La chanson de la semaine

lundi 22 mars 2010

la chanson de la semaine: Invisible Man (Nicole Willis and the Soul Investigators)


La soul a failli avoir son revival, comme le rock à frange. En fait, elle l'a eu mais il a fait moins de bruit. On peut signaler une tentative de médiatisation en masse l'an passé, supportée principalement par les fnacs; les classiques du genre s'étalaient au regard des incultes, dont je suis, avec des commentaires élogieux et des prix verts. Mais rien ne confirme que la sauce ait pris. Ces dix dernières années toutefois, des productions dites "à l'ancienne" ont fleuri en bouquets, jusqu'à ce qu'Amy Winehouse porte tout ça sur le devant de la scène, où elle reste assez seule depuis. Dans l'ombre, Nicole Willis et Sharon Jones, les deux principales représentantes du genre, ont leurs admirateurs. Très old school, jusque dans leur présentation (avec le nom du groupe traditionnellement détaché: Nicole Willis and the Soul Investigators; Sharon Jones and the Dap-King), trop rétro peut-être pour toucher un public jeune et avide de faire son temps, ces deux excellentes chanteuses n'ont pas exactement le succès public d'Amy Winehouse. Cette dernière, sans doute en vertu de ses manières graveleuses, a renouvelé le genre sans y toucher, comme c'est bien souvent le cas: la musique respecte formellement les codes, mais la personnalité infuse dedans comme une herbe et donne une saveur que beaucoup trouve remarquable. Doit-on comprendre que Nicole Willis et Sharon Jones sont trop scrupuleusement pro pour attirer la gloire? Mais pourquoi pas... N'a-t-on pas, en les écoutant le même sentiment qu'en écoutant les Coral? Ne sont-elles pas à Amy Winehouse ce que les Coral sont aux Libertines? Autant dire qu'elles sont parfaites. Leur conservatisme - qui ne pas de mystère- a l'immense avantage d'être justifié par toutes les belles qualités de leurs disques: comme toujours en musique c'est la réussite qui légitime la démarche et non l'inverse (cela ne laissant pas d'être scandaleux aux gens à principes). Elles voulaient peut-être sonner "intemporel" en faisant volontairement rétro; si rien ne dit que ce soit, dans l'intention, une bonne idée (c'est même une erreur logique), le résultat semble en tout cas porter ses fruits. Il faut passer légèrement sur Be It, un album de nu-soul vaguement lounge que j'écouterais volontiers dans un magasin H&M mais pas chez moi, et se diriger droit vers Keep Reachin' Up. On comprend alors ce que je voulais dire: Nicole Willis s'accompagne d'un groupe soul à l'ancienne et réalise enfin un grand disque où l'écriture des morceaux se met au service de sa voix sans s'éclipser derrière une atmosphère cosy. L'instrumental "the soul investigator theme" synthétise l'excellence de son backing-band: avec la sensibilité rythmique de la guitare, on a déjà un peu plus de balancement qu'avec les sons synthétiques inconsistants de Be It. Mais le meilleur morceau reste une chanson: Invisible Man. La suite d'accords au piano est irrésistible, la basse assure le groove et le refrain achève de faire d'Invisible Man un tube mémorable! Il faut dire que l'album en est truffé. Les bons albums, qu'on écoute d'une traite, sont déjà rares dans les genres que j'affectionne, mais il faut croire que j'ai eu du bol d'en trouver un dans un domaine qui m'est assez largement étranger.

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