On continue la rétrospective des années 2000 avec un groupe tordu qu'on ne soucie ni d'aimer ni de détester. C'est un groupe qui existe, comme une pierre sur un chemin, et puis c'est tout. Même si cette pierre a une forme étrange et une couleur irrisée, même si elle ne ressemble pas aux autres cailloux et graviers qui pavent l'allée, on la laisse à sa place sans y toucher. De temps en temps, on y jette un oeil, parce qu'on se demande ce qu'elle va devenir, si par hasard elle ne va pas s'élever dans les airs et rejoindre le vaisseau spatial venu la ramener sur Mars. Les Fiery Furnaces, à bien des égards, sont à compter au nombre des quelques aberrations sonores ayant vu le jour dans cette décennie. Je ne parle pas de Coldplay, des Minus 5 ou de Black Eyed Peas. Ces choses sont banales, sans envergure et parfaitement inoffensives, leur existence ne se justifie pas puisque le public s'amasse tout autour comme un banc de moules. Mais les Fiery Furnaces, il faudrait qu'ils s'expliquent. Peu de gens écoutent, peu comprennent et beaucoup se demandent s'il y a quelque chose à comprendre dans ces morceaux à tiroirs qui n'en finissent plus de se décomposer. C'est l'art de la poupée russe: on l'ouvre et il y en a encore une dedans. ça n'en finit pas. On croit devenir fou. C'est peut-être pour ça que certains toqués, comme moi, écoutent ce groupe avec la même curiosité obsessionnelle. Je ne peux pas dire que c'est "typiquement le genre de groupe qui fait ceci ou cela", puisque, précisément, ils sont atypiques.
Je n'ai chez moi que deux albums, Blueberry Boat, celui sur lequel je vais concentrer mon attention, et Bitter Tea, une coquille creuse, le vide enluminé par des bruitages dignes d'un plateau télé ("Incroyable Gérard! Il a gagné une télé à écran plasma, etc"). Le fait qu'il comporte leur plus beau morceau, le très nostalgique Pearl Harbour Blue ne m'empêchera pas de le revendre. Je ne me suis pas farci le disque avec mère-grand, il ne faut pas exagérer non plus. En revanche, leur dernier album semble à première vue renouer avec l'efficacité pop, ce dont je ne leur ferai pas un tort. En fait, le dernier disque des Fiery Furnaces, ce pourrait être l'équivalent de l'art contemporain lorsque celui-ci atteint son classicisme, c'est-à-dire lorsqu'il a trouvé une forme stable et identifiable. A force d'huile de coudes, les Fiery Furnaces commencent peut-être bien à réussir, à trouver leur maturité. En attendant, Bluberry Boat tatonnait, empruntant des routes à droite et à gauche, mais ne mettant jamais, au grand jamais, un pas devant l'autre. Le sommet de ce disque pour lequel le mot foutraque a sans doute été inventé reste Chief Inspector Blancheflower, qui se conclut brusquement sur un solo de guitare tétanisant, pas loin de Crazy Horse. C'est complètement incongru, au vu des minutes qui précèdent. Mais les Fiery Furnaces sont comme ça: ils ont beaucoup d'idées, beaucoup de paragraphes, mais jamais de transition. Trop fatigant sans doute d'être pédagogue, quand on a une pensée en forme d'escalier et qu'on peut sauter d'un plan à l'autre sans liant. Alors, ils balancent tout, peut-être au hasard, peut-être avec un talent incompris. Ils sont frères et soeur et on dit que les frères et soeurs ont leur propre langage. Ce n'est pas le plus universel. Mais on les suit quand même - de loin.
A écouter: Chris Michaels, Paw Paw Tree, Mason City, Chief Inspector Blancheflower, Birdie Brain
BLUEBERRY BOAT
The Fiery Furnaces
Rough Trade, 2004
Je n'ai chez moi que deux albums, Blueberry Boat, celui sur lequel je vais concentrer mon attention, et Bitter Tea, une coquille creuse, le vide enluminé par des bruitages dignes d'un plateau télé ("Incroyable Gérard! Il a gagné une télé à écran plasma, etc"). Le fait qu'il comporte leur plus beau morceau, le très nostalgique Pearl Harbour Blue ne m'empêchera pas de le revendre. Je ne me suis pas farci le disque avec mère-grand, il ne faut pas exagérer non plus. En revanche, leur dernier album semble à première vue renouer avec l'efficacité pop, ce dont je ne leur ferai pas un tort. En fait, le dernier disque des Fiery Furnaces, ce pourrait être l'équivalent de l'art contemporain lorsque celui-ci atteint son classicisme, c'est-à-dire lorsqu'il a trouvé une forme stable et identifiable. A force d'huile de coudes, les Fiery Furnaces commencent peut-être bien à réussir, à trouver leur maturité. En attendant, Bluberry Boat tatonnait, empruntant des routes à droite et à gauche, mais ne mettant jamais, au grand jamais, un pas devant l'autre. Le sommet de ce disque pour lequel le mot foutraque a sans doute été inventé reste Chief Inspector Blancheflower, qui se conclut brusquement sur un solo de guitare tétanisant, pas loin de Crazy Horse. C'est complètement incongru, au vu des minutes qui précèdent. Mais les Fiery Furnaces sont comme ça: ils ont beaucoup d'idées, beaucoup de paragraphes, mais jamais de transition. Trop fatigant sans doute d'être pédagogue, quand on a une pensée en forme d'escalier et qu'on peut sauter d'un plan à l'autre sans liant. Alors, ils balancent tout, peut-être au hasard, peut-être avec un talent incompris. Ils sont frères et soeur et on dit que les frères et soeurs ont leur propre langage. Ce n'est pas le plus universel. Mais on les suit quand même - de loin.
A écouter: Chris Michaels, Paw Paw Tree, Mason City, Chief Inspector Blancheflower, Birdie Brain
BLUEBERRY BOAT
The Fiery Furnaces
Rough Trade, 2004
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