La chanson de la semaine
jeudi 6 mai 2010
Sharon Jones and the Dap-Kings
Sharon Jones, dans une interview, se disait fière d'être noire. Elle peut surtout être fière d'elle-même. Tous les noirs n'ont pas son talent (et moi je ne suis pas fier d'être blanc comme Lou Reed car je n'ai - hélas - pas écrit Walk on the wild side). Malgré tout, je crois, comme beaucoup de ses pairs et comme peu d'occidentaux, aux différences raciales. Le jazz, par exemple, pour un blanc, c'est un reader digest consulté cigare en main: c'est prestigieux même quand on n'y comprend rien. Mais on n'y comprend surtout rien. On l'a assez répété - on finit par y croire - il manque au blanc le sens du swing. Les seuls blancs qui s'intéressent encore au jazz sont Marc Edouard Nabe et des universitaires polis et vétilleux mais pas très funky. Il y a cependant une chose qui défie radicalement cette ségrégation latente; cette chose, c'est la soul. C'est Motown, en particulier. Est-ce parce que d'emblée Gordy a cherché à séduire le public blanc avec des chansons calibrées pop? On l'a dit, on le lui a reproché, on l'a écrit dans les livres d'histoire. C'est peut-être, c'est sans doute, vrai, mais rien n'explique cette fusion parfaite des sensibilités, cette passerelle inédite entre nos deux cultures. Qu'aujourd'hui des revivalistes continuent à faire vivre ce style de pop habité et universel est à la fois parfaitement conservateur et en même temps on ne peut pas les en remercier assez.
Si Sharon Jones plaît sans réserves, et aussi vite, c'est bien sûr parce que l'oreille identifie tous les ingrédients qui ont fait le succès de la firme américaine dans les sixties, parfois jusqu'à les confondre avec l'original. Bien qu'on soit trop jeunes pour s'en souvenir, cette musique nous a imprégné dès notre enfance, via les films, les publicités et peut-être les best-of de nos parents. Quelques notes suffisent: une voix chaude, des chœurs, un refrain enlevé et la mécanique s'emballe. En musique, l'amour est un réflexe.
Comme pour l'album de Camera Obscura, qui rappelait obscurément des madeleines d'autrefois, ce disque de Sharon Jones est l'occasion de soulever le couvercle de notre mémoire musicale, où bouillonnent des airs inconnus, appris on ne sait où, mais qui ont modifié pour toujours notre horizon d'attente. Moins original, donc, que le très bon album de Nicole Willis paru en 2005, qui sonnait moins vintage (mais l'était quand même), I learned the hard way est hyper classique mais hyper bon, autant par ses accompagnements que par le chant. S'il est difficile de mettre de coté l'histoire du genre et par conséquent de jauger le disque en tant qu'expérience musicale isolée, unique et irremplaçable (ce que devrait être tout disque), il peut amplement s'apprécier pour lui-même. Par goût, vous pourriez même l'aimer davantage que certains classiques, tout en sachant qu'il est en revanche moins novateur.
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