Qui connait vraiment Cher? D'ailleurs, cela en vaut-il la peine? Ce nom, depuis que je l'entendais traîner sur les lèvres de mes parents, ne me disait rien qui vaille. Je crois bien avoir vu, dans mon enfance, l'image repoussante et effroyablement vulgaire d'une blonde siliconée, ce type dont Hollywood raffole. Qu'elle soit brune ne change pas grand chose à mon intuition: Cher, à en juger par ses années 80, est incurablement commune. Elle tombe dans toutes les énormités du showbizz musical: production amphétaminée, look de prostituée, musique grassouillette... En quelques mots, c'est un fard dans la nuit.
Mais revenons en arrière, en ces années 60 où, semble-t-il, le talent le plus anodin se voyait transfiguré par le bon goût ambiant. A cette époque de flower pop triomphante, Cher chantait en compagnie de son mari, Sony, un tube parfait, à l'ambiance magique, proche du premier Velvet Underground (qui a pu s'en inspirer): I got you babe. Cher, le temps de cette chanson, ressemblait à Nico, mais avant l'heure. Elle en avait l'étrangeté, dans la voix, froide et grave, comme dans l'allure, tout en maintien digne, ténébreuse, le regard absent. Elle ne ressemblait pas encore à un travesti. Son mari faisait son Zimmerman, trouvait l'alchimie idéale, jamais réitérée, et à eux deux ils enregistraient cette chanson folk-pop digne des anthologies sixties sur lesquelles elle figure d'ailleurs.
C'est malheureusement leur unique vraie réussite. Un best-of est un achat inutile, sauf dans une bouffée débilitante de réhabilitation. Ces chansonnettes à moitié ratées sont tout simplement passées de mode. Cela étant, I got you babe vaut plus, à mon sens, que le classique I'll be your mirror du VU. Encore un titre à compter au dossier des one hits wonders dont les sixties se sont fait la spécialité. Qui sait, d'ailleurs, si le véritable leg des années 60 ne se résume pas, tout compte fait, à une grosse compilation, à la manière des recueils de poésies trouvères?
Cher, depuis cette étincelle fugace, s'est singulièrement métamorphosée. C'est peu dire en fait. Devenue laide, elle a moins bien chanté, ou chanté des choses assommantes. Elle a aussi préféré un public à un autre, plus facile, et des repères esthétiques qui ailleurs seraient des critères discriminatoires. Un tel revirement était difficilement prévisible mais il faut compter avec l'instabilité du talent, sa dépendance étroite à des facteurs extérieurs qui le façonnent au gré des modes. En gros, et pour être clair, elle a mal tourné.
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