La chanson de la semaine
vendredi 24 avril 2009
Tom Petty and the Heartbreakers
Avec Tom Petty, il n'y a guère de surprises, les paroles sont généralement affligeantes de bêtise, de niaiserie ou de futilité. Ici c'est surtout la futilité qui l'emporte, et ce dès le premier disque. Le propos de ces dix petits tubes peut se résumer comme suit: "You got me babe, i got you". Cette philosophie, dupliquée 10 fois, culmine avec "Anything that's rock'n'roll" et son cortège de clichés recyclables et abusifs:
Your mama don't like it when you run around with me
But we gotta hip your mama that you gotta live free
Don't need her, don't need school (...)
Puis le refrain, qui enfonce le clou:
"So c'mon baby, let's go,
Don't you hear the rock'n'roll playing on the radio
Sounds so right
Girl you better grab hold, everybody's gotta know
Anything that's rock'n'roll is fine
Anything that's rock'n'roll is fine"
On est dans la plus pure prêche rock'n'roll, avec ses exhortations et sa mythologie toute faite. Le bad boy - qui ça? Tom Petty? Sérieusement? -, ses affirmations de la vie matraquées sans finesse ("come babe", "let's go", "it's alright"), les ritournelles sur l'amour... pas besoin de maman ni de l'école... la radio qui passe du bon son... Ne manque plus qu'un pétard pour un abrutissement parfait. "Une pourriture" dirait Frank Zappa.
En même temps, on s'en fiche un peu de Zappa. Tom Petty et ses Heartbreakers font du rock pour les gens qui n'aiment pas le second degré dans la musique et il le fai(sai)t bien.
Compte tenu des effets recherchés dans tel ou tel type d'art, j'ai tendance à cloisonner les genres: la psychologie dans le roman, la réflexion pure dans les essais, l'humour dans le bande-dessinée... Ainsi, je ne supporte ni l'humour ni l'intellect dans la chanson. Tom Petty peut donc prétendre garnir ma discothèque, lui qui ignore d'autant plus le recul et l'ironie qu'il se borne à la fonction sensorielle et émotive de la musique.
Cela ne veut pas dire pour autant que les choses doivent être faites sans intelligence aucune. Des paroles ouvertement jeunistes et bêtes me gênent également. Je ne suis pas plus enclin aux chansons frivoles que je ne suis favorable à la musique cérébrale. Qu'est-ce qui fait alors que Tom Petty, malgré son manque de finesse, me touche assez régulièrement et, sur cet album, dix fois sur dix? Eh bien parce que, tout en n'ayant pas l'intelligence littéraire, il a au moins celle de la composition. En France, il mériterait la médaille du meilleur artisan, pour sa maîtrise parfaite des ficelles de la chanson.
Dans les notes de la réédition (elle date de 2002), l'auteur met en exergue l'exemplarité de ce disque de rock'n'roll, pur produit des années 70, à mi-chemin entre le classic-rock vieillissant des mastodontes et le renouveau punk qui vient à peine d'être amorcé par les Ramones (plus fougueux, plus crus mais moins mélodieux). Si les martiens débarquaient sur Terre, écrit-il, et qu'ils souhaitaient découvrir le rock, ce disque pourrait constituer un excellent point de départ. Pour justification, on peut invoquer, bien sûr, cet énorme florilège de clichés, mais en dehors de cela et pour en finir avec la critique, il faut aussi avouer que c'est musicalement parfait et que, sur les dix titres de ce disque ramassé, il n'y a que des chansons d'anthologie. A commencer par "Breakdown", classé 40 au Billboard's, un tube jamais démenti qui, aux USA, continue de tourner en rotation lourde sur les radios. Pas un signe de lassitude, semble-t-il, de la part des fans. Même cas de figure pour le classique "American Girl" que nous avons tous entendu une fois dans notre vie sans savoir jusque alors qui en était l'auteur. Surprenant inopinément cette chanson aux forts accents byrdsiens à la radio, Roger McGuinn se serait demandé: "Quand ai-je enregistré cette prise?"
Exercice de plagiaire? Pastiche trop parfait? Non, mais il est vrai que McGuinn aurait pu composer ce tube. Il est vrai d'un autre coté qu'un jeune homme des années 80 était en droit de préférer la chanson de Tom Petty aux vieilles compositions des Byrds. Non pas que tout ce qu'ont réalisé les Byrds ait mal vieilli. Il reste de bons morceaux épars sur quelques albums de légende (the 5th dimension, Younger than Yesterday et même Sweetheart Rodeo, par exemple) mais il y a dans la chanson de Tom Petty une modernité qui est celle dans laquelle nous continuons plus ou moins de vivre aujourd'hui. Et de petits détails suffisent parfois à relever une compo déjà enthousiasmante par elle-même; ainsi de la seconde voix, dont l'apparition, très brève, vient souligner le refrain en contrepoint. Le petit solo de guitare qui conclut le morceau est également très sympathique. Un album qui finit en vrombe est fait pour redémarrer et, en même temps, il laisse espérer une suite à la hauteur. Je ne sais pas si les albums suivants des Heartbreakers sont du même tonneau, ce qui est certain, en revanche, c'est que ce premier galon mérite une place tout en haut de votre pile de disques préférés. On peut tomber dans le rock avec ce disque comme avec un Iggy Pop ou un Rolling Stones. En ce qui me concerne, on sait pour qui je voterai. Et tant pis si la pochette est ridicule. Tant pis si les disques solos de Tom Petty sont devenus par la suite lénifiants: avec le rock, les débuts valent souvent mieux que les fins.
S/t
Tom Petty and the Heartbreakers
1976, Mca Recors, réédition 2002
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