Un peu déçu, mais heureusement, Le Prince Miiaou a compensé. Comme souvent, on se laisse surprendre par une première partie, dans la mesure où on n'en attendait rien. Le public a eu l'air d'apprécier autant que moi, même si les deux chansons en français étaient inaudibles et que, pour le peu que j'en ai compris, elles étaient d'une tournure littéraire dramatico-existentielle embarrassante - c'était comme d'entrer dans la psychologie embrumée d'une personne à qui font défaut la pudeur, le recul et cette vitalité primaire qui permet à tant de gens de cacher la profondeur de leurs souffrances, ou de les suggérer accidentellement sans s'appesantir sur les détails.
Tourgueniev détestait le hamlétisme, cette tendance toujours très en vogue, notamment chez les étudiants, à se préoccuper beaucoup des variations subtiles de ses états d'âme. Mais il détestait cela dans la mesure où il en souffrait lui-même et paraissait, en écoutant ces créatures empêtrées dans leurs maux, voir sa propre image, crue et peu reluisante, dans un miroir de vérité. Il en est de même pour moi. J'ignore ce qu'en a pensé le public, mon embarras est peut-être lié, finalement, à ma pudeur. Mais quoi qu'il en soit, le plaisir n'était jamais ruiné, car lorsque les paroles semblaient absconses la musique quant à elle terminait sur un bouquet final héroïque et galvanisant. Pour ce qui est des chansons anglaises, majoritaires, elles étaient non seulement excellentes mais en plus troublantes de conviction. Le Prince Miiaou a beau être le nom de scène d'une jeune femme un peu nerveuse, vraisemblablement intimidée par ce public inconnu qui est venu pour Girls - "ce n'est jamais facile de faire une première partie", dit-elle - elle se livre totalement sur scène, mélangeant son anxiété à une émotion brute qui m'a paru éclatante. Plus le concert avançait, plus ses yeux s'arrondissaient et brillaient. Dès la fin de la première chanson, elle criait avec conviction. C'est ce qui l'a rendue plus touchante que Girls: peut-être parce qu'elle débute encore, on n'a décelé aucune routine, mais une envie hurlante d'exposer ses chansons au monde. Reste maintenant à écouter le disque en détail (je suis en train de le faire) mais l'étape du concert était en tout cas enthousiasmante.


A la décharge de Girls, n'oublions pas qu'ils ont une série de plus de quarante concerts et que se déplacer exprès à Lille pour jouer devant seulement 70 (?) personnes, ce doit être assez frustrant, pour ne pas dire pénible.
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