hamlétisme, cette tendance toujours très en vogue, notamment chez les étudiants, à se préoccuper beaucoup des variations subtiles de ses états d'âme. Mais il détestait cela dans la mesure où il en souffrait lui-même et paraissait, en écoutant ces créatures empêtrées dans leurs maux, voir sa propre image, crue et peu reluisante, dans un miroir de vérité. Il en est de même pour moi. J'ignore ce qu'en a pensé le public, mon embarras est peut-être lié, finalement, à ma pudeur. Mais quoi qu'il en soit, le plaisir n'était jamais ruiné, car lorsque les paroles semblaient absconses la musique quant à elle terminait sur un bouquet final héroïque et galvanisant. Pour ce qui est des chansons anglaises, majoritaires, elles étaient non seulement excellentes mais en plus troublantes de conviction. Le Prince Miiaou a beau être le nom de scène d'une jeune femme un peu nerveuse, vraisemblablement intimidée par ce public inconnu qui est venu pour Girls - "ce n'est jamais facile de faire une première partie", dit-elle - elle se livre totalement sur scène, mélangeant son anxiété à une émotion brute qui m'a paru éclatante. Plus le concert avançait, plus ses yeux s'arrondissaient et brillaient. Dès la fin de la première chanson, elle criait avec conviction. C'est ce qui l'a rendue plus touchante que Girls: peut-être parce qu'elle débute encore, on n'a décelé aucune routine, mais une envie hurlante d'exposer ses chansons au monde. Reste maintenant à écouter le disque en détail (je suis en train de le faire) mais l'étape du concert était en tout cas enthousiasmante.

(à droite: photo de Robert Gil empruntée au webzine Popnews; je la choisis parce que c'est dans cet accoutrement qu'elle a fini le concert)













A la décharge de Girls, n'oublions pas qu'ils ont une série de plus de quarante concerts et que se déplacer exprès à Lille pour jouer devant seulement 70 (?) personnes, ce doit être assez frustrant, pour ne pas dire pénible.

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