La chanson de la semaine

samedi 15 mai 2010

San Francisco


Aaah! San Francisco! Terre promise où jamais nos pieds n'ont marché, nom hispanisant dont l'extraordinaire résonance évoque tant de voluptés. Pour faire simple c'est le rêve américain (ou le cauchemar, pour les jaloux ou les névropathes qu'indisposeraient une cure de soleil - couchant - et de sunshine pop sucrée). Avec cette sensibilité west coast, touche diffuse dans le psychédélisme ambiant, la plage solitaire du soir, les grand boulevards montants et la surf music, San Francisco est comme le berceau de l'hédonisme américain, tandis que la Californie toute entière semble représenter le rêve vulgaire et attachant du matérialisme. C'est cette ville qu'un petit album bien mineur de Scott McKenzie tente d'éterniser en ces années 60 fières d'elles-mêmes et sures de leur postérité (quoiqu'elles prétendent hypocritement vivre dans l'instant). Un album qui n'a pas vraiment tenu la longueur mais dont la pochette reste attirante pour toutes les raisons évoquées plus haut, pour cette petite bulle de plaisir qu'elle suggère rondement, cette vignette naïve et symbolique d'une époque qui se veut hippie mais qui est surtout un formidable bouillonnement de créativité sans vraies directives.

Mais pourquoi donc écouter ce disque quand on n'est ni historien ni collectionneur de ringardises? La réponse est dans le titre. Peut-être a-t-on raison d'ignorer les 30 minutes de cet album qui en compte 33, mais les trois premières sont sans pareilles! San Francisco - (be sure to wear flowers in your hair) pour citer le titre exact - est, au petit jeu des chansons préférées, une des cinq du peloton de tête. En tout cas, c'est un de ces vieux tubes qu'on ne lâche jamais, à l'image du Harry Rag des Kinks ou de Baba O'Riley des Who. La raison de cet amour fidèle tient à la rythmique, simple mais enlevée, qui procure la sensation de partir en avant, comme en voiture ou en tramway - chanson de route par excellence - en sillonnant les rues d'une métropole en fin d'après-midi. Les impressions se mêlent, avec pour constante absolue l'effet totalisant de la chanson. C'est peu de choses, sans doute, mais je l'écouterais volontiers à la veille de mourir, car il n'est jamais trop tard pour "lyriciser" la vie. San Francisco n'est pas une humeur musicale précise, c'est la musique de tous les instants, caméléon adaptable à nos sentiments et, d'un autre coté, énergie capable de nous transformer.



Scott McKenzie, peut-être conscient d'avoir reçu des mains de son ami John Phillips l'opportunité de s'élever au-dessus de lui-même, s'attache à ne pas la rater. A défaut de compter parmi les grandes voix de la pop, il livre l'interprétation d'une vie (d'ailleurs l'opinion publique n'a retenu que cette chanson). Ce n'est pas que ce soit - comment dire - virtuose, non, loin de là, mais l'inflexion est à même de toucher la corde sensible. Il a un timbre plus aérien que les Mamas and the Papas, mais il en fait un usage moindre sur les autres compositions du disque parce qu'elles ne sont tout simplement pas si bonnes. L'alchimie, comme on voit, tient à presque rien.
San Francisco n'est pas un album dans le fond, c'est une chanson, mais une chanson étalon. Je crois bien que John Phillips n'en a jamais composé de meilleure et que McKenzie s'en est trouvé lui-même éternisé, contre toute attente.

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